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Le Voyage d’Ava – Les Parures d’Ava – Femme de Cro-Magnon
Le voyage d’Ava
Les parures d’Ava
Femme de Cro-Magnon
Erolf Totort
Un article d’Aurelien Simonet
Erolf Totort vient de publier (octobre 2022) deux albums « le voyage d’Ava » et « les parures d’Ava » aux éditions Points de suspension/Jasmin. Ils sont le fruit de deux années de recherches, de dessin et de travail d’écriture comprenant plusieurs résidences artistiques dans les Landes au PréhistoSite de Brassempouy et sur le site départemental de l’abbaye d’Arthous. En partenariat avec la Délégation Académique aux Arts et à la Culture (DAAC) du Rectorat de l’Académie de Bordeaux, ces deux institutions ont ouvert à l’artiste le patrimoine préhistorique et les collections archéologiques des Landes en 2021 et 2022
Résumé des deux albums
- Le voyage d’Ava, femme de Cro-Magnon.
Ava, femme de Cro-Magnon, vit il y a 22 000 ans. Elle veut retrouver Adama, le père de son enfant. Il lui a laissé une chanson et une carte pour se repérer. De Castel-Merle, en Dordogne, à Foz Côa, au Portugal, faisant escale dans les Landes, elle parcourt plus de mille kilomètres avec son fils Adam.
sur le site des Editions Jasmin
- Les parures d’Ava, femme de Cro-Magnon.
Au solstice d’hiver le clan d’Ava accomplit les rites pour s’assurer des faveurs de la Grande-Mère. Ils façonnent des parures, chantent, dansent, célèbrent la fête du Renouveau, l’immuable victoire du soleil sur la nuit.
sur le site des Editions Jasmin
Présentation de l’autrice
Erolf Totort est autrice, peintre, illustratrice et graveure. Elle est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD) de Paris en 1996. Son œuvre se déroule à l’époque des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique récent et plus particulièrement du Gravettien connu pour ses statuettes féminines. L’héroïne de ses albums, nommée AVA, est d’ailleurs directement inspirée d’une des plus célèbres de ces statuettes, la Vénus de Lespugue.
Ses différents ouvrages « Le journal d’Ava, femme de Cro-Magnon » (2014), « le bestiaire d’Ava » (2016), « Je rêve de toi » (2018) et « l’herbier d’Ava » (2019) décrivent la vie d’AVA et de son clan entre la Loire et les Pyrénées. Se trouvent ainsi dépeints les aventures et l’univers constituant l’existence d’AVA. L’indépendance thématique qui caractérise chaque ouvrage permet de peindre, par petites touches, un univers apaisant. Les techniques de réalisation des albums diffèrent également (gravure en taille-douce et en taille d’épargne, dessin, peinture, etc). Cette variété de procédés met en exergue un âge d’or paléolithique.
À l’instar du Rahan d’André Chéret, l’une des sources d’inspiration revendiquée par l’artiste, la Préhistoire est utilisée par Erolf Totort pour mieux transmettre certaines idées : si la Préhistoire de Rahan assumait des anachronismes avant tout prétextes à un discours humaniste, celle d’AVA parle d’un monde où les Sapiens célébraient la nature, celle-là même que nous n’avons pas su préserver, et où le rôle des femmes était central.
Présentation de l’oeuvre
Les aventures d’AVA sont fondées sur les connaissances scientifiques les plus récentes (archéologie, ethnologie, mythologie comparée, histoire, histoire de l’art) et proposent un bréviaire accessible à tous les publics des traditions techniques et artistiques du Paléolithique récent en créant un pont chronologique avec le monde actuel. Le Gravettien dépeint dans les albums, aujourd’hui daté entre 34 000 et 25 000 ans avant le présent, regroupe des données archéologiques plus anciennes (perles en ivoire de l’Aurignacien retrouvées à Castel-Merle en Dordogne ou à Brassempouy dans les Landes) ou plus récentes (peintures pariétales d’Aurochs de la grotte de Lascaux). Cette démarche artistique prend tout son sens, dans un domaine où les préhistoriens insistent sur l’impossibilité d’interpréter les signes de ces traditions techniques et artistiques pour les qualifier de « cultures ». Ces premiers ne disposent pas, comme les anthropologues, de données linguistiques, mythologiques et sociales. La démarche de l’autrice s’explique aussi par les tendances marquées traversant ces différentes traditions du Paléolithique récent comme le mode de vie basé sur la chasse et la cueillette, l’art animalier des grottes, la singularité de la représentation féminine, la rareté et le faible investissement des sépultures ou l’utilisation d’armatures de projectiles microlithiques et standardisées que l’on retrouve de l’Aurignacien au Magdalénien.
L’œuvre emprunte également les caractéristiques du mythe en dépeignant une héroïne qui vit nue dans un paradis perdu revisité alors même que le Gravettien correspond au pic de froid de la dernière période glaciaire ! La représentation graphique schématisée donne vie aux statuettes gravettiennes qui représentent elles aussi des femmes nues, souvent parées de bandeaux, bracelets, résilles, comme AVA. Ce traitement du personnage renvoie également aux sépultures paléolithiques qui comportent de nombreuses parures en ivoire, dents animales et coquillages et dont le plus grand nombre a précisément été documenté au Gravettien. Cette iconisation de l’héroïne souligne la stature féminine et sa reconnaissance sociale par ces populations de chasseurs-cueilleurs pour qui, à une époque éloignée des découvertes de la Médecine, l’accouchement par exemple devait appartenir au domaine surnaturel et être fortement ritualisé.
Le parti pris artistique représente une vision positive de la place des femmes dans la Préhistoire, favorisant une lecture autre que celle de la domination masculine universelle souvent invoquée dans la communauté universitaire. Bien avant que les documentaires récents « Lady Sapiens » sur France 5 en 2021, « Femmes Préhistoriques » sur National Geographic et « la Vénus de Willendorf, une icône de la Préhistoire » sur Arte en 2022 ne s’emparent du sujet, les aventures d’AVA participaient déjà sainement, sans effusions, à mettre en lumière la moitié de l’humanité en grande partie invisibilisée par 150 ans de science préhistorique.
Aurélien Simonet
Docteur en Archéologie préhistorique
Chercheur associé Université Toulouse 2
Archéologue départemental des Landes
Site Internet d’Erolf Totort : https://erolftotort.wixsite.com/erolftotort
Bibliographie