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Un autre hominidé en Sibérie il y a 40 000 ans ?
Publication dans la revue Nature d’une étude sur l’enfant de Denisova, une nouvelle espèce découverte uniquement par son ADN.
La découverte
Le site de la grotte de Denisova est connu depuis les années 70. Les différentes études montrent que la cavité a été utilisée par des hominidés depuis 125 000 ans. Le site est situé dans les montagnes de l’Altaï en Sibérie.
De nombreux éléments retrouvés proviennent de la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur (- 35 000 ans) : outils en pierre, perles, pendentifs, aiguilles, une coquille d’autruche gravée et un bracelet vert. Ces artefacts sont de style Moustérien.
Seules preuves d’humanité, quelques dents et fragments d’une phalange d’auriculaire ont été exhumés en 2008 sur le site.
A qui appartiennent ces ossements ?
Les résultats sont publiés dans la revue Nature du 23 décembre 2010 par une équipe internationale de Jusqu’à présent ces restes pouvaient être attribués à deux espèces pouvant se trouver logiquement en Sibérie 40 000 ans en arrière : Homo sapiens ou Homo neanderthalensis.
Les scientifiques ne possédaient pas assez de données pour attribuer cette phalange d’enfant (environ 7 ans) à l’une ou l’autre espèce.
Une étude génétique
Sans rapport direct avec cette découverte l’Institut Max Planck (Anthropologie évolutionniste, Leipzig, Allemagne) avait engagé le projet de décryptage du génome de Néandertal : plus de 100 ADN d’Homo neanderthalensis et d’Homo sapiens ont ainsi été analysés. Les résultats montraient clairement que les deux espèces n’avaient pas de rapport et étaient distinctes.
Les fragments de phalange de Denisova ont été envoyés en Allemagne pour être analysés. Les chercheurs pensaient véritablement qu’ils allaient enfin pouvoir les attribuer à l’une ou l’autre des deux espèces…
Une nouvelle espèce !
Surprise de taille, l’étude de l’ADM mitochondrial de cette phalange révèle que cet enfant n’appartient à aucune espèce connue à ce jour… Alors qu’un génome de l’ADNmt de Néandertal diffère de celle de l‘Homo sapiens de 202 positions nucléotidiques en moyenne, l’échantillon de la grotte de Denisova diffère en moyenne de 385 postes !
Une comparaison avec les autres ADN connus montre même qu’il faut remonter jusqu’à 1 million d’années dans le passé pour trouver un ancêtre commun à l’hominidé de Denisova, l’homme moderne et Néandertal.
Svante Paabo et Johannes Krausse (Institut Max Planck) pensent qu’ils sont face à une nouvelle espèce qui aurait quitté l’Afrique après l’expansion d’Homo erectus (-1,9 millions d’années) et avant celle des néandertaliens (-500 000 ans). Ce simple fragment serait la preuve d’une migration « humaine » inconnue à ce jour ou d’une lignée spécifique.
Qui était l’Homme de Dénisova ?
Cet hominidé aurait vécu 30 000 ans à 48 000 ans en arrière (d’après la datation du sol de la grotte). Les éléments retrouvés à proximité (outils, parures) indiquent qu’il était aussi évolué que sapiens et Néandertal avec qui il partageait le même territoire.
Pour confirmer l’existence d’une espèce nouvelle, les chercheurs vont tenter de séquencer intégralement le génome de l’Homme de Denisova.
Plusieurs espèces il y a 40 000 ans
Décidément, l’homme moderne qui se croyait seul représentant d’une humanité supérieure il y a encore quelques dizaines d’années doit admettre que cette solitude était fausse :
– d’abord la reconnaissance que Néandertal n’était pas une brute épaisse et « animale »
– puis la découverte en 2003 d’Homo floresiensis en Indonésie qui a survécu jusqu’à -18 000 ans
– et maintenant une nouvelle espèce d’homme en Sibérie…
A noter, selon certaines études, il existait également à cette époque une autre humanité à Java : Homo soloensis. Pour l’instant cette espèce n’est pas reconnue par l’ensemble des scientifiques et surtout les différentes datations des restes fossilisés sont contradictoires.
Réactions
Pour le professeur Chris Stringer (Muséum d’Histoire Naturelle de Londres). « Ce travail sur l’ADN donne une toute nouvelle façon de regarder l’évolution, encore mal comprise, de l’homme en Asie centrale et orientale. »
« Nous avons des ornements, un bracelet, il y a donc plusieurs éléments dans les couches stratigraphiques qui sont habituellement associés à l’archéologie de l’homme moderne » déclare Johannes Krause.
C.R.
Les études de l’Homme de Denisova
2024 l’Homme de Dénisova sur le plateau tibétain pendant 160 000 ans
2022 Une dent de fillette au Laos datée de 130 000 ans appartient-elle aux dénisoviens ?
2020 L’ADN de Denisova dans la grotte de Baishiya au Tibet
2019 Denisova 195 000 ans
2019 Découverte d’ Homo longi… un dénisovien ?
2019 Une mâchoire de l’Homme de Denisova identifiée au Tibet et datée de 160 000 ans
2018 Hybridation Néandertaliens et Nénisoviens – Jean-Luc Voisin
2017 Dénisoviens … Un groupe humain fantôme ou une réalité biologique ?
2012 Génome décrypté pour l’homme de Denisova
2010 Denisova et Néandertal un ancêtre commun
2010 Une nouvelle espèce d’hominidé identifiée en Sibérie dans la grotte de Denisova