Un mythe africain sur l’origine de la mort qui remonte à la Préhistoire !
Un mythe africain sur l’origine de la mort qui remonte à la Préhistoire !
Jean-Loïc Le Quellec
Parmi les divers types de mythes expliquant l’origine de la mort, celui du «message perverti» est particulièrement répandu en Afrique. Dans sa version la plus simple, il raconte que la Lune envoya le lièvre porter à l’humanité un message disant que les hommes ne devaient pas s’inquiéter de mourir, car ils renaîtraient comme elle. Hélas, le lièvre modifia le message, ce qui introduisit la mort chez les hommes, qui depuis lors le haïssent ; en punition, le fautif fut frappé sur la bouche, et c’est pourquoi il en garde la lèvre fendue… et s’enfuit toujours au moindre bruit.
En étudiant la répartition des diverses versions de ce récit, et en appliquant à leurs mythèmes (unités de base) diverses méthodes statistiques, notamment empruntées à la phylogénétique, Jean-Loïc Le Quellec, directeur de recherche à l’Institut des Mondes Africains (IMAF, CNRS UMR 8171) vient de démontrer que l’origine de ce récit se situe en Afrique australe.
La version la plus ancienne de l’histoire fut ultérieurement modifiée par l’introduction d’un second messager rivalisant avec le premier. Selon ce nouveau type, largement diffusé ensuite par des peuples de langue bantoue, c’est le Créateur (et non plus la lune) qui mandate un messager pour porter aux humains un message de vie ; ce messager (qui est souvent le caméléon) marche lentement ; pendant qu’il musarde, un second coursier (souvent le lièvre) part de son propre chef, et c’est lui qui arrive le premier, mais il modifie le message, ou en transmet un autre, ce qui introduit la mort chez les hommes… et on ne peut plus rien y faire!
L’étude qui vient de paraître dans la revue Afriques prouve que ce type de mythe a une profondeur historique jusqu’alors insoupçonnée, s’enracinant en Afrique australe, chez des groupes parlant des langues de la famille dite khoisane, qui est la plus ancienne d’Afrique. La répartition de la version la plus archaïque du récit permet d’envisager une origine antérieure à la division de cette famille en deux groupes (Khoe-Kwadi et Tuu + Kx’a), il y a environ trente mille ans.
C’est la première fois qu’un mythe préhistorique est ainsi retrouvé avec une quasi certitude, puisque les trois méthodes utilisées (aréologie, phénétique et analyse en composantes principales) conduisent au même résultat.
Source: Le Quellec, Jean-Loïc 2015. «En Afrique, pourquoi meurt-on ? Essai sur l’histoire d’un mythe africain.» Afriques: débats, méthodes et terrains d’histoire : [En ligne], Varia, mis en ligne le 28 juillet 2015, consulté le 29 juillet 2015. URL : http://afriques.revues.org/1717/
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