Les têtes
Brigitte et Gilles Delluc
Les têtes (8/10)
Les représentations humaines pariétales
Palaeolithic art in Périgord.
Parietal human representations
9.1. Description
Les représentations humaines limitées à l’extrémité céphalique sont assez rares (Fig. 16). Dans l’état actuel des connaissances, elles datent toutes du Magdalénien moyen. Elles sont réalistes, caricaturales ou fantomatiques. Elles occupent souvent des positions reculées, mais sont aussi parfois intégrées dans des panneaux complexes.
Dans la zone profonde de la grotte de Saint-Cirq (Delluc et Delluc, 1987a), autour de la figure masculine qui en forme le centre, sont gravées deux têtes humaines « bestialisées » : le crâne est bien rond; le nez et la mâchoire sont projetés en avant en museau. L’une d’elles (aujourd’hui presque effacée à la suite d’un moulage) (Fig. 16( 1)) est située dans l’environnement immédiat de l’homme, en compagnie d’une tête de bison, d’une tête de bouquetin et d’une image triangulaire de sexe féminin. L’autre (Fig. 16(2)), à peine plus éloignée, fait face à un cheval en une scène symbolique, séparée du cheval par une petite figure féminine schématique de profil.
Dans la grotte de Gabillou (Gaussen, 1964 ; Duhard, 1990), sont gravés un masque humain élémentaire (Fig. 16(3)), aux yeux pupillés et au nez losangique, avec cependant dessin des poils hérissés de la chevelure et de la barbe, et, dans un panneau complexe, une « figure étrange (« Lucifer ») », évoquant un profil au mufle « bestialisé » (Fig. 16(4)).
Dans la grotte de Comarque (Delluc et Delluc, 1981), la décoration est scandée par plusieurs représentations humaines entières ou fragmentaires, disposées dans des emplacements caractéristiques. La partie terminale de la galerie principale, outre plusieurs images vulvaires et des figures féminines schématiques, comprend deux têtes humaines gravées de part et d’autre du cheval géant. L’une est un profil, au contour du crâne rond vigoureusement gravé, à la face verticale, en partie naturelle, et au menton arrondi (Fig. 16(5)). La seconde est connue comme une tête « bestialisée », selon le mot d’André Leroi-Gourhan (Leroi-Gourhan, 1971 : p. 472) : son nez et sa mâchoire sont projetés en avant en museau ; la nuque est dépourvue de lordose cervicale. Ce profil rappelle, en effet, celui d’une figure des Combarelles. à vrai dire, cette hypothèse n’est pas très convaincante et la tête « bestialisée » de Comarque pourrait être celle d’un ours (Fig. 16(6)).
Dans la grotte des Combarelles, une vingtaine de tracés évoquent des têtes humaines (Archambeau et Archambeau, 1991 : p. 79), parmi lesquelles C. Barrière retient 17 têtes, 2 de face et 15 de profil (Barrière, 1997: p. 500), reparties au long de la galerie ornée. Elles sont toutes plus ou moins fantomatiques ou simplifiées. Cinq d’entre elles sont gravées non loin du panneau de l’homme G70 et de l’anthropomorphe G69 (Barrière, 1997 : p. 58-61). Un peu plus loin, on note trois regroupements de deux ou trois têtes: D152, 153 (Barrière, 1997: p. 76), D160, 163 et 164 (Barrière, 1997 : p. 77-78) et D209, 210 et 212 (Barrière, 1997 : p. 84-85). Deux têtes méritent une mention spéciale (Fig. 16(7, 8)) : une tête de face, avec deux gros yeux et un gros nez, gravée au milieu d’un panneau confus (Barrière, 1997 : p. 233, G36), et un profil barbu, gravé sur un panneau relativement isolé au milieu des panneaux animaliers (Barrière, 1997 : p. 411, D198).
La grotte de Bernifal (Meyrals) (Delluc et al., 1995 ; Roussot, 1984d) recèle trois visages humains. Immédiatement à droite du panneau d’entrée, un visage de face aux yeux ronds est peint en noir sur une protubérance de la paroi (Fig. 16(9)). Dans la partie moyenne de la grotte, en haut d’une cheminée difficile d’accès, est dessiné à l’argile un superbe mammouth. Nous avons décrit (Delluc et Delluc, 1994) à sa droite un masque humain, tracé de même, avec les yeux surmontés de sourcils, le nez et la bouche (Fig. 16(10) et Planche 1, Fig. 2). Enfin, dans une galerie terminale, difficile d’accès, tout près d’un ensemble de quatre mammouths finement gravés, un masque jaillit d’une lame rocheuse à la forme évocatrice, complétée par un œil et une bouche gravés (Fig. 16(11)).
Tout au fond de la galerie des Femmes de la grotte de Fronsac (Delluc et Delluc, 1996), l’une des parois est occupée par un profil humain, au crâne rond et au long nez busqué, et par deux mains aux doigts tendus vers le sol, finement incisés (Fig. 16(12)). En face, l’autre paroi est décorée par deux figures féminines très simplifiées, profondément gravées.
La grotte de Rouffignac (Barrière, 1982 ; Plassard, 1999) est riche de trois visages humains, disposés dans des recoins. Le premier, baptisé « le Grand être» (Fig. 16(13)), est tracé en noir dans une galerie inférieure, malaisée, au fond du puits du Grand plafond. C’est un visage en profil gauche, au front haut et saillant, au crâne au nez épaté, à la bouche entaillant profondément la joue; sa paupière close paraût recouvrir un œil globuleux. Les deux autres, assez caricaturaux, surnommés « Adam et ève» (Fig. 16(14, 15)), sont gravés face à face à l’extrémité de la galerie Henri – Breuil : nez retroussé, bouche ouverte, œil hypertrophié. Enfin, une étonnante « tête barbue» et chevelue, aux yeux en accent circonflexe et aux oreilles (ou cornes) pointues, figurée de face, gravée au tout début de la galerie principale, entre deux mammouths, est classée comme « anthropomorphe ou bison vu de face ». Le relevé de Claude Barrière (Barrière, 1982 : p. 17) peut en effet faire discuter un homme, mais on ne retrouve pas d’arguments convaincants sur le relevé plus récent de J. Plassard (Plassard, 1999 : p. 59).
9.2. Commentaires
Les têtes humaines ne sont pas connues dans les sites plus anciens. Elles sont un peu plus nombreuses dans les grottes ornées magdaléniennes. Elles sont souvent placées dans des recoins, comme l’avait suggéré André Leroi-Gourhan: par exemple à Bernifal, à Rouffignac, à Fronsac. Mais elles interviennent aussi dans des panneaux en compagnie d’autres humains entiers ou fragmentaires.
Leur position est parfois remarquable. Ainsi, à Saint-Cirq, deux têtes humaines à la face bestialisée sont gravées en bordure du panneau centré par l’homme, en compagnie d’un triangle pubien et de figures animales fragmentaires. L’une d’elles, en outre, est gravée face-à-face avec un cheval en une sorte de scène et une petite FFS est gravée entre les deux protagonistes de la scène.
à Comarque, dans la galerie principale, le profil humain est gravé en plein milieu de la zone centrale, à droite du grand cheval, en compagnie des vulves triangulaires et des FFS.