Les représentations humaines pariétales
Brigitte et Gilles Delluc
Les représentation humaines pariétales (1/10)
Art paléolithique en Périgord.
Palaeolithic art in Périgord.
Parietal human representations
Résumé
Les grottes du Périgord, ornées durant le Paléolithique supérieur, ont fourni plus d’une centaine de représentations humaines, souvent méconnues au profit du riche ensemble de figures animales : certaines sont entières, réalistes ou schématiques, d’autres sont fragmentaires (sexes, masculins et féminins, têtes et mains). Elles occupent volontiers des positions remarquables et sont fréquemment regroupées entre elles. Les figures féminines schématiques sont nombreuses et elles figurent aussi bien dans les panneaux animaliers que dans des groupes spécifiquement composés de représentations humaines. Les représentations masculines se caractérisent par le fait qu’elles sont figurées à un seul exemplaire dans chaque site et qu’elles y occupent une position importante, au centre ou au fond. Ces images pourraient permettre de se faire une idée des artistes qui les ont représentées.
Abstract
The caves of Périgord, decorated during the upper Paleolithic period, supplied more than a hundred human representations, often underestimated for the benefit of the rich group of animal figures: some are
complete, realistic or simplistic, the others are fragmentary (sexes, male and feminine, heads and hands). They occupy gladly remarkable positions and are frequently regrouped among them. The simplistic feminine figures are numerous and they appear as well in panels consisted of animals as in groups specifically consisted of human representations. Male representations are characterized by the fact that they are represented in a single copy in every site and that they occupy there an important position, to the centre or to the bottom. These images could allow to make an idea of the artists who represented them.
Introduction
Depuis plus de 30 ans, nous cherchons à enrichir l’inventaire des images paléolithiques du Périgord. Le discours, qui accompagnait certainement ces mythogrammes est perdu : il ne reste que le décor. Aussi, nous sommes-nous efforcés d’en prendre en compte et d’en décrire tous les éléments, même minimes, en espérant contribuer ainsi à une meilleure connaissance de ces ensembles. De même ont été recherchés tous les arguments de datation pour ne comparer que ce qui est comparable dans le temps et dans l’espace.
Le thème des représentations humaines comporte des silhouettes complètes (figuratives ou simplifiées) ou fragmentaires (sexes isolés, têtes, mains). Nous avons été frappés par :
- leur fréquence, à presque toutes les époques ;
- par la spécificité de certaines schématisations ;
- par leur rôle dans l’organisation des sanctuaires.
On insistera ici particulièrement sur les figures que nous avons pu examiner et étudier.
Beaucoup étaient demeurées dans l’ombre, par pudeur ou par méconnaissance.
La grotte des Combarelles, particulièrement riche en représentations humaines entières ou fragmentaires, féminines ou masculines (une quarantaine d’anthropomorphes et une quinzaine d’images vulvaires), mêlées aux autres représentations animales ou symboliques, a été minutieusement étudiée et publiée (Archambeau et Archambeau, 1991 ; Barrière, 1997). De même pour la grotte de Gabillou (Gaussen, 1964 ; Duhard, 1996 : Fig. 101, p. 205). Leurs principales figures seront abordées à titre de comparaison.
Un cadre en partie renouvelé
Nos recherches peuvent se classer sous cinq grandes rubriques :
– les grottes découvertes par le Spéléo-Club de Périgueux, principalement Villars, La Martine, Le Pigeonnier et Le Mammouth à Saint-Front-de-Domme, La Font-Bargeix, Fronsac, La Croix ;
- l’art archaïque sous la direction d’André Leroi-Gourhan (depuis 1972) ;
- Comarque et quelques autres grottes, comme Saint-Cirq et Bara-Bahau ;
- Lascaux (depuis 1975) ;
- l’abri Pataud (depuis 1985).
Le point de départ a été, comme pour beaucoup de chercheurs, le cadre des hypothèses énoncées par André Leroi-Gourhan. Mais, depuis 1958, date de la publication de ses grands articles fondateurs (Leroi-Gourhan, 1958), et depuis la publication de Préhistoire de l’art occidental (Leroi-Gourhan, 1965), l’inventaire des cavernes paléolithiques s’est considérablement enrichi. En particulier, il s’est augmenté de grandes cavités, au riche décor pariétal rapportable au début du Paléolithique supérieur.
Chaque grotte a révélé sa propre originalité ; l’inventaire des thèmes animaux s’est accru ; les associations animales dominantes sont plus différenciées ; le style des représentations les plus anciennes apparaût plus clairement. Au point que certains chercheurs considèrent que toutes les hypothèses énoncées par André Leroi-Gourhan relèvent d’un passé révolu. Cependant, nos études en Périgord et aux environs nous ont conduits plus à confirmer et à élargir ces conclusions, qu’à les contredire.
Les études des grottes toutes proches de Pair-non-Pair (Gironde), de Gargas (Hautes- Pyrénées), celles des grottes du Lot (en particulier Pech-Merle, Cougnac et Roucadour), la découverte de la grotte Chauvet (Ardèche) et celle de la grotte gravettienne de Cussac (Le Buisson-de-Cadouin) apportent un enrichissement considérable et une assise solide à la connaissance de l’art pré-Magdalénien et ont permis une meilleure prise en compte des multiples observations effectuées dans les abris aurignaciens des environs des Eyzies et dans les grottes archaïques d’Aquitaine. Petit à petit, le puzzle se met en place.