Les illustrations de la préhistoire
Les illustrations de la préhistoire
Comment représenter la vie des paléolithiques à la préhistoire ?
Les illustrateurs, miroirs de leurs époques
Depuis le 19ème siècle les illustrations de la préhistoire n’ont cessé d’évoluer. Si le contexte et l’époque ont bien sûr un impact sur le dessin, les découvertes et les avancées scientifiques ont bouleversé les représentations. S’appuyant sur des découvertes archéologiques et génétiques récentes, les illustrations ne cessent de se rapprocher de la réalité… du moins on peut l’espérer, même si les réseaux sociaux s’emballent parfois sur des dessins complètement faux ou refusent les avancées scientifiques qui ne correspondent pas à la religion ou aux croyance des « influenceurs »…
Attention à ne pas critiquer et se moquer des illustrations d’hier avec nos yeux et nos idées d’aujourd’hui : c’est inutile et cela ne fait pas avancer la connaissance… Le mieux est de comprendre le contexte et le pourquoi d’un dessin…
A la fin du 19ème siècle
On trouve les premières illustrations avant que la science préhistorique ne se développe.
En effet, les hommes préhistoriques ne sont pas au départ immédiatement reconnus comme tels et, quand on découvre un crâne dans la vallée de Neander, il apparaît comme un humain atteint d’une pathologie déformante. Son statut d’espèce humaine différente ne sera admis qu’avec les découvertes ultérieures de squelettes (à Spy en 1886, et à La Chapelle-aux-Saints en 1908). Un esprit curieux, Jacques boucher de Perthes, affirme qu’il existe des hommes « antedéluviens » qui côtoyaient des mammouths et fabriquaient des outils de pierre. Cette hypothèse est très loin de faire l’unanimité, car la religion ne peut admettre l’existence d’un homme-animal, « non civilisé » avant vécu avant la Création du Monde… Malgré ces croyances les découvertes vont permettre à la Préhistoire de se développer dans les esprits scientifiques de l’époque.
Les premières illustrations ne sont donc pas rattachées à des études scientifiques mais plutôt à des curiosités découvertes… En 1870, le journaliste Louis Figuier édite un ouvrage sur les hommes antédiluviens : L’Homme primitif. C’est pour l’époque un livre de science-fiction… et son auteur annonce qu’il va « exposer une science qui n’existe pas encore ! ». Les nombreuses illustrations de cet ouvrage sont réalisées par deux illustrateurs : 40 scènes de la vie de l’homme primitif par Emile Bayard et 248 figures représentant des objets usuels des premiers âges de l’humanité par Ernest Jean Delahaye.
Au 20ème siècle, les peintres
Dès le début du 20ème siècle les découvertes de restes humains préhistoriques se multiplient… Les scientifiques lancent des chantiers de fouilles un peu partout dans le monde. Beaucoup de ces découvertes vont engendrer un besoin pour le public de connaître ces très lointains ancêtres.
Les première représentations de ces hommes préhistoriques sont forcément imaginaires, faute de réelles études anthropologiques… Et lorsque le paléontologue Marcellin Boule présente le Néandertalien de la Chapelle-aux-Saints dans la revue l’Illustration, il donne à l’illustrateur Kupka des consignes qui vont faire ressembler ce pauvre Néandertalien à une espèce d’être, mi-homme, mi-bête, vouté, poilu et menaçant !
sous les instructions de Marcellin Boule pour une publication dans l’Illustration en 1909
La génération suivante des illustrateurs de préhistoire est constituée en majorité de peintres qui apportent une sorte de réalisme. Mais cette nouvelle approche est entachée des mêmes erreurs d’interprétation notamment sur la vision des Néandertaliens. Le peintre américain Charles Robert Knight, célèbre pour ses dinosaures, a également représenté des hommes préhistoriques qui sont toujours très proches de la bestialité.
AMNH. Charles R. Knight – https://fr.vikidia.org/wiki/Grotte_de_Font-de-Gaume#/media/File:Font-de-Gaume.jpg
Ce grand artiste sera suivi d’un autre peintre dont les œuvres sont passées à la postérité : Zdenek Burian. Son succès commence en 1932 avec l’illustration d’un ouvrage sur les chasseurs de mammouths. Il va élargir sa palette au fil des années et se spécialiser dans les reconstitutions préhistoriques avec des hominidés en collaboration avec le paléontologue Josef Augusta. Près d’une trentaine de livres de vulgarisation scientifique vont paraitre et la plupart seront traduits et vendus dans le monde entier ! Ses dessins, souvent empreints d’une certaine douceur, vont marquer la représentation de la préhistoire des années 30 aux années 80.
A l’inverse, Frank Zavetta, illustrateur de Tarzan et Conan, entres autres, représente principalement des hommes musculeux à l’extrême et des femmes aux formes très (trop ?) généreuses. Quand il applique son style à la préhistoire on arrive à un Néandertal brutal et obtus, au physique relativement semblable à celui de Frantisek Kupka des dizaines d’années auparavant…
2ème moitié du 20ème, les découvertes scientifiques intègrent les illustrations
Les découvertes d’hominidés s’enchaînent, l’anthropologie se développe et permet de reconstituer l’aspect et la vie des hommes préhistoriques, car maintenant ce ne sont pas 3 ou 4 espèces qui sont représentées mais une bonne quinzaine ! L’arbre généalogique continue de se remplir et les dessinateurs doivent suivre…
A partir de 1979 plusieurs livres de préhistoire sont édités associant le dessinateur Pierre Joubert associé avec des auteurs (Louis-René Rougier, Jean-Laurent Monnier, Jean L’Helgouach). Avec des illustrations réalistes ces livres illustrés sont destinés en priorité aux plus jeunes mais ils intègrent les découvertes de nouvelles espèces d’hominidés qui peuvent passionner aussi les parents !
Bien entendu, sur une liste des illustrateurs de la préhistoire il serait inconcevable de ne pas évoquer la présence de notre héros préhistorique français, Rahan ! A partir des année 70 ses aventures ont rythmé les lectures des jeunes en montrant un homme de la préhistoire plutôt écologiste, responsable, bienveillant et surtout pacifique… Tout le contraire des romans comme La Guerre du Feu ! Les scénarii de Roger Lécureux et les illustrations d’André Chéret sont toutefois en accord avec leur époque et notre Rahan blond aux yeux bleus n’est pas très « raccord » avec la réalité…
Issus de la publicité, des dessinateurs vont se passionner pour la préhistoire. Christian Jegou a commencé en 1970 par l’illustration de couvertures de magazines comme Science-et-Vie, l’Express… Il travaille également pour des collections et les ouvrages documentaires comme Découvertes, les Racines du Savoir. Il a participé à de nombreuses expositions comme Préhistoire et chamanisme (2017), Lascaux (2015)…
Après des études à l’école supérieure des Arts Saint Luc, Benoît Clarys travaille comme illustrateur publicitaire jusqu’en 1985. Il se passionne également pour les fouilles archéologiques et depuis 1989 il allie ses passions que sont le dessin et les fouilles pour devenir illustrateur en archéologie.
Il illustre des ouvrages scientifiques et de nombreuse expositions.
Livre « Lascaux » de Marylène Patou-Mathis et Christian Jégou, éditions Fleurs (2010)
C’est un autre parcours pour Gilles Tosello : diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, il est préhistorien depuis les années 2000. Il a travaillé sur des grottes ornées majeures comme Le tuc d’Audoubert ou la grotte Chauvet.
Il utilise ses multiples talents pour vulgariser les travaux d’archéologie en illustrant des livres, des expositions, des magazines scientifiques, des documentaires.
Des caractéristiques que l’on pensait à jamais perdues sont maintenant accessibles grâce à la génétique. On sait que les Homo neanderthalensis avaient la peau claire et pouvaient être roux… Alors que les premiers Homo sapiens avaient la peau sombre et possiblement des yeux bleus… Bref, les dessinateurs de la préhistoire doivent maintenant intégrer ces nouvelles données dans leur œuvres Ce sont maintenant également des dessinateurs de BD qui viennent enrichir les communications et les ouvrages scientifiques, ce qui donne un supplément d’âme aux représentations de scènes de la vie quotidienne à la préhistoire…
La taille du silex, la sculpture sur os, un rituel funéraire chez les Néandertaliens, le charronnage d’un mammouth ou d’un bison, la cueillette de fruits, la collecte de tubercules, la soirée autour d’un foyer… Autant d’activités où le dessinateur doit retrouver les gestes en se basant sur les découvertes et les études.
Olivier-Marc Nadel est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts-Décoratifs de Paris. Depuis les années 2000 Il enseigne le dessin, le reportage graphique et l’illustration scientifique à la Haute Ecole des Arts du Rhin à Strasbourg. Illustrateur, peintre, graveur et dessinateur multimédia, il travaille par ailleurs pour plusieurs maisons d’édition ( Belin, Odile Jacob, Hatier, Hachette…) des musées (Muséum d’Histoire Naturelle de Paris et Musée de l’Homme entre autres), l’INRAP et le CNRS. Il a illustré le livre « 33 idées recues sur la préhistoire » avec le paléoanthropologue Antoine Balzeau.
Diplômé de l’’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art, Emmanuel Roudier s’intéresse rapidement aux « époques préhistoriques ». Il illustre dans un premier temps des revues scientifiques et pour la jeunesse. Nouveau moyen d’expression, Emmanuel Roudier va lancer une première saga de BD, « Vo’Hounâ » (entre 2002 et 2013) suivie de la célèbre trilogie « Néandertal » entre (2007 et 2011), la Guerre du Feu, Rozel (2023). Touche à tout de la préhistoire, il élabore un jeu de rôle sur le préhistoire, de l’écriture à l’illustrations : Würm. On lui doit également un ouvrage avec le paléoanthropologue Antoine Balzeau, mélange de BD et de faits scientifiques : « Qui était Néandertal, l’enquête illustrée« …
Emmanuel Toudier (2010)
(publiée dans Qui était Néandertal ? l’enquête illustrée, éditions Belin).
Rare, voire unique dans le domaine de l’illustration, Priscille Mahieu et Eric Le Brun forment un couple de dessinateurs de BD et d’illustrateurs de préhistoire. Les deux sont venus à la préhistoire par un intérêt pour l’art des grottes ornées. Ils ont réussi à en visiter 130 entre la France et l’Espagne ! En plus de leur activité d’enseignants, ils ont produit chacun une série de BD, « L’art préhistorique en BD » (3 tomes) pour Eric et « Ticayou » (3 tomes), « Le grand abri » pour Priscille. Eric le Brun collabore régulièrement avec des revues scientifiques comme Archéologia et avec Priscille ils ont participé à plusieurs expositions comme Paléo-Bulles ou La BD et les grottes de Gargas…
– Pricille Mahieu
Les liens des illustrateurs
Zdenek Burian
Benoît Clarys
Christian Jegou
Pierre Joubert
Charles R. Knight
Eric Le Brun
Priscille Mahieu
Olivier Marc Nadel
Rahan.org
Emmanuel Roudier
Bertrand Roussel