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Les représentations dans l’art préhistorique
Animaux, femmes, hommes, l’artiste du paléolithique a peint son environnement, mais aussi de mystérieux signes… Quelles représentations trouve-t-on dans l’art préhistorique ?
Les sujets figurés se répartissent en trois catégories principales : la faune, les humains, et les signes.
L’artiste préhistorique a représenté principalement la faune de son époque, délaissant la flore, les éléments géologiques, et ses propres outils. Sans que l’on sache pourquoi, les représentations humaines sont rares…
En juin 2021 lors d’une conférence à la BPI du Centre Beaubourg le préhistorien Jean-Loïc Le Quellec a présenté les chiffres issus d’une banque de données recensant les graphismes dans l’art pariétal.
Dans les 400 grottes étudiées 48% des unités graphiques sont des signes, 44% des des zoomorphes, 8% des anthropomorphes (dont les représentations partielles comme les mains). Si les pourcentages semblent différents il faut surtout comprendre que le classement n’est pas fait de la même façon…
Par exemple, dans le cas des mains, elles sont classées dans les signes d’un coté et dans les anthropomorphes d’un autre !
La faune, les animaux représentés
Plus de 90 % des représentations dans l’art préhistorique sont consacrées aux animaux
Bison, cheval, mammouth, bouquetin, lion, pingouin… l’homme préhistorique a représenté toute la faune qui l’entourait (et pas forcément celle qu’il chassait le plus…). Très rarement on assiste à une véritable mise en scène animalière : troupeau de mammouths en mouvement, mère léchant son petit… A noter, les artistes ont généralement particulièrement soigné les représentations d’animaux : proportions respectées, soucis du détail… (Illustration ci-contre : grotte Chauvet).
Sur les parois des grottes ces représentations animales évoluent dans le temps. Pour Carole Fritz (CNRS au Centre de Recherche et d’Etude pour l’Art Préhistorique – CREAP). : « Dans les périodes très anciennes, à l’Aurignacien (- 39 000 à – 28 000), au Gravettien (-31 000 à – 24 000), les félins, les mammouths, les ours et les rhinocéros vont dominer le bestiaire. Puis, il y a une période charnière aux alentours de – 17 000, où on a une inversion de ce bestiaire. Les animaux dominants vont alors être le cheval, le bison, le bouquetin, le cervidé. Les autres vont devenir des animaux rares ».
Les animaux, en général de grands herbivores, forment la catégorie de loin la plus nombreuse, la plus connue parce que la plus spectaculaire, celle aussi où la qualité artistique est la plus accomplie. En nombre les chevaux et les bisons sont largement dominants, un second groupe est formé par le mammouth, le bouquetin, l’aurochs, et les cervidés viennent ensuite les animaux plus rares : ours, félins avec une majorité de lions des cavernes, rhinocéros et enfin les animaux exceptionnels : oiseaux, poissons, reptile… Il existe également, en petit nombre, des animaux fabuleux (la « licorne » de Lascaux), des monstres formés par des parties de différents animaux ou des figures mi-animales mi-humaines.
Thèmes principaux | Thèmes rares | ||
Cheval | 1258 | Mégalocéros | 22 |
Bison | 779 | Oiseau | 20 |
Mammouth | 440 | Poisson | 13 |
Bouquetin | 318 | Isard | 10 |
Aurochs | 220 | Phoque | 8 |
Cervidés | 122 | Serpent | 6 |
Cerf | 146 | Bœuf Musqué | 3 |
Renne | 129 | Pingouin | 3 |
Lion | 120 | Lièvre | 2 |
Rhinocéros | 87 | Antilope Saïga | 2 |
ours | 52 | Canidé | 2 |
Belette | 1 |
Le chiffre à droite correspond au nombre de représentations de l’animal dans l’art pariétal en France. Les cervidés comprennent les animaux qui ne peuvent être clairement identifiés, rennes, cerfs…
Photo Delluc
Beaucoup de ces animaux appartiennent à des espèces disparues dont ils présentent certaines particularités anatomiques caractéristiques, tel est le cas des chevaux qui sont des chevaux de Prjevalski, animaux de petite taille, hirsutes, à grande queue présentant sur l’encolure un tache caractéristique en forme de M aplati, ou des ours, Ursus spaeleus, espèce aujourd’hui disparue, reconnaissable par la présence d’un stop prononcé (décrochement au niveau de la racine du nez) sur le profil du crâne ….
Des règles dans la composition
Au-delà de cette dimension naturaliste évidente, les représentations animalières pariétales présentent un certain nombre de traits communs qui sont souvent autant de nuances à leur apparent réalisme.
– Tous les animaux, à de très rares exceptions près, sont représentés de profil, mais bien souvent la vue de profil est altérée par le procédé de la perspective tordue, ainsi de nombreux bisons ont des cornes de face.
– Les superpositions sont fréquentes.
– Les tailles respectives d’animaux voisins ne sont pas respectées.
– Des espèces qui dans la nature ont des habitats différents sont représentées côte à côte, par exemple les bisons et les chevaux.
– La ligne d’horizon n’est jamais figurée.
– Le sol est parfois évoqué par un élément naturel, corniche, mais n’est jamais représenté directement.
– Certains animaux sont représentés dans des positions impossibles : pattes en l’air, en position oblique ascendante ou descendante forte.
– Les paysages, les arbres, les pistes si importantes pour les chasseurs ne sont jamais représentés.
– Les espèces figurées répondent à un choix très précis ne correspondant pas à la liste de celles qui étaient consommées.
– Les scènes sont rarissimes.
Les humains complets ou partiels figurés dans l’art préhistorique
Peu nombreuses, juste esquissées, mal proportionnées, les figures humanoïdes n’ont pas été un sujet premier pour nos artistes du passé. Les hommes préhistoriques ont délibérément pris plus de temps pour représenter la faune que leur propre espèce.
Une constante également : l’être humain est majoritairement représenté seul. Il est très rarement accompagné d’animaux… voire mélangé avec eux… ce qui peut donner des êtres hybrides, mi-homme, mi-animal, des thérianthropes. La scène du puit à Lascaux est l’une des exceptions qui confirme la règle ou l’homme est accompagné d’un bison et d’un rhinocéros.
A de très très rare exception il peut y avoir plusieurs représentation humaines mixtes. On peut citer le cas du bloc Aurignacien de Terme Pialat sur lequel sont gravés une femme de profil (identifiée grâce à son sein) et à sa droite, un être humain qui pourrait être un homme.
« À quelques exceptions près, la figure humaine est le plus souvent représentée de manière stylisée, bestialisée et/ou composite, comme pour signifier qu’elle n’est pas encore tout à fait sortie de l’animalité », souligne Carole Fritz, directrice de l’équipe scientifique de la grotte Chauvet.
Les hommes
Par rapport à celui des animaux l’effectif des humains est très faible. Dans l’art pariétal ou mobilier les représentations masculines sont toujours traitées de façon assez sommaire (Scène du puit), souvent en érection (Scène du Puit – Lascaux). Plusieurs de ces représentations sont mi-humaines mi-animales (fig. 9).
Photo Kroko pour Hominides.com
Photo Neekoo pour Hominides.com
Les femmes
Les femmes sont, elles, sur-représentées dans l’art préhistorique. Elles bénéficient souvent d’un traitement artistique plus soigné et même plus stylisé. Dans l’art pariétal les gravures féminines sont les plus nombreuses et peuvent être regroupées comme des danseuses dans une sorte de ballet paléolithique.
Exposé au Musée d’Archéologie Nationale
Exposé au Musée d’Archéologie Nationale
Les thérianthropes
Le thérianthrope est la représentation d’un être mi-animal, mi-humain de façon complète ou partielle. Souvent avec une lecture rapide de l’image c’est un humain qui apparait par la stature, la position, mais on remarque ensuite que la tête est bestialisée, ou, par exemple, que les jambes appartiennent à un autre animal !
Les empreintes de mains
Les mains, plus souvent négatives que positives, forment une catégorie intermédiaire entre les humains et les signes. Elles sont très fréquentes aussi bien en France qu’en Espagne. Les mains positives sont formées par l’application sur la paroi de la main enduite d’ocre. Pour les mains négatives le colorant est soufflé à la bouche sur la main appliquée sur la paroi. Certaines mains négatives présentent des amputations apparentes, dans ce cas la main est appliquée dos sur la paroi et un ou plusieurs doigts sont repliés.
Dans la grotte de Gargas (Pyrénées) la multiplicité des types de mains négatives permet à certains scientifiques d’y voir l’expression d’un langage symbolique (à l’image du langage des sourds-muets).
Voir également Les représentations humaines parietales en Périgord – Brigitte et Gilles Delluc
Les signes et représentations dans l’art préhistorique
Des points, des lignes, des cercles, des rectangles… dès l’urignacien l’homme préhistorique a manipulé des figures géométriques.
Souvent il utilise les signes en superposition avec des représentations animales (voir les chevaux « ponctués » de la grotte de Pech-Merle).
Première forme d’écriture, mode de calcul, signe de reconnaissance… toutes les interprétations sont possibles mais, pour l’instant, aucune explication n’est communément admise. Certains signes sont particulièrement élaborés mais leur signification est toujours inconnue comme c’est le cas pour les tectiformes.
Au Magdalénien le nombre de signes va prendre de plus en plus d’importance…
Les signes sont aussi nombreux que variés, ils peuvent être classés en deux catégories suivant que leur signification est ou non connue.
Dans la première catégorie se rencontrent des signes féminins : vulves, profils fessiers, et par assimilation les claviformes.
Les vulves s’observent pendant toute la durée du Paléolithique et sur un territoire immense (des vulves gravées sur des objets mobiliers sont connues jusqu’en Pologne). Ce sont des signes simples constitués par des triangles parfois plus ou moins arrondis dont un des angles porte une bissectrice. Il s’agit en fait de triangles pelviens mais l’usage est de les appeler des vulves. Cette figure est couramment considérée comme réaliste alors que la ligne bissectrice qui lui donne son sens en représentant la fente vulvaire n’est, en fait, pas visible sur la femme adulte debout. Le procédé relève de la perspective tordue. Les vulves peuvent être gravées, peintes ou tracées voire modelées dans l’argile.
Les profils fessiers type Lalinde Gönnersdorf sont eux aussi fréquents. Les FFS ou figures féminines schématiques ont été retrouvées dans un grand nombre de grottes. Leur signification féminine est clairement établie par des représentations les montrant sous deux formes, avec et sans sein.
Les claviformes, peints ou gravés, sont formés par une ligne droite plus ou moins verticale présentant sur un de ses côtés un renflement qui représenterait le massif fessier. La signification féminine des claviformes a été proposée par André Leroi-Gourhan mais reste hypothétique.
La seconde catégorie comprend une multitude de signes mystérieux, allant de formes élémentaires (points isolés ou groupés, en lignes ou en nappes, tirets, lignes, zigzag…) à des formes complexes (signes quadrangulaires, aviformes, soleils, tectiformes… ).
Les tracés digitaux, à part dans le corpus
Plusieurs grottes (Pech-Merle, Rouffignac, Grotte de Lascaux, Cosquer…) présentent des panneaux de tracés digitaux ou macaronis. Ce sont des surfaces, parfois importantes, pouvant atteindre plusieurs mètres carrés portant un entrelacs de tracés irréguliers, enchevêtrés, formés en promenant la pointe de deux ou trois doigts sur une surface rocheuse recouverte d’une couche naturelle d’argile. Certains de ces tracés paraissent avoir été faits avec des instruments à dents, en pierre ou en bois. Aucune image nette ne peut être identifiée en dehors de quelques contours, probablement fortuits, évoquant un profil animal. On a voulu voir dans ces panneaux l’origine de l’art paléolithique. Cette théorie, ancienne et maintenant à peu près abandonnée, n’avait pas d’autre justification que le désir de ses auteurs de voir l’art évoluer du simple au complexe et du fortuit à l’élaboré.
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Commissariat de l’exposition Oscar Fuentes, Nicolas Mélard, François Debrabant, Yvan Coquinot | |