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Art pariétal
Art pariétal, découvertes, chronologie et datations
Tapi au fond des grottes, l’art pariétal, invisible, attend un rayon de lumière pour pouvoir s’exprimer… Pour le contempler il faut souvent parcourir des centaines de mètres sous terre en apportant sa propre source de lumière. Sans les techniques d’éclairage d’aujourd’hui, l’homme préhistorique devait surmonter ses peurs et faire le même chemin dans une obscurité angoissante, muni d’une torche enflammée ou d’une lampe à graisse…
Au début du siècle dernier, les peintures sur les parois n’étaient pas comprises et l’on remettait en cause l’ancienneté et même la véracité de ces représentations. Faute de méthode de datation, les premiers préhistoriens ont eu du mal à admettre que ces parois avaient été ornées il y a plusieurs milliers d’années. Il a fallu des découvertes multiples de grottes peintes ou gravées, des cavités obstruées ou même complètement remplies pour que la vérité s’impose : les grottes ornées ont été réalisées par des « artistes » du Paléolithique.
Art pariétal ou art rupestre ? En France nous faisons une véritable différence entre les deux… selon la paroi. Si la peinture ou la gravure sont au fond d’une grotte et donc à l’abri de la lumière du jour on parle d’art pariétal. Si les silhouettes sont sur une roche en extérieur on parle alors d’art rupestre.
Dans les pays anglo-saxons la distinction n’est pas faite et l’ensemble est nommé art rupestre ou rock art.
Les plus anciennes représentations de l’art pariétal paléolithique
Les premières découvertes et remises en cause.
En 1878, un gentilhomme espagnol Marcelino Sanz de Sautuola, de retour de l’Exposition Universelle de Paris où il a été impressionné par la section Préhistoire, décide d’explorer une grotte découverte peu de temps auparavant sur ses terres, par des chasseurs… ce sera Altamira. L’entrée est obstruée, elle doit être déblayée mais rapidement apparaissent des os d’animaux et des silex taillés analogues à ceux observés à Paris. De Sautuola revient sur son chantier et l’année suivante sa fille Maria, âgée de 5 ans seulement, qui l’accompagne, découvre les peintures du grand plafond (voir photo à droite) . Malgré sa faible expérience, il perçoit bien l’ancienneté des peintures et publie sa découverte l’année suivante, en 1880, à Santander. Il ne rencontre que mépris et incompréhension. Les rares échos que suscite son travail sont négatifs : soit les peintures d’Altamira datent du Moyen-Age, soit, pire encore, il s’agit d’une supercherie. Peu de préhistoriens font le déplacement, tous sont hostiles, seul un géologue espagnol Juan Vilanova y Piera tente, en vain, de défendre le dossier lors du Congrès international d’archéologie et anthropologie préhistoriques de Lisbonne, en 1880. Il rencontre une hostilité très forte des acteurs de la préhistoire européenne et plus particulièrement chez les Français, Emile Cartailhac et Mortillet en tête. Autant l’art mobilier préhistorique est accepté et reconnu, autant l’art pariétal leur paraît anachronique, voire une tentative de supercherie ! Finalement l’affaire tombe dans l’oubli.
Mais , les nouvelles découvertes se multiplient.
En 1895, l’exploration de la grotte de La Mouthe, après désobstruction, révèle des peintures et gravures pariétales (voir image ci-contre). C’est ensuite la grotte de Marsoulas (en 1897) qui dévoile ses peintures. En 1901, les grottes de Combarelles et de Font-de-Gaume montrent des gravures et des peintures partiellement recouvertes d’un voile de calcite, preuve de leur ancienneté. En 1902, Emile Cartailhac, jusque là opposé à l’existence d’un art préhistorique, publie dans L’Anthropologie un article retentissant : Mea culpa d’un sceptique. Désormais la voie est ouverte et les découvertes vont se succéder jusqu’à nos jours : 1903 Monte Castillo, 1912 Le Tuc d’Audoubert, 1914 Les Trois-Frères, 1940 Lascaux, 1956 Rouffignac, 1970 Tito Bustillo, 1989 Cosquer, 1994 Chauvet, 2000 Cussac, 2014 le fameux hashtag néandertalien de Gorham pour ne citer que les plus retentissantes.
Datation des oeuvres
L’apparition et le développement de l’art pariétal étaient attribués jusqu’à présent à une rupture culturelle du Paléolithique supérieur. Basé sur les découvertes de grottes ornées en Europe, il était admis que l’art pariétal apparaissait vers – 36 000 ans en Europe à l’Aurignacien puis se développait jusqu’à son apogée au Magdalénien aux environs de – 13 000 ans. Il régressait ensuite rapidement pour disparaître complètement vers – 8 000 ans. Si les dernières traces de l’art pariétal ne sont pas remises en cause, la date et les lieux de naissance ont beaucoup évolué ! Les datations de grotte ornées sont repoussées beaucoup plus loin dans le temps et sur la planète… Par ailleurs, les nouvelles méthodes de datation déclenchent de nombreuses polémiques..
Comment dater l’art préhistorique ?
Par association, les premiers préhistoriens ont établi des styles correspondant à des périodes (Magdalénien, Solutréen..). Lors de la découverte d’une nouvelle grotte il fallait étudier le style des représentations par rapport aux autres grottes. Cette méthode s’appuie sur une chronologie et une évolution de l’art préhistorique qui ne correspond pas forcément à la réalité.
L’utilisation de la méthode au Carbone 14 est directe puisqu’elle va étudier les matières organiques qui composent les peintures, le plus souvent du charbon de bois utilisé pour faire du noir. Elle a été utilisée pour dater notamment les figures de la grotte Mayenne-Science ci-contre. Cette méthode C14 rencontre toutefois 2 éceuils : il n’est pas possible d’effectuer des datations au-delà de 54 000 ans et les artistes n’ont pas forcément utilisé de matières organiques !
Pour les chercheurs, il est possible de travailler sur les artefacts et ossements retrouvés dans les sédiments amoncellés dans la stratigraphie. Ainsi, l’étude d’un os animal portant des traces de manipulation humaine dans une grotte ornée peut donner à elle seule des indications sur la période de passage… et éventuellement de la période de peinture ou de gravure…
Dans certaines grottes les figures ont été recouvertes de calcite et c’est cette dernière qui peut être datée par la méthode Uranium-Thorium. La formation du calcite étant très longue cela permet dans un premier temps de protéger les figures et ensuite d’authentifier l’ancienneté ! De plus, il est donc possible de dater les plus anciens dépôts. Les peintures sont forcément plus anciennes que la calcite qui les recouvre ! Trois grottes espagnoles, qui ont été datées avec la méthode Uranium-Thorium, ont ainsi atteint un âge de presque 65 000 ans, ce qui désignerait Néandertal comme l’auteur des peintures.
La méthode U-Th, qui permet de dater jusqu’à – 75 000 ans, est régulièrement remise en cause pour les grottes humides dans lesquelles l’eau coule en permanence. Ce flux serait capable de laver les parois et fausser les résultats…
Pour certaines grottes, comme La Mouthe ou Pair-non-pair,, les sédiments et roches qui avaient obstrué la cavité ont permis une certaine protection et conservation des représentations. Ces sédiments peuvent eux-mêmes être datés en utilisant différentes méthodes.
Des grottes ornées dans le monde
En Europe
En France, il existe trois régions principales : le Périgord (Lascaux, Font-de-Gaume, les Combarelles, Rouffignac, la région des Eyzies-de-Tayac…), les Pyrénées (Niaux, le Tuc d’Audoubert, les Trois-Frères, Marsoulas, Gargas…) et la vallée du Rhône ( Cosquer, Chauvet…). A cette liste viennent s’ajouter quelques sites isolés, Arcy-sur-Cure dans l’Yonne, Gouy sur la basse vallée de la Seine, Angles-sur-l’Anglin dans la Vienne, Pair-non- Pair en Gironde ou Saulges (Mayenne-Science) en Mayenne. En Espagne, les principaux sites sont groupés en Espagne Atlantique : Altamira, les grottes de Monte Castillo, Tito Bustillo, Covalanas… des sites moins nombreux sont également connus dans le Centre (Atapuerca, Casares) et dans le Sud : La Pileta, Ardales… Quelques grottes ornées du Paléolithique sont connues en Italie, (Romanelli, Levanzo, Adduara) ou en Anglettere (les gravures de Creswell Crags).
Dans le reste du monde
De nouveaux sites ont également été découverts dans le monde, en dehors de l’Europe. Ce sont très souvent des sites d’art rupestre, presqu’à ciel ouvert .
Il y a 11 000 ans, des paléolithiques ont dessiné des centaines de mains négatives dans La Cueva de los Manos, en Argentine. Au Brésil, à la Serra de Capivara, un grand nombre de peintures sont datées de – 25 000 ans. https://imagesdanslapierre.mcq.org/decouvrir/ou/serra-da-capivara-bresil_web/
En Inde, au pied des monts Vindhya, un gigantesque complexe archéologique de 40 km2 (Bhimbetka) présente plus de 700 sites donc 500 sont plus ou moins ornés. Les peintures sont datées entre 12 000 et 30 000 ans.
En Indonésie, sur le site de Leang Bulu Sipong, une scène de chasse préhistorique a été datée de 44 000 ans.
Les nouvelles découvertes de grottes ornées sont de plus en plus rares en Europe. Mais dans le reste du monde et particulièrement en Asie il est probable que la recherche et donc les découvertes vont s’accélérer.