Extinction des primates - la fin des grands singes ?
L'homme avance, les singes reculent.
Les grands singes font régulièrement l'objet de reportages dans les médias, dans la rubrique faits divers : massacre de gorilles, resposables de la diffusion du Sida... Il apparaissent également dans certains articles plus scientifiques qui tous montrent la grande proximité de ses primates avec l'Homme : utilisation d'outils, automédication, apprentissage d'un langage... Pourtant, malgré ces remous médiatiques, comme une échéance ineluctable, les grands singes semblent condamnés à disparaître de la planete.
A l'origine de cette disparition on retrouve presque toujours l'Homme. L'Homme qui conquiert tous les jours un peu plus la planéte pour assurer son propre développement au détriment du biotope. L'Homme qui se bat en détruisant la faune qui le gène. L'Homme qui n'hésite pas à surexploiter les ressources naturelles sans se soucier de leurs renouvellement. L'Homme enfin qui consomme les espèces de grands singes comme de la viande de brousse.
Hominides.com a rassemblé les documents et interviewé des spécialistes pour réaliser ce dossier constitué de 3 partie :
- Les grands singes dans le monde
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Les causes de leur extinction
- La sauvegarde des grands singes
- entretien avec Emmanuelle Grundmann, primatologue
Les grands singes dans le monde
Ou trouve-t-on encore des grands singes dans le monde ?
Carte de répartition des grands singes
Les grands singes menacés
Le gorille
Repartition géographique : les différentes espèces sont situées en Afrique Equatorial, Congo, Nigéria, Cameroun, Rwanda, Ouganda...
Estimation de la population : 45 000 individus
Cause de l'extinction :
- deforestation
- braconnage pour la viande de brousse
- zone de combats
- virus ebola
Classé : danger d'extinction et critique pour le gorille de montagne (Gorilla gorilla)
En plus de la deforestation, l'habitat des gorilles est situé en grande partie dans des zones de conflits humains. Pris en otage par les rebelles ou les ethnies combattantes, les gorilles sont tués pour leur viande ou massacrés tout simplement et exhibés comme trophés.
L'orang-outan
Repartition géographique : on trouve des orang-outang seulement dans les iles de Sumatra (Pongo abelii) et de Bornéo (Pongo pygmaeus).
Estmation de la population (2004 Aves) : 60 000 Pongo pygmaeus et 6000 Pongo abelii.
Causes de l'extinction :
- réduction de l'habitat. Destruction de la jungle pour le commerce du bois tropical
- braconnage pour des raisons alimentaires
-
incendies
- traffic international de revente des orangs-outans comme "animaux de compagnie"
Classé : en danger critique d'extinction pour Pongo abelii et en danger pour Pongo pygmaeus.
Présent auparavant en Asie, les populations d'orangs-outan sont maintenant cantonnées dans seulement deux iles (Sumatra et Bornéo). Et même sur ces territoires la déforestation avance à grands pas. On estime qu'en 2030 il ne restera plus qu'un seul pour cent de l'habitat actuel de l'orang-outan. Mais au rythme actuel de l'avancée de l'homme dans la forêt il est fort possible que l'espèce soit décimée avant.
Le chimpanzé
Repartition géographique : on trouve des chimpanzés en Afrique dans la région équatoriale
Estmation de la population : il reste moins de 100 000 individus.
Causes de l'extinction :
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réduction de l'habitat principalement due à la déforestation pour créer des terres cultivables et exploiter des mines
-
chasse des chimpanzés directement comme "viande de brousse"
- virus Ebola
Classé : danger d'extinction
Si l'on trouve encore des chimpanzés dans une vingtaine de pays, il a déjà disparu du Bénin, de Gambie, du Burkina Fasso et du Togo. Il reste peut-être 300 individus au Sénégal... Si c'est l'espèce de grand singe qui compte le plus grand nombre d'individus elle n'est pas tiré d'affaire et ce chiffre décroit inéxorablement. De plus, du fait de sa proximité génétique avec l'homme, le chimpanzé succombe à de nombreuse maladies "humaines".
Le bonobo
Repartition géographique : les bonobos se trouvent exclusivement en Afrique Centrale dont la Republique Démocratique du Congo
Estimation de la population : entre 10 000 et 20 000 individus
Causes de l'extinction :
- une zone de nombreux combats (guerre civile)
- le braconnage pour la "viande de brousse"
- la deforestation pour diverses "industries" : bois, mines, diamants
Classé : espèce menacée
Le bonobo ne se trouve qu'en République Démocratique du Congo (ex Zaïre, Congo Belge), et plus précisément dans la Province de l'Equateur, dans la moitié nord du pays, juste sous la courbe du fleuve Congo. La population est très difficile à évaluer et les récentes missions de denombrement ont eu beaucoup de mal à retrouver des nids ou de excréments, même dans les zones dites protégées.
Les causes de l'extinction
Les primates disparaissent de la surface du globe principalement du fait de leur concurrence avec l'homme et de ses activités expansionnistes. Pour s'accaparer toutes les ressources possibles l'homme n'hésite pas à détruire la faune et la flore, sans s'interesser aux conséquences de ses actes.
La deforestation
Ces quatre espèces, chimpanzés, bonobo, orangs outan, gorilles voient en premier lieu disparaître tout simplement leurs habitats. La deforestation pour des raisons économiques en est la première cause. L'accroissement de l'activité humaine grignote peu à peu l' espace vital des grands singes. Les hommes détruisent les forêts afin de libérer l'espace pour des activités plus "rentables" :
- plantation de palmiers à huile et d'autres essences dont la demande est forte sur le marché mondial
- vente des bois tropicaux si pratiques pour la fabrication de meubles de jardin, de parquets...
- exploitation du sous sol par les industries minières ou pétrolifères
- creusement de routes pour acheminer les matières premières vers les ports ou aéroports... |
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Ci contre la déforestation à Bornéo depuis les années 50 et projetée en 2020. |
Unep Copyrignht Hugo Ahlenius, UNEP/GRID-Arendal |
Le biocarburant contre la biodiversité.
Quand développement durable, écologie et protection de la biodiversité se télescopent.
Les orangs-otan d'Indonésie, déjà victimes de la déforestation et des cultures sur brulis ont un nouvel ennemi : le biocarburant. En effet devant la pénurie annoncée de pétrole, les gouvernements recherchent des sources energétiques de remplacement. Le biocarburant qui peut être produit à partir de l'huile de Palme est une piste très forte de devellopement. Malheureusement pour l'Orang-outan ce sont les forêts pluviales qu'il habite qui sont actuellement defrichés pour être remplacées par d'immenses plantations de palmiers à huile. Et bien sur, les récoltes sont bien plus lucratives que la sauvegarde des orangs-outan.
Les guerres et conflits
Pour noircir le tableau, si ce n'était pas suffisant, les grands singes positionnés en Afrique se retrouvent très souvent au coeur de conflits inter-ethniques et de guerres civiles. L'exemple le plus frappant est celui des bonobos que l'on ne retrouve plus qu'en Republique Démocratique du Congo. Il ont particulièrement été touchés par les guerres civiles à répétition (1991, 1994...). "La guerre a eu des conséquences terribles pour les habitants et la faune sauvage dans le bassin du fleuve Congo", a déclaré Lisa Steel, Coordinatrice du Programme du WWF pour la Salonga.
Les maladies
Les maladies s'acharnent aussi sur les populations simiesques. Le virus Ebola tue tous les ans plusieurs centaines d'individus (particulièrement chez les gorilles). En 2002, dans le sanctuaire de Lossi, 80% des gorlles ont été décimés par ce virus .
En avancant toujours plus profondement dans les forêts l'Homme rentre plus facilement en contact avec les populations de grands singes. Il amène avec lui ses virus et ses microbes contre lesquels les primates sont sans défense. C'est ainsi que 'homme est à l'origine de la transmission de certaines maladies respiratoires mortelles comme la pneumonie.
La viande de brousse
Historiquement les populations humaines en Afrique ont toujours consommé des animaux habitant dans la brousse : singes, lémuriens, éléphants... Ce type de nourriture est même préférée de par sa valeur culturelle. La viande de brousse est souvent considérée comme un "met de choix".
Ce qui maintenant pose problème c'est la pénétration de plus en plus forte de l'Homme dans des régions autrefois innaccessibles. Les routes, la deforestation (encore elle) ont facilité le travail des chasseurs et des braconniers... La viande de brousse est d'un très bon rapport financier : peu d'investissement et "vente garantie" à bon prix sur les marchés ou dans les villes.
La capture
Toujours pour le "plaisir" humain, il faut signaler la capture des petits singes pour être revendus comme "animal de compagnie". Outre le fait que les grands singes ne sont pas adaptés à ce type de vie, il faut savoir que :
- pour capturer un petit c'est souvent toute sa famille qui est décimée. En effet les adultes protègent leur progéniture et génent la capture des petits.
- en grandissant le singe devient de moins en moins "interessant", il est alors achevé ou emprisonné dans une cage pour être exhibé...
La sauvegarde des grands singes
Comment s'organise la protection des grands singes?
Les parcs nationaux contre la deforestation
Le moyen le plus logique pour sauvegarder les grands singes et leur habitat est la création de parcs nationaux : d'immenses zones ou la faune et la flore sont protégées. Cela implique une exploitation de la forêt controlée ou simplement interdite, la formation et la création d'emplois de gardes forestiers, un développement régulé du tourisme (et de l'éco-tourisme). "Pour sauver les grands singes il faut avant tout une régulation mondiale (et réellement suivie) sur l'effrayante déforestation ( problémes agrocarburants, huile de palme,label du bois etc...)" déclare Marie-Claude Bomsel (MNHN).
En févier 2008, la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et l'Ouganda ont lancé une initiative dans ce sens. Le but est de créer une réserve de biosphère transfrontalière et protéger ainsi la très riche biodiversité qu'elles ont en commun et qui sert d'habitat aux grands singes, notamment aux gorilles de montagne.
Les Sanctuaires
Les sanctuaires sont des zones plus ou moins protégées (de petites tailles) qui permettent de receuillir les grands singes seuls ou abandonnés. Le plus souvent ce sont des animaux en bas age.
Un bébé dont la famille vient d'être massacrée ne peut survivre seul dans le milieu naturel. Il est donc pris en charge par un sanctuaire qui va lui procurer une mère de substitution (généralement un habitant de la population locale) afin de lui permettre de se dévelloper.
Malheureusement, même si le singe est sauvé il n'est pas évident qu'il puisse être réintroduit dans son milieu naturel. Habitué à l'homme et sans apprentissage maternel il sera souvent incapable de subvenir à ses propres besoins et d'intégrer un clan de congénères.
MC Bomsel : "... en attendant les sanctuaires sont un moindre mal, et plus efficaces que les orphelinats qui ont montré leurs limites !"
L'éco-tourisme
Parfois vivement critiqué l'écotourisme peut toutefois être une manière perenne de sauvegarder les grands singes.
L'écotourisme permet de proposer une alternative économique aux populations locales. Le but est de leur proposer une autre source de revenus à la place de la deforestation ou du pétrole. De la même manière, l'écotourisme peut eviter que les grands singes soient une ressource alimentaire en proposant des emplois sur place (garde, eco-guide...).
Les locaux du fait des revenus et des emplois créés sont sensibilisés à la protection de leur forêt et de la faune qui s'y trouve. Il devient alors primordial pour eux de proteger leur patrimoine écologique.
Un exemple souvent cité d'écotourisme reussi est celui du Congo ou la petite population de gorilles semble stabilisée grâce au développement de l'écotourisme.
MC Bomsel : "L'éducation et surtout l'intégration ainsi que l'aide économique aux populations locales permettront un réelle survie des grands singes dans leur milieu .En ce sens l'écotourisme pourvoyeur de devises( si celles ci ont des retombées ciblées régionalement) est une solutions acceptable."
Les zoos
Dans le passé les zoos avaient pour objectif de montrer la nature sauvage et "exotiques" aux habitants des zones dites civilisées. Pour ce faire tous les moyens étaient bons pour agrandir les "collections" y compris les campagnes de chasse ou plusieurs animaux étaient tués pour en ramener un seul !
Depuis la prise de conscience des sociétés occidentales les zoos ne pratiquent plus ce type d'approvisionnement. Les animaux vivant dans les zoos sont le plus souvent nés eux-même en captivité ou font l'objet d'échanges entre parcs zoologiques.
Les zoos ont maintenant la volonté de participer activement à la protection des animaux en parrainant directement des associations sur le terrain, mais également en essayant de participer à la diversité génétique des espèces menacées.
MC Bomsel :" Quant aux Zoos ils peuvent être de petits observatoires pour travailler scientifiquement et accueillir des animaux "ambassadeurs" permettant aux pays qui n'en ont pas , de prendre conscience de divers menaces qui pèsent sur les grands singes;Leur gestion peut étre correcte scientifiquement et génétiquement,mais ne permettra pas une conservation suffisante des espèces à long terme".
Comment chacun peut agir ?
Adhésion à une association, action, don
De nombreuses associations ont pour objectif la protection et la sauvegarde des grands singes. Sur le terrain, elles gèrent des sanctuaires, forment les populations locales, alertent et aident les gouvernements. C'est un travail de longue haleine qui necessite de grands moyens financiers. En effet la plupart des grands singes se trouvent dans des régions qui ne bénéficient pas d'une économie florissante : les gouvernements ont d'autres préoccupations plus urgentes que la sauvegarde des grands singes...
L'achat responsable
Lorsque vous achetez objets en bois et particulièrement du parquet ou des meubles de jardin, vérifiez que ceux-ci portent le label FSC garantissant que le bois est récolté légalement et qu'il provient d'une forêt gérée durablement. Ce label indique que l'exploitant est controlé : respect des populations locales, regénération de la forêt...
De la même façon, mais cela parait logique, n'achetez pas d'animaux ou des objets dérivés comme des cendriers réalisés en coupant la main des gorilles. En participant à ce type de commerce vous encouragez la capture et la chasse des animaux.
Communiquer autour de soi
Eh oui, c'est tout simple mais les habitants des pays occidentaux ne sont pas forcément au courant de ce qui se passe réellement. De plus les grands singes , c'est loin... et ce n'est pas une préoccupation première ! Vous devez donc parlez autour de vous de ce drame ! A vos enfants mais aussi à vos amis à vos collegues... bref à tout le monde. Car tout le monde est concerné.
Si vous rencontrez de la "resistance" ou pire de l'indifférence utilisez des arguments plus parlant comme la proximité génétique avec l'homme et toutes les possibilités médicales qu'elle suppose. Par exemple, certains singes sont porteurs sains d'une forme du virus du Sida. Sauver les grands singes c'est surement sauver l'homme.
L'éco-volontariat
Vous pouvez donner de votre temps et de vos connaissances pour participer, vous aussi à sauvegarde des grands singes.
Vous partez ainsi plusieurs mois en mission dans un sanctuaire, une réserve, une ONG afin de prêter main forte aux structures sur le terrain. Le travail est riche et varié : en plus du travail effectif avec les primates vous serez amené à faire de "l'utilitaire" comme des taches ménagères.... Attention il ne faut pas considérer ce séjour comme des vacances ou une source de revenus car le plus souvent c'est vous qui allez devoir régler les frais occasionnés... L'éco-volontariat est à reserver aux personnes en bonne condition physique et fortement motivées : une fois sur place il serait dommageable pour tous de vouloir arreter parce qu'il n'y a pas d'eau courante...
L'alerte
En voyage vous pouvez être témoin de situations mettant la vie de grands singes en péril : chimpanzés exposés dans une cage dans un restaurant, crâne de gorilles vendus sur un marché, particulier exhibant un bonobo comme animal de compagnie. N'intervenez surtout pas mais prenez tous les éléments possibles qui vous premettront de prévenir les autorités (adresses, noms, éventuellement photos...). Vous pouvez ensuite adresser votre témoignage aux associations qui elles seules choisiront le meilleur type d'action à entreprendre.
Toutes ces mesures ne peuvent fonctionner qu'avec une volonté forte des gouvernements locaux, une éducation des pays occidentaux pour ne plus considerer les forêts equatoriales comme un "supermarché" (bois, carburant, mines...), une prise de conscience globale des consommateurs (des citoyens) pour refuser l'exploitation industrielle des forêts et ses produits, une information claire et des solutions économiques pour les populations locales.
Les associations les plus représentatives
Le GRASP (Great Apes Survical Project) lancé par les Nations Unies en 2001 regroupe vingt-trois pays africains et asiatiques. Son but est de financer des actions de protection, d'études et de sensibilisation des populations locales pour la survie de grands singes.
L'institut Jane Goodal et la Fondation Dian Fossey sont également présents sur le terrain et mènent des actions concrètes comme le financement de centres de recherches dédiés aux gorilles et aux chimpanzés.
http://www.iucn.org/themes/ssc/red_list_2004/Francais/background_FR.htm
Conseils de lectures
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