Datation des plus anciennes peintures du Tassili-n-Ajjer
Tassili-n-Ajjer est le nom d'un massif du Sahara central abritant des centaines de milliers d'images rupestres, parmi lesquelles les fameux «Grands Dieux» et «Martiens» d'un style pictural très particulier, qui comptent parmi les plus anciennes peintures d'Afrique du Nord. Jean-Dominique Lajoux, qui exposa au début des années 1960 les premières bonnes photographies de ces peintures, vient de publier un beau livre qui en présente un bon nombre.
La datation de ces figures étonnantes a fait l'objet de nombreuses spéculations, et l'hypothèse d'un âge d'au moins 12 000 ans avant nos jours — voire beaucoup plus — a souvent été avancée à leur propos.
Ci-contre: «Le Grand Dieu» de Séfar, l'une des plus célèbres des peintures en style des «Têtes Rondes».
Un article paru dans la revue internationale Quaternary Geochronology vient de livrer une avancée importante pour dater ces images. En effet, une équipe franco-algérienne conduite du côté français par Jean-Loïc Le Quellec, directeur de recherches au Centre d'Études des Mondes Africains (CEMAf, CNRS UMR 8171) a pu identifier des lambeaux du sol sur lequel marchaient les peintres qui nous ont laissé les oeuvres en style des Têtes Rondes.
Suite à la détérioration du climat au Sahara central, ce sol a presque partout disparu, ce qui fait que de nos jours les peintures sont souvent situées très en hauteur, mais certains de ces restes retrouvés ont pu être datés par la méthode de l'OSL (Luminescence Optiquement Stimulée). Ci-dessus : mesures effectuées sur site par Norbert Mercier.
En libérant l'énergie emmagasinée dans les sédiments enfouis, cette technique permet de dater le moment à partir duquel les grains de quartz qui les composent n'ont plus vu la lumière solaire. Au Sahara central, l'OSL a pu être appliquée par Norbert Mercier, directeur de recherches au Centre de Recherche en Physique Appliquée à l'Archéologie (CRP2A — IRAMAT UMR 5060 du CNRS à Bordeaux). Les résultats indiquent que le sol qu'arpentaient les peintres remonte tout au plus à 9 000 - 10 000 avant nos jours et que les peintures ne peuvent donc qu'être postérieures à cette date.
Ci-contre, l'un des sites à peintures en Style des Têtes Rondes de la région étudiée. Le rectangle indique l'emplacement des oeuvres, bien au-dessus du niveau du sol actuel, sur lequel sont posés un bâton de marche et des sacs à dos, en bas de la photo. Le Touareg du bas est monté sur les restes d'un ancien dépôt responsable de la coloration foncée de la partie inférieure de la paroi, mais les peintures les plus basses sont encore à au moins un mètre au-dessus de sa main levée. Une partie de la surface du sol qu'arpentaient les peintres a été reconstituée virtuellement pour montrer que lorsque ceux-ci se trouvaient à ce niveau (comme le second Touareg, également virtuel) ils pouvaient facilement réaliser les peintures visibles de nos jours tout en haut de la paroi.
Communiqué de presse : Datation des plus anciennes peintures du Tassili
Références de l'article: Norbert Mercier, Jean-Loïc Le Quellec et al., « OSL dating of quaternar y deposits associated with the parietal art of the Tassili-n-Ajjer plateau (Central Sahara) », Quaternary Geochronolog y (2012), doi:10.1016/ j.quageo.2011.11.010
L'équipe : Norbert Mercier a,*, Jean-Loïc Le Quellec b, Malika Hachid c, Safia Agsous d, Michel Grenet e
a Centre de Recherche en Physique Appliquée à l'Archéologie (CRP2A e IRAMAT UMR 5060 du CNRS), Université de Bordeaux, Maison de l'Archéologie, Esplanade des Antilles, 33607 Pessac Cedex, France
b CNRS, CEMAf UMR 8171 e GAES, Johannesburg, South Africa
c CNRPAH, Algiers, Algeria
d Institut de Paléontologie Humaine, 1 rue René Panhard, 75013 Paris, France
e TRACES e UMR 5608, Toulouse, France
Sur les peintures du Tassili en général voir : Jean-Dominique Lajoux, Murs d'images (préface de Jean-Loïc Le Quellec), Arles : Errance / Actes Sud (http:// www.actes-sud.fr/catalogue/prehistoire-protohistoire/murs-dimages).
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Murs d'images
Jean-Dominique Lajoux
On le sait aujourd'hui : le Sahara ne fut pas toujours un désert. Le Tassili n'Ajjer, à l'est du Hoggar, porte encore sur sa roche les traces étonnantes de la vie ancienne d'une population nombreuse de pasteurs. Pour cette réédition, l'auteur est retourné au Tassili en 2009, a complété sa documentation (surtout sur les périodes les plus récentes de cet art pariétal) et a tenté d'établir le bilan de nos connaissances dans ce domaine. Il a été aidé dans sa tâche par l'intérêt que porte aujourd'hui l'Algérie à ce nouveau parc national et par les connaissances que les Touareg ont acquises de la richesse de leur pays sur le plan culturel. L'auteur a suivi dans la présentation des peintures un ordre chronologique ; toutefois, quelques écarts ont été volontairement adoptés : ils permettent de confronter deux ou plusieurs œuvres d'époques différentes. Le public familiarisé avec les célèbres peintures du Tassili n'Ajjer, grâce aux copies qui en furent faites, attendait que lui fût enfin offert un ouvrage contenant, non plus des relevés qui, si précis soient-ils, ne sont qu'un reflet des œuvres elles-mêmes, mais des photographies directes. Le présent ouvrage comble cette lacune.
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