Génétique et origines de l'agriculture en Europe
Publiée fin avril dans Sciences, une étude génétique réalisée par des chercheurs des universités d'Uppsala, de Stockholm (Suède) et deCopenhague (Danemark) montre l'origine différente de populations néolithiques suédoises pourtant géographiquement proches, et suggère une fois encore l'idée d'une migration des premiers agriculteurs du Proche-Orient vers l'Europe du nord.
L'étude
Dirigée par Anders Götherström, de l'Université d'Uppsala (Suède), une équipe de paléogénéticiens a extrait, isolé et analysé de l'ADN de noyaux cellulaires de 4 squelettes humains fossilisés, tous exhumés dans le sud de la Suède et vieux d'environ 5 000 ans (Néolithique) : 3 appartenant à des groupes de chasseurs-cueilleurs, et le dernier (une femme) à une population d'anciens cultivateurs, vivant 400 km plus loin. 2 à 5 % du génome a ainsi pu être étudié (et comparé à celui de populations d'aujourd'hui). Résultats : une appartenance génétique différente. Les 3 premiers individus se rapprochent, dans une certaine mesure, des Finlandais actuels, tandis que le dernier est clairement apparenté aux actuels européens du sud-est, non loin de l'Anatolie (Turquie), berceau de l'agriculture dès -11 000 ans.
Ci-contre. Squelette d'une jeune femme exhumée sur le site de Avidje, Gotland en Suède. L'individu était agée de 20 ans lors de sa mort il y a 4 700 ans. Photo :
Göran Burenhult
Un débat ancien
Ces travaux relancent un débat séculaire sur l'origine des pratiques agraires et de la culture néolithique associée en Europe : certains préhistoriens voient là une lente diffusion uniquement culturelle d'idées et de pratiques, depuis le berceau proche-oriental jusqu'à l'Europe du nord et de l'ouest, sans migration des premiers fermiers eux-mêmes ; une autre école suggère un flux de populations agricoles apportant avec elles leur ‘nouveau' mode de subsistance, depuis les pourtours méditerranéens vers le nord-ouest. Selon leurs auteurs, ces récents travaux soutiennent cette dernière l'idée.
Des déplacements jalonnés par les gènes
Quelle est la part de ces cultivateurs (migrants) et de ces chasseurs-cueilleurs (autochtones depuis le Paléolithique) dans les origines des habitants actuels du Vieux continent ? Un débat sous-jacent. Les auteurs de l'étude scandinave suggèrent que les premiers ont côtoyé les seconds durant de nombreuses générations avant de finir par se mêler. « Nous avons pu montrer que la variation génétique des Européens d'aujourd'hui a été fortement affectée par les agriculteurs immigrants de l'âge de pierre, bien qu'un certain nombre de gènes des chasseurs-cueilleurs [originels] subsistent », estime Anders Gøtherstrøm.
L'avis d'autres chercheurs
« Mon sentiment est qu'un certain degré de différenciation entre les populations européennes était déjà présent avant même l'arrivée des agriculteurs. L'effet de la dérive [génétique] sur de petites bandes de chasseurs à faible densité pourrait avoir eu un impact significatif sur la différenciation entre les groupes, bien avant la dispersion de l'agriculture en Europe », dit
le Pr Cristian Capelli, de l'Université d'Oxford (Royaume-Uni).
« [Ceci n'est] certainement pas assez pour expliquer le processus de néolithisation dans tous ses détails, dans tous les coins de l'Europe, en particulier parce que la transition néolithique dans le sud de la Scandinavie a eu lieu beaucoup plus tard que dans les régions méridionales de l'Europe », commente pour sa part le Dr Wolfgang Haak, de l'Université d'Adélaïde (Australie), qui souligne le faible nombre d'échantillons analysés dans cette étude, et conclut : « l'expérience montre que nous avons toujours des surprises avec l'ADN ancien. Globalement, le processus de néolithisation a certainement été très complexe et en aucun cas uniforme ».
F. Belnet
Sources :
BBC,
ScienceDaily,
Sciences&Avenir
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