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Les ancêtres de nos ancêtres en Libye il y a 38 millions d’années
Les ancêtres de nos ancêtres en Libye
Découverte de nouveaux singes anthropoïdes
Nous sommes en Libye sur le site de Dur At-Talah datés de l’Eocène moyen, il y a 39-38 millions d’années. L’étude présentée par Jean Jacques Jaeger et Michel Brunet a été publiée dans la revue Nature du 28 octobre 2010.
Nos origines lointaines
Depuis 7 millions d’années les origines de l’Homme sont africaines : c’est le fameux berceau de l’humanité. Tous les hominidés retrouvés sur cette période sont donc localisés en Afrique. Les plus anciens comme Toumaï et Orrorin ont été découverts respectivement au Tchad et au Kenya.
Nos origines encore plus lointaines
On a longtemps cru que nos ancêtres comme Toumaï et Orrorin étaient issus de primates eux-mêmes africains. Depuis quelques années, les plus anciens primates anthropoïdes sont tous retrouvés en Asie (Chine, Thaïlande, Myanmar, Inde…) et ce depuis 57 millions d’années ! Ces premiers primates ont donc dû émigrer d’Asie vers l’Afrique.
Les plus anciens singes anthropoïdes africains connus ont été trouvés à Bir-El-Ater, et cette espèce Biretia n’est pas directement liée à celle qui mène à Homo sapiens.
Une découverte mais trois nouvelles espèces…
L’équipe franco-lybienne des professeurs J-J Jaeger et Michel Brunet a fouillé en plusieurs expéditions le site de Dur At-Talah depuis 2006. lls ont tamisé des tonnes de sédiments pour découvrir des dents fossilisées de quelques millimètres !
Ces dents (principalement des molaires et des prémolaires) ont permis d’identifier trois espèces distinctes de primates anthropoïdes : Talahpithecus parvis, Afrotarsius libyscus et Biretia piveteaui.
Les fossiles ont été extraits de sédiments dont la datation a pu être établie par paléomagnétisme : nous sommes donc en face de primates anthropoïdes qui vivaient il y a 39-38 millions d’années. C’est Mouloud Benammi (IPHEP) qui a travaillé sur la datation des strates archéologiques et les classer selon les inversions de champs magnétiques terrestres.
Image des dents ©MPFL
Pour Jean-Jacques Jaeger : « C’était des primates, donc ça ressemblait tout de même davantage à des ouistitis qu’à des rats, ils avaient des mains préhensiles avec un pouce opposable, des ongles et non des griffes, une queue qui servait certainement de balancier lorsqu’ils grimpaient ou sautaient d’une branche à l’autre. »
Deux hypothèses sur la présence de ces primates à cette période
Cette découverte ne remet pas en cause l’origine asiatique des premiers anthropoïdes africains mais pose des questions sur la date et le nombre d’espèces qui ont migré vers l’Afrique :
– soit les trois espèces ont migré d’Asie il y a 40-38 millions d’années et il est logique de les retrouver toutes les trois 5 ou 6 millions d’années après en Afrique…
– soit une seule espèce est partie d’Asie 5 ou 6 millions d’années plus tôt et s’est ensuite diversifiée en trois espèces différentes.
Pour le professeur JJ Jaeger cette découverte est importante à 3 niveaux. Il déclare lors de la conférence au CNRS :
« Quelle est l’origine de notre lignée ?
Si notre lignée s’est différenciée en Afrique elle est d’origine africaine, si notre lignée est arrivée déjà différenciée en Chine elle est originaire d’Asie…
On est frappé par leur petite taille, les dents entre 1 et 2 millimètres… ce qui donne un poids des corps entre 150 et 450 grammes maximum… ce sont de toutes petites bêtes…
Dans les 3 formes d’anthropoïdes il y a une forme quasiment identique, similaire à celle que l’on trouve en Asie que l’on appelle les éosimiidés : Afrotarsius libyscus. »
Ces nouvelles espèces permettent donc de combler l’arbre généalogique des primates anthropoïdes en Afrique sur cette période. De nouvelles découvertes seront bienvenues pour établir les dates de colonisation de l’Afrique.
C.R.
Le site de Dur Al-Talah
Ce sont déjà des français qui avaient publié sur ce site dans les années 50. Il avaient notamment retrouvé des restes de grands mammifères datant de l’Eocene et de l’Oligicène. Dans les années 60 ce sont les anglais qui ont effectué des fouilles : les équipes du professeur RJG Savage (Université de Bristol) découvrent des fossiles de mamifères moyen et grands datés entre 37 et 32 millions d’années.
En 2006, la première expédition française du professeur Jaeger met à jour des restes d’éléphants primitifs. En 2007 l’équipe exploite de nouveaux niveaux . Le travail nécessite un processus relativement complexe. Il faut d’abord prélever les sédiments fossilifères puis les tamiser sous l’eau. N’oublions pas que le site est situé à plus de 400 km du point d’eau le plus proche ! C’est à partir de cette campagne que l’équipe va trouver la vingtaine de dents fossilisées d’anthropoïdes… Image ©MPFL
Sources : Conférence du 27/10/10 au CNRS
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