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De l’ADN humain dans la stratigraphie
De l’ADN dans les sédiments ! Une nouvelle méthode de travail permet d’identifier du matériel génétique animal ou humain dans le sol d’un gisement préhistorique
Même sans avoir exhumé des restes fossilisés, les scientifiques pourraient ainsi détecter quels animaux ou quels humains ont séjourné dans un lieu. Une étude de Matthias Meyer publiée dans la revue Science.
Les progrès de la paléogénétique pour enrichir l’évolution de l’homme
Jusqu’à présent, les généticiens essayaient d’extraire de l’ADN des ossement retrouvés sur un site pour confirmer à quelle espèce il appartenait, Homo sapiens ou Homo neanderthalensis, par exemple. Il fallait trouver un ossement, l’extraire pour éviter de le polluer avec de l’ADN moderne, et enfin découvrir si oui ou non il contenait du matériel génétique.
A Denisova, en 2010, les généticiens ont été encore plus loin. A partir de quelques morceaux d’ossements trouvés au fond d’une grotte, les scientifiques ont identifié une espèce inconnue d’hominidé. Appelé l’Homme de Denisova, il est identifié par son ADN mais inconnu d’un point de vue morphologique, puisque seuls quelques morceaux d’os ont pu être trouvés et dans une seule grotte ! A noter, l’extraction de l’ADN d’un morceau d’os est destructive pour le fossile. L’étudier revient à le supprimer !
Une méthode moins invasive
La nouvelle méthode consiste à prélever des sédiments dans les couches stratigraphiques d’un site, même sans restes osseux, qui a pu voir passer des animaux ou des hommes. Les sédiments sont ensuite analysés, à la recherche de fragments d’ADN mitochondrial (transmis par la mère). Ce type d’ADN est plus facile à trouver car il a l’avantage d’être en plus grande quantité dans le corps humain.
Pour le paléoanthropologue Antoine Balzeau (MNHN) interviewé sur France Inter « C’est le même principe de séquençage génétique, sauf que le processus a été inversé : plutôt que de se concentrer sur des objets qui ont potentiellement de longues séquences d’ADN… ils ont eu l’approche de prendre des sédiments et de voir s’il y avait des traces d’ADN à l’intérieur… forcément de petits segments. »
« Nous savons que plusieurs éléments rentrant dans la composition des sédiments peuvent lier l’ADN« , a déclaré Matthias Meyer (Institut Max Planck, Leipzig, Allemagne), auteur principal de l’étude. « Nous avons donc décidé d’étudier si de l’ADN d’hominidé peut survivre dans les sédiments des sites archéologiques connus pour avoir été occupés par des hominidés anciens« . L’équipe a collaboré avec les chercheurs de sept gisements importants en Belgique, en Croatie, en France, en Russie et en Espagne. Ils ont pu ainsi recueillir 85 échantillons de sédiments dont la datation indiquait – 14 000 ans pour les plus récents et – 550 000 ans pour le plus ancien : El Sidron, Les Cottès, La Caune de l’Arago, Trou Al’Wesse, Vindija, Chagyrskaya, Denisova.
Sur l’ensemble des sites, seul le plus ancien (Caune de l’Arago) n’a délivré aucun reste d’ADN mitochondrial. L’ancienneté des restes et les conditions de conservation sont probablement les raisons principales de l’absence de résultats sur le gisement. Par ailleurs, des traces d’Homo sapiens ou de Néandertaliens sur le site auraient été une surprise… presque un cataclysme !
Pour tous les autres sites, les chercheurs ont pu identifier de l’ADN animal ou humain, ou les deux. Dans tous les cas cela correspond à ce que l’on connaissait des gisements et confirme que la méthode est fiable.
«Cette étude représente une énorme percée scientifique. Nous pouvons maintenant dire quelles espèces d’hominidés ont occupé une grotte et sur quel niveau stratigraphique en particulier, même s’il n’y a pas de restes osseux ou dentaires » déclare Antonio Rosas (Musée espagnol des sciences naturelles de Madrid).
Détection de présence humaine ou animale
Même les échantillons de sédiments stockés à température ambiante pendant des centaines de milliers d’années ont délivré de l’ADN. L’équipe du Dr Meyer a pu identifier l’ADN de divers animaux appartenant à 12 familles de mammifères, y compris des espèces éteintes, telles que le mammouth laineux, le rhinocéros laineux, l’ours des cavernes et la hyène des grottes.
Les scientifiques ont examiné spécifiquement l’ADN des êtres humains anciens dans les échantillons. Les études ont permis de récupérer l’ADN des Néandertaliens dans les sédiments de quatre sites archéologiques, y compris dans des couches où aucun reste fossilisé humain n’avait été découvert. En outre, ils ont trouvé de nouveaux échantillons d’ADN Dénisovien dans des sédiments de la grotte de Denisova Cave, en Russie. « La technique pourrait augmenter la taille de l’échantillon des génomes mitochondriaux de Néandertal et de l’Homme de Denisova, qui étaient jusqu’alors limités par le nombre de fossiles retrouvés « , a déclaré le scientifique Carles Lalueza-Fox co-auteur de l’étude. « Et il sera probablement possible de récupérer des parties substantielles de génomes nucléaires« .
Pour Antoine Balzeau, « il y a différents types d’applications à potentiel très important avec cette technologie là. Premièrement, documentr de la présence humaine dans des zones qu’on ne connaît pas ou peu (comme les sites de plein air ) et deuxièmement, renseigner quel hominidé était présent sur des sites sur lesquels on a encore des interrogations».
Ces nouvelles techniques d’étude de l’ADN humain, même ancien, laisse entrevoir de nouvelles pistes pour la recherche des ancêtres de l’homme : localisation, migration, extinction…
C.R.
Sources
BBC
ScienceDaily
FranceInter
LeMonde
Science
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