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Grotte de Qaleh Kurd
Grotte de Qaleh Kurd
Qazvin, Iran
Pléistocène moyen
Importance du site
- Contribution essentielle à la compréhension des premiers peuplements humains et de la diversité biologique et culturelle entre le Levant et l’Asie.
- Établissement d’un cadre chrono-stratigraphique situant l’occupation humaine en Iran entre environ 452 ± 32 et 165 ± 11 milliers d’années.
- Plus de 5 800 découvertes in situ : dent humaine, artefacts lithiques et fauniques.
La grotte de Qaleh Kurd est située près du village de Qaleh dans la province de Qazvin, à la limite nord-ouest du Plateau Central Iranien. Cette région entourée des montagnes de l’Alborz et du Zagros, se trouve au carrefour de deux vastes régions : le Levant et le Caucase à l’ouest ainsi que l’Asie centrale et orientale à l’est. Ainsi, les assemblages archéologiques de ces régions sont essentiels concernant l’étude de la diversité biologique et culturelle des hominidés et de leur dispersion au cours du Pléistocène inférieur et moyen entre le Levant, l’Europe et l’Asie. En effet, des décennies de découvertes archéologiques et paléo-anthropologiques ont démontré l’importance du Plateau Central Iranien et des régions environnantes comme corridor de dispersion pour les populations d’hominidés durant le Pléistocène supérieur. Cependant et jusqu’à récemment, aucun assemblage archéologique datant du Pléistocène inférieur et moyen dans un contexte chronologique et stratigraphique clair n’avait été signalé dans cette vaste région. L’indice le plus significatif de cette période concernait les Néandertaliens de la grotte de Shanidar découverts dans les monts Zagros, à la limite occidentale du Plateau Central Iranien. Découvrez ici un aperçu de la grotte de Qaleh Kurd et de quelques découvertes archéologiques in situ incluant une dent déciduale humaine associée à un riche matériel lithique et faunique. A ce jour, cette grotte repousse de plus de 300 000 ans la date d’occupation humaine la plus ancienne dans la région.
Historique du site
La grotte est située à 2137 m d’altitude, 140 m au-dessus d’un ruisseau saisonnier qui suit la vallée. Elle appartient à un vaste réseau karstique qui s’est développé dans la formation de Qom de l’Oligo-Miocène.
Qaleh Kurd est connue des spéléologues pour son réseau karstique actif et ses concrétions calcaires et son potentiel archéologique a été remarqué en 2011 par Sajjad Alibaigi qui avait collecté et analysé avec Shahrbanoo Soleimani des artefacts lithiques de surface. Quelques années plus tard, sur invitation du Centre Iranien des Recherches Archéologiques (ICAR), les équipes du programme paléoanthropologique franco-iranien (FIPP) dirigées par Hamed Vahdati Nasab (Tarbiat Modares University) et Gilles Berillon (Muséum national d’histoire naturelle) ont réexaminé la grotte de Qaleh Kurd en 2018. Il s’est avéré que des fouilles clandestines de la grotte avaient endommagé les dépôts archéologiques (quatre grandes fosses révélant une stratigraphie d’au moins 2,5 m de profondeur, comprenant des dépôts archéologiques paléolithiques avec des restes fauniques et des artefacts lithiques bien préservés). Compte tenu de ces éléments inédits et de l’urgence qu’il y avait à protéger ce site, le FIPP en a initié la fouille en 2018 et 2019 et l’accès au site est depuis totalement protégé. Pour des raisons de préservation et de sécurité, la stratégie de fouille a été adaptée à la présence de ces fosses, car elles avaient largement affecté le dépôt de la chambre principale sur une surface de 25 m².
À ce jour, les fouilles ont permis d’observer la stratigraphie des dépôts archéologiques conservés dans trois tranchées (T1, T3 et T4) à deux endroits :
- Une chambre principale de la grotte qui fait 8 m de large, 6 m de haut et 20 m de long.
- Un corridor étroit de 12 m de long et 1,5 m de haut en moyenne.
Les analyses des tranchées T1 et T3 situées dans la chambre principale révèlent une succession sédimentaire représentée par un enregistrement karstique et clastique de 6 mètres d’épaisseur composé de deux séquences (I et II) séparées par une discontinuité (une surface d’incision et des blocs de calcaire). Alors que la séquence I est datée de l’Holocène, l’ensemble de la Séquence II est attribué au Pléistocène moyen (ESR/U-series) et s’étend sur une période d’au moins 300 000 ans. Cette séquence a livré de nombreux niveaux (QK1 à QK6) et vestiges archéologiques, y compris une dent humaine.
Paléo-anthropologie
Une première molaire supérieure déciduale gauche humaine a été découverte in situ à une profondeur de 105 cm (Tranchée 1, Séquence II, niveau QK3). Le cadre chronologique actuel place cette dent humaine entre 205 ± 15 et 165 ± 11 ka, faisant de celle-ci la plus ancienne dent humaine découverte en Iran à ce jour. La morphologie de la dent est largement affectée par l’usure, la résorption des racines et les caries. L’état de résorption de la racine suggère que cette dent était proche d’être perdue naturellement pendant la vie de cette personne et de tels degrés d’usure de la couronne et de résorption de la racine suggèrent que la dent a été fonctionnelle pendant une longue période. Un tubercule molaire proéminent est présent, ceci est un trait observé ou décrit de manière variable chez les humains archaïques, les Néandertaliens et les humains modernes, y compris les humains actuels. Le degré élevé d’usure de l’email et la présence des deux grandes caries affecte significativement la morphologie de la dent, impactant les traits informatifs de l’espèce à laquelle elle appartient.
(© FIPP, G. Berillon)
Assemblages lithiques et fauniques
Les fouilles des tranchées T1 et T3 ont permis de découvrir plus de 5 800 découvertes in situ dont environ deux tiers sont des os et des dents de grands mammifères et un tiers sont des artefacts lithiques.
Dans la séquence II, les trois niveaux supérieurs (QK1 à QK3) incluent plus de deux milles pièces d’artefacts lithiques (Levallois, non-Levallois et laminaires) dont la majorité est constituée de calcaire et de calcaire silicifié (64,3 %) ainsi que de catégories de chailles (24,9 %). Les nucleus sont principalement des nucleus d’éclats.
Concernant les restes fauniques, des centaines de dents et d’ossements in situ ont été identifiés dans ces trois niveaux. Dans le niveau QK1, l’exploitation de la moelle osseuse était particulièrement intense avec 35,6 % des restes montrant des fractures d’origine anthropique. Les traces visibles sur les surfaces corticales (coupures, raclages et zones de retouche sur les outils en os) sont également nombreuses.
Les grands mammifères sont largement dominés par les herbivores et en général, les équidés représentent la grande majorité de la faune de chaque niveau et au moins deux espèces sont représentées (Equus ferus et Equus hydruntinus). Les restes de cerf (Cervus elaphus) sont également courants dans tous les dépôts. Bien que le cheval soit largement dominant, quelques différences de composition faunique existent entre les niveaux. Pour ces trois niveaux, le rôle des humains dans l’accumulation des dépôts semble être essentiel à des fins alimentaires. Pour tous les herbivores, les animaux semblent avoir été transportés sur le site presque dans leur intégralité mais concernant les chevaux, compte tenu de la taille de ces animaux et de la topographie du site, ils pourraient avoir été amenés en morceaux dans la grotte d’après l’analyse des os.
(© S. M. Hashemi)
Les cultures paléolithiques de la grotte de Qaleh Kurd rappellent certains traits connus dans le Caucase et le Levant, mais suggèrent également une ressemblance avec les faciès moustériens ultérieurs du Zagros connus dans la région. Selon les dernières recherches, cela ouvre de nouvelles perspectives sur les premières étapes des cultures du Paléolithique Moyen dans cette zone ainsi que sur l’origine du Moustérien du Zagros. En ce qui concerne les espèces d’homininés qui pourraient avoir occupé le site, l’attribution taxonomique de la dent humaine découverte ne peut pas être spécifiée dans l’état actuel de l’analyse. Cependant, la chronologie du site et les connaissances paléo-anthropologiques du Levant à l’Asie centrale pour cette période pourraient soutenir l’idée que plusieurs espèces hominines ont pu occuper le site, au moins successivement.
Sources :
Vahdati Nasab, H., Berillon, G., Hashemi, S.M. et al. Qaleh Kurd Cave (Qazvin, Iran): Oldest Evidence of Middle Pleistocene Hominin Occupations and a Human Deciduous Tooth in the Iranian Central Plateau. J Paleo Arch 7, 16 (2024).
https://link.springer.com/article/10.1007/s41982-024-00180-4
Une grotte iranienne livre des traces d’occupation humaine vieilles de 452 à 165 000 ans
Communiqué de presse MNHN
de Denis Vialou