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L’Egypte préhistorique
L’Egypte préhistorique
Préhistoire & anthropologie égyptiennes
Egypte, ce pays où la seule évocation de ce nom nous invite au voyage. Nous connaissons l’Égypte pharaonique, son histoire, ses arts, ses merveilles, son héritage, mais l’Égypte, c’est aussi une Préhistoire. Qu’en est-il des traces des premiers hommes de cette contrée, de l’origine de cette civilisation égyptienne et de l’émergence de ses différentes cultures jusqu’aux temps pré-dynastiques ? Les premières découvertes de la préhistoire égyptienne et l’apparition de cette discipline sont apparues grâce à deux passionnés, le baron Jacques Jean-Marie de Morgan (1857-1924) et Flinders Petrie (1853-1942). Entre 1895 et 1897, Morgan découvrit la tombe dite de Ménès, àà Négadah (Nagada, près d’Abydos, qu’il attribua au premier pharaon de la Ière dynastie. Et au cours de ses prospections, il repéra également plusieurs stations de plein air néolithiques et paléolithiques. Plusieurs découvertes ultérieures feront clore le débat sur une hypothétique préhistoire égyptienne.
Industries préhistoriques extraterrestres
Les habitants de cette région sont connus pour l’utilisation d’une matière extra-terrestre dès la Préhistoire : le fer météorique. À ce propos, les plus anciennes traces d’objets en fer datent… de l’Age du Bronze. Bien que l’âge du Fer commence en Anatolie et dans le Caucase autour de 1 200 AEC, il existe plusieurs objets fabriqués à partir de fer météorique découvert en Égypte, en Turquie, en Syrie et en Chine. Comment le sait-on ? À cause de la forte teneur en nickel. Aucun objet en fer façonné avant le XIXe siècle ne contient plus de 4 % de nickel, alors que les météorites en fer en contiennent plus de 5 %, ce qui est le cas des objets retrouvés.
Les anciens Égyptiens utilisaient du fer météorique pour fabriquer des objets comme des perles par exemple. Selon une étude de neuf perles extraites en 1911 d’une tombe à Gerzeh, ces perles en fer datent de plus de 5 000 ans, alors que le travail du fer s’était répandu des siècles plus tard en Égypte. La structure interne d’une perle tubulaire montre que dans un premier temps, le fragment de météorite avait été martelé de manière à former une plaque. Puis dans un deuxième temps, que cette plaque avait été enroulée sur elle-même, ce qui avait formé la perle. Plus d’un millénaire après, une magnifique dague en fer météorique fut déposée dans le sarcophage de Toutânkhamon (1345-1327 AEC).
L’art de momifier il y a 3500 ans
Récemment, l’étude du papyrus médical Louvre-Carlsberg nous révèle une section consacrée au processus d’embaumement égyptien. Ce papyrus est surtout un traité de phytothérapie très intéressant dans son ensemble. D’ailleurs, c’est l’un des plus anciens documents connus à ce jour mentionnant la momification et la phytothérapie (avec le papyrus Ebers). Bien que l’art de l’embaumement était transmis de façon orale, le papyrus Louvre-Carlsberg semblerait être un aide-mémoire pour des spécialistes à l’époque. Certains détails mentionnent des recettes d’onguents et l’utilisation de divers pansements. D’ailleurs certaines étapes basiques ne sont pas mentionnées tel le séchage du corps au natron. On apprend par exemple, qu’un morceau de lin rouge enduit de substances aromatiques et des liants végétaux cuits dans un liquide était appliqué sur le visage du défunt. Cela avait pour but d’enfermer le visage dans un cocon protecteur de matières odorantes et anti-bactériennes. Il y a donc des corroborations et des précisions apportées par le texte concernant ce qu’il avait déjà été observé dans les fouilles archéologiques.
Ce processus était répété tous les quatre jours et ce chiffre semble avoir une importance, car les embaumeurs s‘occupaient de la momie tous les quatre jours, en 17 séquences. Ainsi au 68ème jours,la momie était placée dans son cercueil.
Daté aux alentours de 1450 AEC, ce papyrus précède de près de 1 000 ans les précédentes sources écrites sur l’embaumement rituel pratiqué en l’Égypte ancienne.
Sépultures et restes humains au Paléolithique
Bien moins connu du grand public par rapport aux momies dynastiques, l’Égypte nous a dévoilé des restes osseux d’individus datant de la Préhistoire, voici la présentation de quelques-uns.
Au Paléolithique moyen, les seuls vestiges humains répertoriés dans la vallée du Nil sont ceux d’un enfant âgé d’environ 8 à 10 ans excavé en 1994 sur le site archéologique Taramsa 1, proche de la ville de Qena. Le squelette était appuyé en arrière en position assise avec la tête regardant vers le haut. Les jambes fléchies étaient penchées sur la gauche. Il reposait dans une couche non perturbée de galets, elle-même sous-jacente à des déblais préhistoriques venant d’une autre exploitation du Paléolithique moyen. Les datations par luminescence optiquement stimulée (OSL) réalisées s’échelonnent entre 49 800 et 80 400 ans et une moyenne pondérée de toutes les dates disponibles pour cette période d’extraction donne une date de 55 500 ± 3 700 ans. Ces résultats feraient de la tombe de l’enfant de Taramsa la plus ancienne sépulture primaire connue en Afrique. Le squelette revêt un intérêt paléoanthropologique particulier puisqu’il documente les populations du Pléistocène supérieur de la vallée du Nil dont on ne connaît aucun autre spécimen.
Le squelette de Nazlet Khater 2 découvert en 1980 près de Tahta est celui d’un jeune homme âgé de 20 à 29 ans et mesurant environ 1,61 m. Il est presque complet à l’exception des parties distales des jambes et de la plupart des os des pieds. Une hache bifaciale bien préservé était posé à la droite de son crâne et celle-ci était similaire à celles trouvés sur le site minier NK4. La datation par résonance paramagnétique électronique (ESR) de l’émail dentaire (38 000 ± 6 000 ans) correspond à celle du site minier NK4 dont la période d’exploitation s’étale entre 35 000 et 40 000 ans.
Le squelette de NK2 présente un ensemble complexe de lésions tant au niveau du rachis que du système locomoteur. L’association de cet individu presque complet avec le site minier a offert une occasion unique d’étudier les atteintes arthrosiques et enthésopathiques de cet individu au sein d’un cadre archéologique clairement établi. Il apparaît que les multiples lésions de NK2 témoignent probablement d’un mode de vie éprouvant et que ce dernier devait être soumis à des contraintes mécaniques importantes.
À ce jour, les restes humains associés au site minier de NK4 sont les seules traces anthropologiques dans la vallée du Nil durant le stade isotopique 3 (entre 60 et 40 000 BP). NK2 est le seul squelette d’adulte presque complet découvert sur le continent africain pour cette période et le plus ancien homme moderne adulte au nord de l’Afrique pour le Paléolithique supérieur.
Au Paléolithique final, les principaux vestiges humains proviennent de cinq sites : le squelette de Wadi Kubbaniya daté d’un peu plus de 20 000 ans dont les restes reposaient en position ventrale. Il semble que cet individu fut victime de violences étant donné la présence de lamelles en silex dans sa cavité abdominale et d’une blessure sur l’humérus gauche. La position inhabituelle du corps pourrait être en relation avec sa mort brutale. Les deux squelettes de Esna qui pourraient dater d’environ 18 000 ans ; les restes de Jebel Sahaba (59 individus) datés d’environ 14 à 12 000 ans ; le frontal de Kom Ombo daté entre 13,5 et 13 000 ans et la série de Wadi Halfa (39 individus) datée entre 12 et 6 400 ans.
Paléopathologie
Les momies égyptiennes apportent un grand rôle pour la compréhension de maladies et leur histoire évolutive. La paléopathologie est une science qui associe dans une démarche commune : la pathologie, l’anthropologie, l’archéologie et l’histoire. Elle donne ainsi pour objectif de reconnaître les traces de maladies sur les restes humains anciens et, plus accessoirement, les figurations anthropomorphes artisanales, rituelles et artistiques. Les méthodes et les techniques diagnostiques médicales les plus actuelles et les plus performantes à l’analyse des tissus momifiés naturellement ou artificiellement sont utilisées pour mieux connaître l’apparition et l’évolution des maladies d’une part, mais aussi de retrouver à travers les maux dont elles souffraient, les conditions sanitaires et, par-là, les modes de vie des populations anciennes ou disparues.
Par exemple, l’étude de poumons préservés d’égyptiens anciens montre qu’ils souffraient de lésions anthracosiques et silicosiques. C’est-à-dire qu’ils inhalaient des particules de charbon et de silice, responsables de maladies pulmonaires telles que l’anthracose et la silicose. Comme en témoigne les poumons du chanteur Ḥar-Mosě décédé vers 1490 AEC (XVIIIe Dynastie) où il est décrit ceci par Shaw en 1938 : « Sur le plan pathologique, le défunt a présenté une anthracose pulmonaire et un emphysème […] ». Il est supposé que les particules de charbon fussent inhalées lors de la combustion de combustibles pour la cuisson, le chauffage et l’éclairage à l’intérieur de maisons mal aérées. Tandis que les particules de silice provenaient du sable de l’environnement désertique.
À l’état de squelette, seules les plaques pleurales calcifiées ou les appositions périostées costales viscérales persistent, permettant parfois un diagnostic rétrospectif. Selon P. Charlier, la répartition de ces lésions dans les séries squelettiques serait quasiment universelle, on les retrouverait notamment chez les momies de Thèbes et Abydos.
Génétique de la population ancienne et contemporaine
En 2017, des chercheurs ont analysé les os et les dents de 151 crânes de momies. À partir de ceux-ci, ils ont pu obtenir avec succès des génomes mitochondriaux humains complets à partir de 90 échantillons et des données SNP à l’échelle du génome de trois individus. Certains restes présentaient des traces de feuilles d’or près de la bouche et de la pommette, ce qui est caractéristique des momies à partir de la période ptolémaïque. Les datations au radiocarbone indiquent que les échantillons étudiés remontent au Nouvel empire jusqu’à la période romaine (1 388 BCE – 426 CE). Leurs analyses ont révélé que les anciens égyptiens partageaient plus d’ascendance avec les Proche-Orientaux que les Égyptiens d’aujourd’hui, qui ont reçu un mélange subsaharien supplémentaire ces derniers temps. Reste à savoir si les individus étudiés sont représentatifs de l’ensemble de la population de l’époque. Cette étude a également prouvé qu’il y a bien de l’ADN conservé dans les anciennes momies égyptiennes.
La plus ancienne brasserie au monde
Récemment a été mis au jour sur le site d’Abydos ce qui semblerait être la plus ancienne structure de production de bière à l’échelle industrielle au monde. L’ancienne brasserie aurait pu fabriquer environ 22 400 litres de bière à la fois et remonterait à l’époque du roi Narmer-Menès (?), dans la première période dynastique dite thinite (vers 3150 AEC). Ce roi est censé être le premier dirigeant d’une Égypte unifiée. La brasserie aurait peut-être été construite spécifiquement pour fournir les rituels royaux qui se déroulaient à l’intérieur des installations funéraires des rois d’Égypte. Abydos, l’un des sites archéologiques les plus importants de l’Égypte ancienne, abritait les tombes des rois datant même avant le début du système dynastique. Ce site a servi de cimetière royal pour les premières et deuxièmes dynasties et est resté important en tant que site dédié aux morts pendant la période de l’Ancien Empire, lorsque les pyramides avaient été construites.
Rédaction
Jonathan Ozcelebi
Sources :
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www.cnrs.fr/fr/lage-du-bronze-le-metal-des-objets-en-fer-venait-des-meteorites
www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/presentations/paleopathologie.php
www.smithsonianmag.com/smart-news/worlds-oldest-industrial-scale-brewery-found-egypt-180977026
www.archeonil.fr (numéro 21 – avril 2011)
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