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Nos ancêtres dans les arbres
Penser l’évolution humaine . Nos ancêtres de la Préhistoire.
Claudine Cohen
Comment notre espèce est arrivée à dominer la terre ? Notre évolution notamment avec le langage, la culture
Présentation de l’éditeur :
Comment sommes-nous devenus humains ? Si la question de l’origine de l’Homme fascine le grand public, et souvent les chercheurs eux-mêmes, celle de l’évolution humaine et de ses processus est méconnue. Mais aussi cruciale pour la connaissance de notre espèce que l’apparition des » premiers Hommes » est la longue histoire du développement des traits qui nous caractérisent, la culture et le langage au premier chef.
Comment les » arbres » de l’évolution humaine sont-ils construits ? Comment les nombreuses espèces d’Hominines connues sont-elles définies et situées sur leurs rameaux ? Comment la génétique des populations et la biologie moléculaire s’accordent-elles avec les conclusions tirées de l’étude des fossiles ? Comment penser l’articulation de l’évolution biologique et du devenir culturel ? Les transformations du cerveau éclairent-elles l’émergence de la cognition humaine, et celle du langage ? Quelle place les » scénarios d’hominisation » donnent-ils à la femme dans l’histoire du devenir humain ? Comment, enfin, concevoir l' » exception humaine » dans l’histoire du vivant ?
Ce livre s’attache à dévoiler les concepts, les présupposés et les implications des sciences de l’évolution humaine aujourd’hui. Il éclaire ainsi la question – qui résume toutes les interrogations philosophiques : qu’est-ce que l’Homme ?
207 pages
Editions du Seuil
Novembre 2015
Format 21,0 x 29,7
144 pages
Hominides.com
L’auteur Claudine Cohen
Claudine Cohen
Claudine Cohen est philosophe et historienne des sciences, spécialiste de l’histoire de la paléontologie et des représentations de la préhistoire. Elle est directrice d’Études à l’EHESS (Centre de recherches sur les arts et le langage) et à l’EPHE, section des Sciences de la vie et de la terre (PSL, Laboratoire Biogéosciences). Elle est l’auteur au Seuil de Le Destin du mammouth (1994, « Points » 2004), L’Homme des origines (1999) Un Néandertalien dans le métro (2007), La Méthode de Zadig : la trace, le fossile, la preuve (2011).
Sommaire de « Nos ancêtres dans les arbres »
Avant-propos
Prologue
I ntroduction
PREMIÈRE PARTIE
LES EMBRANCHEMENTS DU DEVENIR HUMAIN
Chapitre I. Métamorphoses de l’arbre
Une ascension irrésistible vers l’humain ?
Éclatement du schéma linéaire
Retour au « tronc commun»
L’arbre devient buisson : le triple berceau africain
Controverses sur l’origine d’ Homo sapiens
Nouveaux bouleversements de l’arbre
Qu’est-ce qu’une espèce fossile ?
L’arbre transformé
Chapitre II. Qui sont les Dénisoviens ?
Génétique et paléoanthropologie
Une grotte sibérienne très fréquentée
Nouveaux regards sur les Néandertaliens
Sapiens et Néandertal : quelles rencontres, quelles hybridations ? .
Retour à Dénisova .
Hybridations et échanges culturels .
Homo prometheus: l’invention du feu .
«Origine» et « progrès» de l’art préhistorique? .
Quelle « évolution culturelle » ? .
Chapitre III. « Races », racisme, et racines de la diversité humaine .
L’origine paléontologique des races humaines .
« Races », migrations, extinctions .
Races et populations .
DEUXIÈME PARTIE
BUISSONNEMENTS DES CUL TURES
Chapitre IV. Qu’est-ce qu’un scénario d’hominisation?
Comment l’arbre devient récit
Scénarios et contes merveilleux
« L’Homme chasseur» : un scénario non raciste … mais machiste
Changements environnementaux et scénarios du devenir humain.
Chapitre V. Cerveau et congnition des Hommes fossiles.
Un cerveau « énorme » ?
Le cerveau, les pieds et l’intestin
Forme, fonction et fonctionnement du cerveau
«Expérimenter» la cognition préhistorique
Chapitre VI. Les cultures évoluent-elles?.
Techniques, progrès .
Les plus anciens outils : éolithes ou « pebble tools » ? .
Chapitre VII. L’arbre des langues et la langue des origines .
La musique, langage des origines ? .
Paléoanthropologie et origine du langage .
Vestiges culturels et langage préhistorique .
Arbres des langues, arbres des gènes .
TROISIÈME PARTIE
AUX RACINES DES SOCIÉTÉS HUMAINES
Chapitre VIII. Aux origines du genre : hommes et femmes au temps préhistoriques
Darwin, Mill et l’origine de la domination masculine
Exogamie, violence et domination masculine
Reproduction et évolution humaine
Reproduction et contrôle social
Égalité ou inégalité des sexes au Paléolithique ?
Rapports de genre dans les sociétés néolithiques
Chapitre IX. Religions et rituels en préhistoire ?
Rites et croyances de l’au-delà : Néandertaliens et sapiens
Le symbole, l’art et le sacré
Chapitre X. Les révolutions de l’évolution humaine
Une « révolution culturelle» au Paléolithique supérieur ?
Révolution néolithique ou « néolithisation » ?
La révolution anthropocène
Conclusion
Notes
Bibliographie
Index
Remerciements
Table des illustrations
Un extrait du livre « Nos ancêtres dans les ancêtres »
Cerveau et cognition des Hommes fossiles
5.1. « L’enfant de Taung » (Australopithecus africanus) découvert en Afrique du Sud
en 1924. Un des très rares spécimens de moulage endocrânien d’un Horninine fossilisé.
Dessin de J. Copin.
Le développement cérébral est souvent invoqué pour souligner la singularité évolutive de l’Homme. La taille « énorme » du cerveau par rapport au corps, sa longue crois-sance au cours de l’ ontogénèse, la complexité de sa structure et de son fonctionnement, sa plasticité et l’adaptabilité que permet l’intelligence, sont des caractéristiques majeures de l’ Homo sapiens que nous sommes. Il n’est pas étonnant, de ce fait, que l’évolution de notre cerveau soit depuis longtemps au centre de multiples recherches et d’innombrables spéculations.
Les anthropologues du XIXe siècle s’employaient à mesurer les crânes, à calculer leurs angles, à évaluer le volume et le poids des encéphales pour comprendre le rôle et le fonction-nement du cerveau humain. On les a vus tenter de déterminer les caractéristiques du génie en pesant les cerveaux des grands hommes’, et même se livrer, dans le cadre d’une« société de dissection mutuelle », à de macabres paris pour décider lequel d’entre eux avait, post mortem, le cerveau le mieux déve-loppé? … Aujourd’hui, ces savoirs fondés sur la craniométrie, l’évaluation de la taille et du poids du cerveau semblent obso-lètes. Les mesures des angles crâniens et faciaux et des poids des cerveaux ne sont plus directement mises en rapport avec le développement de l’intelligence ; et la visée hiérarchique qui animait ces classifications données pour scientifiques n’a plus cours. L’intérêt pour les neurones a supplanté le fétichisme des crânes.
Pourtant, la paléoanthropologie actuelle demeure pour une grande part attachée aux méthodes de l’anthropologie classique pour l’étude de l’évolution du cerveau. Parce que son matériel d’étude se réduit le plus souvent à des ossements crâniens, à des moulages d’encéphales, ses approches sont inévitablement limitées à la description anatomique et aux évaluations quan-tifiées des angles et des volumes. La forme, la taille du crâne et l’anatomie du cerveau demeurent au centre de l’étude.
Cependant, avec le développement des neurosciences, de nouvelles voies de recherche ont été ouvertes, dont les sciences de la préhistoire humaine bénéficient. C’est l’étude de la phy-siologie du cerveau, de sa génétique et de sa croissance, de son métabolisme, de l’énergie requise pour son fonctionnement, qui mobilise les scientifiques. Parallèlement, les sciences cogni-tives visent à décrypter les mystères de la pensée, de la culture, de la création, par la mise en évidence des circuits neuronaux grâce à des techniques d’imagerie sophistiquées, mais aussi par l’étude expérimentale des gestes techniques. Comment ces enquêtes peuvent-elles enrichir notre connaissance de I ‘évolution du cerveau et de la genèse de l’intelligence humaine? Quelles pistes ces recherches ouvrent-elles pour aborder la pensée et la cognition des Hommes fossiles, et pour éclairer le développement des cultures et des sociétés préhistoriques ?
Un cerveau «énorme» ?
Si le volume cérébral des plus anciens représentants de la sous-famille humaine (les Australopithèques, et même les premiers Homo, Homo habilis ou Homo ergaster) ne dépasse pas 600 cm3, soit à peu près la taille du cerveau d’un Gorille, leur cerveau est pourtant bien différencié de celui des Grands Singes par sa structure. Des moulages naturels d’endocrânes
fossiles – comme celui de l’enfant de Taung (Australopithecus africanus), découvert en Afrique du Sud en 19243 – ou des moulages artificiels obtenus à partir de l’impression de tra-cés veineux sur la paroi interne du crâne d’autres Hominines fossiles permettent de suivre les modalités de cette transfor-mation. Cette « encéphalisation » s’accompagne d’une com-plexification des circonvolutions et d’une meilleure irrigation, traduisant un développement de l’activité cérébrale [fig. 5.2].