Evolution d’Homo sapiens – Homme moderne
Homo sapiens : 300 000 ans d’évolution
Evolution et adaptation De manière générale l’espèce Homo sapiens a bien sûr évolué depuis son apparition. Ces évolutions peuvent être de deux types, soit elles concernent toute l’espèce (évolution), soit ce sont des adaptations régionales (climat, géographie…).Nous savons que les origines de l’espèce Homo sapiens sont africaines : les plus anciens fossiles retrouvés sont datés de – 300 000 ans (Irhoud 1) au Maroc, – 195 000 (Omo I) et – 156 000 ans (Herto 1) en Ethiopie. Les squelettes sont modernes d’un point de vue anatomique. Ils ont les caractères propre de notre espèce, même s’il y a aussi des caractères rappelant des Homo plus anciens car partagés entre plusieurs espèces. En particulier les structures histologiques osseuses sont semblables à celles des Homo erectus africains et différentes de celles des hommes modernes. La morphologie de la face d’Irhoud 1 correspond la variabilité de celle de l’Homme moderne, avec toutefois un bourrelet sus-orbitaire plus développé. Des fossiles particuliers font parfois l’objet d’une dénomination spécifique, comme Homo sapiens idaltu qui est une sous-espèce d’Homo sapiens.
Homo sapiens, anténéandertaliens, présapiens, homme ancien, archaïque… les terminologies sont nombreuses et couvrent parfois des fossiles identiques. Tout n’est que question de terminologie et de géographie et sera clarifié au fur et à mesure des nouvelles découvertes.
Ces évolutions peuvent être de deux types, soit elles concernent toute l’espèce (évolution), soit ce sont des adaptations régionales (climat, géographie…).
La stature d’Homo sapiens a fluctué
Les causes des modifications de notre corpulence sont multiples et combinées : génétique, environnement, style de vie mais aussi régime alimentaire.
Les études et les mesures sur cette évolution de l’homme sont en grande partie issues d’Europe, c’est dans cette région que les fossiles sont les plus nombreux sur une longue période.
– Il y a 40 000 ans, au Paléolithique, les hommes de Cro-Magnon mesuraient 183 cm en moyenne c’est-à-dire beaucoup plus que notre taille moyenne actuelle. Nos origines africaines récentes peuvent peut-être expliquer cette grande taille plus adaptée au climat du continent africain. (voir Homme de l’Abri Cro-magnon et les sépultures de Balzi Rossi).
– Il y a 10 000 ans, au Néolithique, notre espèce était plus petite (soit 162,5 cm en moyenne). Changement climatique mondial, nouveau régime alimentaire et ses corrolaires (malnutrition…) sont probablement à l’origine de ce rapetissement.
Le processus évolutif de sélection naturelle est en marche : les individus plus petits ont moins de besoins énergétiques (entre autres) et ont donc plus de chance de survivre et de se reproduire.
« Certes la diminution de taille peut être due à de nouveau mode alimentaire, mais au Néolithique, la nourriture devait être moins restreinte qu’au Paléolithique. En effet l’agriculture et l’élevage permettent d’avoir de la nourriture continuellement et donc les périodes de disette étaient plus rares. Mais, ce nouveau mode de vie nécessite que tous les bras travaillent. Ainsi les enfants sont, dès leur plus jeune âge, associés à des travaux, notamment des portages physiques qui bloquent la croissance. Il faut aussi voir que la taille, comme d’autres caractères humains, subit des variations cycliques« .
Jean-Luc Voisin (MNHN)
– Aujourd’hui la taille moyenne (en Europe) est de 175 cm . Cette hausse relativement récente est attribuée aux meilleurs soins de santé et à l’amélioration de notre régime alimentaire. Cette récente et rapide augmentation serait plutôt de l’adaptation que de l’évolution, contrairement aux précédents changements de taille.
A noter, pour Francois Marchal (UMR 6578 – CNRS) : « Concernant les relations générales entre la stature et le climat, on peut raisonablement penser qu’il y a effectivement un phénomène évolutif, sur du long terme… Il y a 40 000 ans les « arrivants » en Europe viennent d’Afrique et sont de grande stature… plusieurs milliers d’années plus tard (voire dizaines de millier d’années) leur stature a diminué. Il y a bien un processus d’évolution. Par contre l’augmentation de la stature que nous avons enregistrée depuis un peu plus d’un siècle n’est pas de l’évolution mais de l’adaptation. En effet, si les conditions de vie s’améliorent, la stature augmente « rapidement » (échelle du siècle), comme sous l’empire romain ou actuellement. Si les conditions se détériorent, la stature diminue, comme à la chute de l’empire romain. »
« …il faut bien distinguer les phénomènes adaptatifs (rapides, à l’échelle du siècle environ et réversibles à cette échelle courte) des phénomènes évolutifs (échelle beaucoup plus longue, souvent au moins 10 000 ans et non réversibles à l’échelle du siècle)« .
Un cerveau en rapport avec notre taille
En toute logique la taille du cerveau varie avec notre stature et notre morphologie.
S’il y a 100 000 ans les Homo sapiens étaient dotés d’un cerveau de 1500 à 1600 cm3, il était de 1450 cm3 12 000 ans en arrière et il est maintenant en moyenne de 1350 cm3. Le volume du crâne est dépendant de la morphologie globale de l’individu : un nouveau-né doté d’une tête trop grosse ne pourrait pas être expulsé du ventre d’une femme de constitution gracile.
« On sait déjà que, depuis 100 000 ans, il y a une diminution de la taille du cerveau. Le cerveau de l’homme moderne est de 15 à 20 % plus petit que celui de Cro-Magnon. Certaines zones se sont développées alors que d’autres ont diminué. Par ailleurs celui de Néandertal (espèce cousine) était lui-même plus important de 20% par rapport à celui de Cro-Magnon. Ce sont des évolutions que nous devons appréhender et tenter d’expliquer« . Antoine Balzeau (Paléoanthropologue – CNRS)
A noter la taille du cerveau n’a pas d’influence directe sur nos capacités cognitives (intellectuelles) et les plus grands savants n’ont pas forcément le plus gros cerveau…
D’autres parties du corps ont évolué
La mâchoire d’Homo sapiens a également subi une modification de taille et de proportion. Les mâchoires de nos contemporains sont plus graciles et moins grandes que celles de nos ancêtres directs. Notre mâchoire se rétrécissant, notre dentition peine maintenant à trouver sa place. Dans des cas de plus en plus fréquents, certaines dents ne « sortent » plus, comme les dents de sagesse et d’autres se chevauchent (au grand bénéfice des orthodontistes !).
Le changement de régime alimentaire est certainement la cause principale de cette évolution de notre appareil masticatoire. Nous n’avons plus besoin d’une mâchoire puissante et nos aliments sont le plus souvent coupés voir « pré-mâchés »… Une mâchoire robuste n’est plus un avantage évolutif.
Paradoxalement, depuis le siècle dernier nos dents augmentent de taille. Cette évolution est probablement due à un apport très régulier de fluor qui favorise l’épaississement de notre émail.
L’obésité, maladie de l’homme moderne. De tout temps Homo sapiens a dû, pour se nourrir, exercer une activité physique régulière. Il y a encore 2 000 ans, un adulte pour s’alimenter devait travailler dans les champs, se déplacer… L’obésité qui devait être rarissime au Paléolithique est maintenant devenue un fléau mondial qui touche plus de 30% de la population des pays industrialisés (plus de 50% en Amérique du Nord dans les années 2000). Cette adaptation récente s’est également accélérée du fait de l’ingestion d’aliments industriels de plus en plus gras et accessibles au plus grand nombre…
« …Pour métaboliser les protéines de la viande et en retirer suffisamment de calories, les chasseurs-cueilleurs paléolithiques devaient y adjoindre de la graisse et de la moëlle, comme en témoigne le bris systématique des os longs dans la plupart des sites paléolithiques. Trouver de la viande était important, trouver de la viande grasse davantage encore. Engraisser à certaines saisons pour vivre ensuite sur ses réserves était pour nos ancêtres un avantage adaptatif évident. Dans un monde de hamburgers, de chips, de sodas, de fromage et de beurre à volonté, c’est une cause de morbidité. Malheureusement, nos instincts paléolithiques continuent à guider nos choix alimentaires. » Jean-Jacques Hublin (Institut Marx Planck), Quand d’autres hommes peuplaient la terre.
Voir aussi Alimentation à la Préhistoire.
L’espérance de vie
Nos ancêtres ne vivaient pas très vieux par rapport à l’homme moderne. Il y a seulement 30 000 ans on estime qu’un homme dépassait rarement l’âge de 35 ans. L’homme de l’abri Cro-Magnon (ci-contre) était quasiment un vieillard alors qu’il n’avait que 40 ans au moment de son décès.
Il y a seulement 200 ans, en 1800, l’espérance de vie n’était que de 35 ans. Elle a fait des bonds successifs pour atteindre 46 ans en 1950, 64 ans en 1990 et elle sera de 72 ans en 2020 (dans les pays occidentaux). Ces gains successifs proviennent principalement de meilleures conditions de vies, d’une accidentabilité plus faible, de meilleurs traitements médicaux (vaccins, antibiotiques…) et surtout de la distribution généralisée d’eau potable… En fait nous n’avons pas allongé la durée de vie, nous avons « seulement » élimininé les causes de décès les plus fréquentes !
« L’espérance de vie des populations fossiles est sans doute le plus grand fantasme dans l’imaginaire des hommes. En effet, peu d’études existent sur ce sujet. D’une manière générale, il semble que les individus dans les populations de chasseurs / cueilleurs vivent assez longtemps, sans doute plus que dans les populations sédentaires. En effet, les sédentaires sont touchés par de nombreuses maladies liées au travail de la terre, qui est très dur, et aux épidémies.
Ces dernières ont pris de l’importance à partir du Néolithique à cause de l’augmentation très importante de la population (c’est à cette période que le choléra devient une cause importante de mortalité). En outre le fait de se déplacer souvent limite les effets de la pollution, sur l’eau en particulier. Ces remarques sont d’autant plus vraies pour les populations vivant en zone tempérée. » Jean-Luc Voisin (MNHN)
Un ADN en mutation rapide
Depuis la sortie de l’Afrique, il y a approximativement 100 000 ans, Homo sapiens s’est adapté aux différents climats et conditions qu’il a rencontrés. Les études sur l’ADN confirment que les traits génétiques ont été modifiés ou adaptés à de nouveaux environnements au cours de cette période. En fait, le taux de variation de l’ADN, et donc le « taux de l’évolution », s’est accéléré sur les 40 000 dernières années. De nombreuses régions du génome humain sont encore soumises à la sélection, comme la résistance à certaines maladies ou la couleur de la peau par exemple.
Notre système digestif s’est également modifié. Naturellement, les mammifères (dont font partie les hommes) ne consomment pas de lait à l’âge adulte. Afin d’assimiler les produits laitiers, l’enfant produit du lactase qui permet la digestion du lactose. Cette enzyme n’est plus produite à l’âge adulte. Depuis le Néolithique l’homme adulte s’est mis a consommer du lait. Cette modification comportementale a sélectionné les adultes qui pouvaient assimiler le lactose. Aujourd’hui plus de 50% de la population mondiale ne peut toujours pas digérer le lait… Cette évolution récente s’est réalisée en moins de 10 000 ans… du moins pour les populations européennes !
D’après une étude parue dans la revue Curent Biology « …chaque personne est porteuse de 100 à 200 nouvelles mutations génétiques dans son ADN (des changements dans la base simple de la séquence d’ADN qui diffère de la séquence transmise par les parents), ce qui correspond à une mutation tous les 15 à 30 millions de nucléotides. Il convient de noter que la majorité de ces mutations sont anodines et n’affectent aucunement notre bien-être ou notre apparence…«
Un climat à l’origine de plusieurs adaptations
Suivant les régions où elle s’est installée l’espèce humaine s’est adaptée à des conditions climatiques totalement différentes. Cela a bien sûr eu un impact sur notre aspect extérieur mais également sur nos aptitudes (moins visibles…).
Comme pour l’ensemble de la faune et de la flore, chaque individu est porteur de mutations génétiques. Par rapport à un environnement donné, ces mutations sont parfois favorables, parfois elles sont « neutres » et parfois elle ont un impact négatif. Si une mutation est favorable, un individu aura donc plus de chance de survivre et de se reproduire. C’est comme cela qu’une mutation peut se transmettre et se répandre dans une population.
Sous les climats chauds et ensoleillés les hommes les plus favorisés sont donc plutôt
– grands et élancés car cela permet d’évacuer plus facilement la transpiration
– avec une peau foncée pour mieux supporter les rayons UV et éviter, entre autres, les cancers de la peau.
Sous un climat plus froid et peu ensoleillé les plus favorisés sont en moyenne
– plus petits et trappus pour conserver la chaleur
– avec une peau plus claire qui favorise la synthèse de la vitamine D.
L’espèce Homo sapiens étant originaire d’Afrique il est donc logique de penser que les premiers hommes avaient une couleur de peau foncée. Dans les régions plus froides ou tempérées, la peau des hommes s’est éclaircie.
Voir également les dossiers sur la couleur de la peau et Poils et peau des hommes préhistoriques
Depuis les premiers Homo sapiens l’espèce a évolué, certes pas dans des proportions énormes mais les différences sont visibles (au moins sur les ossements retrouvés et grâce à l’étude d’ADN ancien). Cette évolution et ces adaptations constantes peuvent laisser supposer que notre espèce continue et va continuer à évoluer.
L’homme est condamné à évoluer constamment, soit naturellement, soit sous l’effet des activités humaines.
C.R.
Hominides.com remercie Antoine Balzeau, Francois Marchall et Jean-Luc Voisin pour leur participation à l’élaboration de cette page.
Guillaume Lecointre
Guillaume Lecointre
Léo Grasset
Sous la direction d’Evelyne Heyer