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Des preuves de cannibalisme en Pologne au Magdalénien
Dans la grotte de Maszycka en Pologne des chercheurs ont pu déterminer des traces d’anthropophagie paléolithique. Les archéologue ont repris l’étude des restes humains découvert dans les années 60. De nouvelles traces montrent que les os humains ont été traités comme les os de la faune consommée.
Le site Magdalénien de Maszycka

Le Magdalénien correspond à une période de réchauffement marquée dans toute l’Europe, entre 20 000 et 14 500 avant notre ère. Les glaciers reculent, découvrant de larges étendues qui sont investies par les troupeaux d’animaux. Les populations humaines nomades suivent de près ces animaux qu’ils vont chasser.
Après une première période de fouille en 1883, les archéologues vont fouiller le site de Maszycka en 1960 et mettre au jour des ossement humains, des outils en os et en pierre ainsi que le produit des chasses paléolithique : des restes d’animaux, du renne principalement.
Pour les chercheurs de l’époque c’est une véritables collection de restes humains qui a été découverte : 63 ossements correspondant à une dizaine d’individus. Leur emplacement dans la stratigraphie permet de les situer 18 000 ans en arrière.
Reprise des études des ossements

Les anciennes découvertes ont pu, avec des méthodes modernes, être réexaminées. Les chercheurs ont pu ainsi identifier 36 fragments d’os. Ces derniers présentent des marques indiquant que les individus ont été immédiatement décharnés post mortem. Les marques de découpe sur les fragments de crâne indiquent que les attaches musculaires et le cuir chevelu ont été retirés. Par ailleurs les os longs ont été littéralement écrasés pour atteindre la moelle osseuse. L’auteur principal, Francesc Marginedas (Institut Catalan de paléoécologie humaine et d’évolution sociale), explique :
« La position et la fréquence des marques de coupure, ainsi que le broyage ciblé des os, ne laissent aucun doute sur le fait que leur intention était d’extraire des composants nutritifs des ossements. »
Comme le rapporte l’archéologue Antonio Rodríguez-Hidalgo (Institut d’archéologie de Mérida), les os humains morcelés ont subit le même traitement que les ossements d’animaux trouvés à proximité. Les fragments de crânes ont été jetés avec le reste des os, sans plus de cérémonie. « L’extraction des nutriments a été maximisée, ressemblant au traitement infligé aux carcasses d’animaux »
Pourquoi ce cannibalisme ?
Pour le paléoanthropologue Silvia Bello (Natural History Museum de Londres) « Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un cas de cannibalisme. » Par contre les raisons de cette pratique sont inconnues et les spécialistes en sont réduits à émettre des hypothèses.
Pour le professeur Thomas Terberger, (Département de préhistoire et d’histoire ancienne de l’Université de Göttingen) il apparait que la riche production artistique suggère que les conditions de vie étaient favorables à cette époque. Il semble donc peu probable que le cannibalisme ait été pratiqué par nécessité ».
Pour d’autres spécialistes il pourrait s’agir d’un cannibalisme rituel. Les ethnologues ont étudié des sociétés plus récentes dans lesquelles les membres de la famille consomment leurs proches après leur mort pour absorber leur sagesse ou leur éviter de se décomposer dans le sol. Cette sorte de « cannibalisme funéraire » n’était pas nécessairement « un symbole de violence » mais presque une volonté d’apaisement. C’est ce qu’explique l’archéologue Marta Połtowicz-Bobak, (Université de Rzeszów, Pologne) et co-auteure de cette nouvelle étude. « Il pourrait aussi s’agir d’un symbole de respect et d’amour. »
Marginedas complète : « Il est possible qu’il s’agisse d’un exemple de cannibalisme violent. Après la dernière période glaciaire, la population a augmenté, ce qui a pu conduire à des conflits pour les ressources et les territoires. Il existe également des preuves de cas isolés de cannibalisme liés à des conflits violents. De plus, des restes humains ont été retrouvés mélangés à des débris d’habitat dans la grotte de Maszycka, ce qui indique que les morts n’étaient pas traités avec respect. » Il ajoute qu’il pourrait également y avoir une composante guerrière, où l’ennemi est dévoré à des fins d’humiliation.

Instytut Archeologii UR
Sources
In a cave in Poland, signs of prehistoric cannibalism
Practice may reflect violent competition for new territory 18,000 years ago
New insights of cultural cannibalism amongst Magdalenian groups at Maszycka Cave, Poland. Scientific Reports (2025). DOI: 10.1038/s41598-025-86093-w
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Les sciences de l’Homme et la violence collective (XIXe-XXIe siècles)

Alain Beynex









