Introduction aux phénomènes mégalithiques
Mathieu Amigalithe
Un grand Merci à Hominides.com qui m’a demandé un article sur les mégalithes pour son très bon site plutôt orienté paléo- que néo-lithique. Je tiens à préciser que l’article ci-après risque d’en décevoir certains, mais il me semble nécessaire de faire un premier laïus d’introduction au mégalithisme en parlant tout d’abord du rapport de l’humain à la mort, sachant que certaines sépultures d’Homo comprennent de la pierre et que Göbekli Tepe sera bien sûr abordé ! Pour des questions de logique chronologique, l’article s’arrêtera juste avant les premiers monuments funéraires imposants, tels les cistes / coffres de pierre sous tertre bas des débuts du Néolithique moyen, vers -4 800 (j’adopte ici la chronologie révisée présentée dans « Espaces culturels, frontières et interactions au 5ème millénaire entre la plaine du Rhin supérieur et les rivages de la Méditerranée ».
Les premières sépultures, quelques constructions funéraire avec de la pierre, chez Neanderthal comme chez Sapiens au Paléolithique
Le site surnommé La Sima de los Huesos (« le Gouffre aux Os »), près d’Atapuerca, dans le nord de l’Espagne, recèle les ossements d’une trentaine d’Homo ancêtres des Néandertaliens vieux de 430 000 ans. Si l’absence de marque de dents de charognards et l’absence d’indice d’une quelconque catastrophe naturelle suggèrent que les corps y ont été déposés intentionnellement, cet aven n’est cependant pas unanimement considéré comme une sépulture (collective).
Même si ce n’est pas à destination funéraire, on remarquera que deux structures annulaires formées par l’accumulation de tronçons de stalagmites ont été découvertes en 1995 dans la grotte de Bruniquel. Ces structures, constituées de presque 400 « spéléofacts », ont été datées de -176 500 ± 2 000 ans. Cet âge indique qu’elles sont vraisemblablement l’œuvre de l’Homme de Néandertal, et même de néandertaliens « archaïques ».
Les plus anciennes tombes isolées remontent au Paléolithique moyen, des tombes à même le sol d’habitat ou des fosses sépulcrales ayant été trouvées au Proche-Orient et datant d’environ 100 000 ans. Ces tombes moustériennes sont liées à l’Homme de Néandertal en Europe et aux premiers Homo sapiens au Proche-Orient (grottes de Qafzeh, d’Es Skhul).
Les débuts de la sédentarisation et des essais d’agriculture
Abordons à présent les prémices de la sédentarisation et de l’agriculture, bref les graines/germes du Néolithique.
Les sédentaires natoufiens sont précédés par la culture du Kébarien, elle-même précédée par la phase athlitienne de l’Antélien, une phase du Paléolithique supérieur du Levant (Syrie, Liban, Palestine) issue de la culture émirienne.
L’Athlitien (Paléolithique supérieur V) est une spécialisation de l’Antelien avec un retour des couteaux chatelperroniens de l’Emirien. Au sein de cette culture, Ohalo II est un gisement situé près de la mer de Galilée, dans la vallée du Rift en Israël. C’est l’un des sites archéologiques les mieux conservés des chasseurs-collecteurs du dernier maximum glaciaire, daté à environ -21 000.
Ce site est important parce qu’on y a découvert de nombreux restes de fruits et de grains de céréales bien préservés. L’examen des quelques 150 000 spécimens de restes végétaux recueillis sur ce site montre que l’on utilisait alors comme nourriture plus de 140 espèces de plantes faisant l’objet de cueillette et des grains de blé et d’orge sauvages broyés.
Le Kébarien est le nom d’une culture comprise entre -17 000 à -12 500, connue sur les territoires de l’actuel Liban, Israël (y compris le désert du Néguev) et du Sinaï. Liée à des groupes de chasseurs-collecteurs nomades très mobiles, elle succède à l’Antélien (Aurignacien du Levant) et précède la culture pré-néolithique du Natoufien.
Les constructions en dur semi-enterrées et rondes sont connues dès le Kébarien géométrique (-12 800 à -10 000) mais restent rares et isolées. Ce n’est qu’au Natoufien qu’on trouvera les premiers groupements de maisons, autrement dit les premiers villages.
Le Natoufien (d’après la grotte de Shuqba / Wadi an-Natuf, située dans les montagnes occidentales de la Cisjordanie) est une culture de l’Épipaléolithique, attestée au Levant entre -12 500 et -9 500, entre la fin du Pléistocène et le tout début de l’Holocène. Ses sites ont été découverts dans les régions bordant la côte méditerranéenne de l’Asie, notamment près du Mont Carmel et dans le Néguev, et plus largement dans la région s’étendant du sud du Taurus jusqu’au Sinaï. On distingue le Natoufien ancien, entre -12 500 et -10 800, et le Natoufien récent, d’environ -10 800 à -9 500.
Certaines preuves suggèrent une culture délibérée de céréales, en particulier de seigle, à Tell Abu Hureyra, le site des premières preuves d’agriculture dans le monde. La plus ancienne trace de fabrication du pain a été découverte à Shubayqa 1, un site vieux de -12 500 situé dans le désert du nord-est de la Jordanie. En outre, la plus ancienne preuve connue de bière, datant d’environ -11 000, a été trouvée dans la grotte Raqefet, dans les monts du Carmel, près de Haïfa en Israël , où elle était utilisée par les Natoufiens semi-nomades pour des repas rituels.
Le Khiamien (du nom du site archéologique d’El Khiam, proche de la mer Morte) marque la transition entre le Natoufien et le Néolithique dit PPNA (« Pre-Pottery Neolithic A »).
C’est à El-Khiam que sont découvertes les plus anciennes pointes de flèches en silex à encoches latérales, dites « pointes d’el Khiam ». Ces pointes constituent le fossile directeur de cette culture. Elles ont été découvertes dans des sites d’Israël, de Jordanie (Azraq), du Sinaï (Abu Madi), du Moyen-Euphrate (Mureybet).
Tant d’un point de vue architectural, climatique que du mode de production, la plupart des caractéristiques de la période natoufienne se prolongent au Khiamien. Les changements sont marqués par une nouvelle production lithique, par une légère évolution des habitations et par la « Révolution des symboles ». C’est sur le site syrien de Mureybet que l’aspect artistique du Khiamien est le mieux étudié. Les archéologues y ont retrouvé les premières figurines en argile cuite, un matériaux qui ne sera utilisé couramment que 2 000 ans plus tard dans le cadre de la confection de poteries. Cependant, le fait que les figurines en terre de Mureybet aient été cuites est discuté car elles ont été trouvées dans un contexte d’incendie. Les figurines de Jéricho sont, quant à elles, crues.
Le mégalithisme a commencé à la transition chasseurs-collecteurs / ébauche d’agriculteurs-éleveurs au PPNA
Pour quelques siècles, vers le -Xè millénaire, dans ce corridor fertile entre Tigre et Euphrate, un vent chaud a fait cadeau à l’humain d’un vrai pays de cocagne.
Là, en haute Mésopotamie, le passage du chasseur et collecteur nomade de l’âge paléolithique au paysan sédentaire du Néolithique se fait plus tôt que dans d’autres régions. Il est étonnant toutefois que ces événements ne résultent pas d’une évolution graduelle à partir de débuts modestes. Le mode de vie sédentaire du paysan trouve ses origines dans des espaces construits, mégalithiques et monumentaux, de nature et de dimensions insoupçonnées. On imaginait nos ancêtres d’alors nomadisant dans une nature hostile par petits groupes de dix ou quinze, voici qu’on les découvre organisés en société puissante, maîtrisant les grands travaux ! Toutefois, ces constructions anciennes ne furent pas érigées pour la vie quotidienne, leur fonction étant plutôt à chercher au sein de la sphère spirituelle.
Göbekli Tepe (« la Montagne du Nombril »), dans la région d’Urfa (sud-est de la Turquie), est une colline imposante, haute de 15 m, qui ne se trouve pas (comme c’est le cas d’autres tells habités de cette époque) dans la plaine ou dans la partie inondable d’une vallée, mais au point le plus élevé d’une chaîne montagneuse dominant le paysage, à la quasi jonction du Tigre et de l’Euphrate. Ce centre cultuel, bien visible, et de loin, attirait alors les pèlerins à 100 ou 200 km à la ronde. Les espaces circulaires mégalithiques avec piliers monolithiques, souvent ornés de reliefs et pouvant atteindre plus de 4 m de hauteur, sont les plus fréquents. Ces piliers sont, comme à Nevali Çori, en forme de T, ce qui suggère une figure anthropomorphe et leur donne une signification correspondante (de personnages stylisés). Souvent, les piliers sont pourvus de reliefs qui représentent des lions – animaux de domination, masculins, liés au soleil –, des taureaux – animaux reproducteurs, féminins, liés à la Lune –, des sangliers – animaux forts/courageux et savants –, des renards – la ruse négative -, des onagres (âne sauvage) – animaux humbles et doux, porteurs de la sagesse suprême –, des canards – animaux de couples, érotiques – et des grues – animaux vigilants qui ne se fatiguent jamais et qui exterminent les serpents – animaux du chaos originel, opposés en tout, jour/nuit, bien/mal, vie/mort, féminin/masculin.
Ainsi, le symbolisme animal reflète non pas les animaux eux-mêmes, mais l’idée que s’en fait l’humain et, en définitive (clairement exprimé par la suite), l’idée qu’il se fait de lui-même ! La symbolique animale élève à un niveau initiatique où le symbolisme prend toute sa valeur et atteint sa réelle mission, poétique, créatrice. Ces animaux sauvages, souvent redoutables, sont enfermés dans un lieu clos, gravés dans la pierre, façon pour les proto-néolithiques de les « domestiquer », en tout cas de la assujettir !
L’humain, qui commencera bientôt à s’auto-figurer de manière récurrente et imposante, s’accorde déjà une place éminente, traduction d’une prise de conscience de sa capacité à dominer ce qui l’entoure
Des sculptures d’animaux et d’humains de grand format faisaient aussi partie de la décoration de ces espaces, témoignages d’image aussi importants que l’art européen de la période glaciaire. Mais, contrairement aux paléolithiques européens utilisant pour leur lieu de culte un espace naturel (également avec un bestiaire iconographique abondant), au Proche-Orient, le lieu cérémoniel est bâti de main d’humain ! Les pierres, à l’origine isolées, ont été reliées par un mur. Ces cercles de pierres immenses de 20 m, ont deux colonnes jumelles au centre. Elles représentent un couple conceptuel.
Petit à petit les architectes ajoutent d’autres murs d’enceinte avec des passages secrets et des espaces vides. Ce n’est plus un lieu pour les vivants mais pour les morts, d’où l’hermétisme des lieux. Il s’agit alors d’un cimetière colossal du Néolithique relativement sédentarisé, mais sans domestication, ni végétale ni animale.
L’érection de tels espaces nécessite un grand nombre de personnes : les piliers monolithiques pesant parfois plus de 50 tonnes ont été extraits de carrières situées autour du Göbekli Tepe et transportés sur une distance de 100 à 500 m jusqu’à leur emplacement au sien des espaces circulaires. Ils témoignent d’un pouvoir social capable d’exiger un tel rendement : pour ériger cette centaine de piliers, répartis dans une quinzaine d’enceintes, il a fallu des centaines d’humains pour le construire, et les travaux ont duré de trois à cinq siècles ! Cela ne put marcher que grâce à la collaboration de plusieurs tribus ou clans.
Les groupes ont initié une véritable division du travail entre sculpteurs et maçons (les artistes), chasseurs et récolteurs (les cantiniers pour assurer les repas après de grosses journées de travail laborieux : ils ont chassé et collecté à une échelle sans précédent les vastes étendues de céréales sauvages à proximité, pour la construction proprement dite, puis pour les grandes fêtes cérémonielles et leurs banquets).
Durant les phases les plus anciennes, la stratégie de subsistance des habitants du Göbekli Tepe reposait encore entièrement sur la chasse d’animaux sauvages et la collecte de plantes. A cette époque, la construction des espaces monumentaux était donc assurée par des groupes humains qui, vu le nombre de personnes nécessaires et les moyens de subsistance à leur disposition, étaient à peine en mesure de vivre de manière stable en ce lieu.
En prenant en considération les structures de pouvoir que l’on devine à travers ces constructions, il y avait là des rassemblements rituels de chasseurs, qui furent aussi une des causes de la naissance de nouvelles habitudes de vie basées sur la production d’aliments. Ainsi, le développement de la spiritualité (voire d’une forme plus organisée, de religiosité) a pu pousser les humains à se regrouper pour vivre et célébrer les rites en société. Ce qui entraînera le passage de la prédation à la production, pour nourrir tout ce grand monde. Pour l’instant, une partie du groupe se contente de collecter les fruits des pistachiers et des amandiers, tout en surveillant les champs de graminées sauvages, qu’ils protègent des ruminants sauvages en les clôturant : les humains collecteurs s’approprient l’espace en le délimitant pour leur propre survie alimentaire.
En effet le Göbekli Tepe, datant des -Xè et -IXè millénaires, se place sur le plan chronologique juste avant l’introduction des premières plantes utiles (diverses céréales surtout), c’est-à-dire avant les débuts de la paysannerie. Les groupes d’humains rassemblés sur le Göbekli Tepe pour leurs « réunions olympiennes », c’est-à-dire dans un même lieu et pour un certain laps de temps, commencèrent à exploiter, de manière plus intensive que d’habitude, une source alimentaire qu’ils connaissaient depuis longtemps, à savoir les céréales sauvages.
Ces sociétés évoluent et tirent parti d’une situation d’abondance des ressources et il y a intensification ou exploitation intensive des ressources. Dans ce cas la question de la production de surplus est à envisager : l’idéal serait de pouvoir préciser s’ils sont produits à certains moments de l’année, s’ils sont destinés à parer aux risques de soudure saisonniers, et à compenser ainsi des discontinuités d’approvisionnement, dans l’objectif de garantir ainsi la reproduction d’un type de système de subsistance. Ces surplus sont-ils encore destinés à être redistribués (et sous quelle forme ?) dans le but principal d’entretenir des réseaux de relations sociales, les donateurs s’assurant une sécurité pour l’avenir et d’un prestige social et politique dans le présent ? Il semble que ce soit ici le cas, avec la redistribution des surplus aux ouvriers constructeurs du Göbekli Tepe : la surproduction annuelle servit ici à ériger des monuments, en dur, pour marquer la capacité d’organisation et de gestion du milieu de quelques groupes, se Fédérant autant pour s’auto-glorifier et se créer une identité tribale (entité supérieure car surdimensionnée, au-delà de celle du groupe simple) que pour durablement marquer leur empreinte dans un paysage changeant.
C’est une tout autre image de la vie économique et sociale que présente la phase suivante : il fut alors décidé, contraint et forcé, de changer de mode de vie, pas complètement dans un premier temps, mais la survie de groupes plus nombreux et denses allait pousser à la production « intensive ».
Devant les besoins croissant de la population, disposant depuis longtemps des outils et des savoirs nécessaires, cultiver pour récolter et élever pour abattre sont devenus plus avantageux que de cueillir/collecter et chasser : quand une population sédentaire augmente, alors même que le volume de nourriture qu’elle peut durablement extraire par prédation sur son territoire est limité, il arrive forcément un moment où le temps que l’on doit passer pour se procurer la nourriture nécessaire, pour soi-même ou ses dépendants, s’accroît ! Au-delà d’un certain seuil de population, ce temps de travail s’accroît même de manière exponentielle !!
Arrivée à ce point, la population est condamnée à la pénurie et à la stagnation sur place, ou bien à l’exode, à moins que toutes les conditions du développement de l’agriculture ne soient réunies : alors, la pratique des cultures et des élevages permet de réduire le temps de récolte des grains et de capture des animaux en dessous d’un seuil acceptable, même si cela se fait au prix d’un travail préalable assez important, voire d’un temps de travail total plus élevé sur l’ensemble de l’année ! Les humains se sédentarisent alors dans des vallées, plus abritées et favorables à l’agriculture. Les descendants des constructeurs de Göbekli Tepe se sont donc définitivement faits agriculteurs. La culture s’étend désormais sur les terrains alluvionnés par les crues des rivières, puis, beaucoup plus tard, les villages grossissant, elle fut poussée sur les terrains boisés, fertiles, préalablement défrichés par un abattis des arbres (rien ne se perd, ils servent à la construction de maisons et au chauffage) à la hache polie, suivi d’un brûlis.
Quand les populations d’agriculteurs, fortement croissantes, eurent mis en culture tous les terrains exploitables avec leur outillage dans les foyers d’origine, elles durent pousser plus loin leurs défrichements. Hors de ces foyers, les agriculteurs migrants ont rencontré deux types de formation végétale à peu près vierges : des formations boisées, dans lesquelles ils ont pratiqué surtout des cultures sur abattis-brûlis ; des formations herbeuses, difficiles à défricher avec l’outillage néolithique, dans lesquelles ils ont développé principalement des élevages pastoraux nomades.
Par l’introduction et la diffusion de l’agriculture puis de l’élevage d’animaux sauvages domestiqués, les conditions de vie se sont considérablement améliorées pour l’humain du Néolithique ancien. Elles vont lui permettre de s’installer, au sein de groupes plus importants, dans des lieux stables, dans des vallées inondables ou dans des plaines. Cette évolution s’affirme nettement avec l’installation de sites de plus en plus nombreux aux pieds du Taurus.
Mais en descendant de leur montagne sacrée, ils ont aussi découvert le monde du travail : leurs ancêtres ne consacraient qu’une poignée d’heures par jour à la recherche de la nourriture ; devenus cultivateurs, ils passeront leurs journées courbées dans les sillons.
L’univers des chasseurs, avec ses mœurs et ses contraintes, avait perdu tout son sens. Ainsi, la fin des espaces cultuels du Göbekli Tepe, qui se place avant la phase la plus ancienne des villages néolithiques et le déplacement des sites de montagne vers la plaine dont témoigne de manière exemplaire le Gürcü Tepe, doit être interprétée comme une « Révolution néolithique » (mais pas tout à fait dans le sens qu’on lui donne habituellement).
Des endroits comme le Göbekli Tepe, qui doit être compris non comme un site habité de manière durable, mais comme le lieu central d’une amphictyonie, d’une communauté spirituelle (qui vivait dans le voisinage d’un sanctuaire, dont elle avait aussi la responsabilité), ne sont plus fréquentés.
Exemples éparses, dans le temps et l’espace, de mégalithisme sans descendance
Vers -8 000, le niveau des mers a atteint dans sa remontée la cote des -33 m. La communication est alors rétablie entre Méditerranée et mer Noire, avec un possible effet sur les relations entre l’Anatolie occidentale et l’Europe orientale. Vers -7 000, la mer commence à envahir le golfe arabo-persique ; vers -6 000 elle est à -12 m ; vers -5 000 elle atteint son niveau actuel et ne connaîtra plus que des fluctuations mineures. Les grands fleuves (Euphrate, Tigre, Karun) ont remblayé leur lit ; le niveau de la nappe phréatique s’est élevé en basse-Mésopotamie, transformant les conditions de vie dans cette région jusque-là désertique. Les côtes du Levant sont moins spectaculairement affectées ; toutefois, à hauteur de la chaîne du Carmel, des villages du -VIIè millénaire tels Atlit Yam sont dès lors sous les eaux, à 8-10 m de profondeur, à une centaine de mètres du rivage actuel.
Alors que le rituel est, au PPNB, modelé par la communauté et s’exprime au travers d’un symbolisme dominant, vitalité et association Homme-animal, il apparaît, au Néolithique céramique, profondément marqué par la domesticité. Une hiérarchie sociale claire ne peut être mise en évidence ni au PPNB, ni au PN, à l’exception de probables réunions de village. Le rituel communautaire au PPNB et la décoration de la céramique au PN sont considérés comme des systèmes (symboliques), régulateurs des sociétés étudiées. L’émergence à partir du fonds PPNB de la société du Néolithique céramique (probablement constituée de paysans, mais aussi de pasteurs nomades et de chasseurs-collecteurs) semble le résultat de l’interaction de facteurs socio-économiques complexes.
Le PPNB final représente la désintégration progressive du monde du PPNB. Les sites ont été trouvés dans la vallée du Rift (par exemple Hagosherim) et dans la plaine côtière (maintenant submergée). Bon nombre des caractéristiques de la première phase « classique » du PPNB ont commencé à disparaître, tels par exemple l’enlèvement du crâne, la production de plâtre, etc.
Atlit Yam est un site archéologique sous-marin, situé au large de la côte méditerranéenne d’Israël, près de la ville d’Atlit au sud d’Haïfa, aux pieds du mont Carmel. Ce village englouti est le plus ancien site d’archéologie sous-marin connu à ce jour, étant daté de -6 900 à -6 300 (Pré-Poterie Néolithique B final / C). Ce site de 40 000 mètres carrés, sous 12 mètres d’eau, présente un cercle de pierres dressées, le plus ancien puits bordé de pierres jamais retrouvé, les plus anciens cas de tuberculose humaine et de malaria, la plus longue espérance de vie de l’époque et le premier exemple de diète agro-pastoro-marine sur la côte levantine.
Cinq habitats marins différents peuvent être postulés dans cette région au cours du Néolithique Pré-Poterie C :
1. une côte rocheuse d’environ 3-5 km de long sur le versant ouest de la péninsule (la crête Tira actuellement submergé au nord du village) ;
2. plusieurs kilomètres carrés de faible profondeur (0-5 m de profondeur), de fonds marins rocheux à l’ouest de la péninsule ;
3. un lagon de sable peu profond d’environ 1-2 km carrés à l’Est de la péninsule ;
4. des fonds marins rocheux relativement profonds (16-25 m) d’environ 4-5 km carrés (actuellement une crête de grès immergée à une profondeur de 32-42 m) ;
5. une plage de sable d’environ 8 km de long, avec un fond marin de sable qui pourrait avoir été occupé par les mollusques, les crabes et les poissons.
Le village de ‘Atlit-Yam est le premier exemple connu d’un village de pêcheurs de la Méditerranée dont l’économie était basée simultanément sur les ressources de la mer et la terre, qui étaient à la base de la diète méditerranéenne connue aujourd’hui. Selon les marques sur les os humains récupérés dans les tombes, il semble que la population résidant à ‘Atlit-Yam vers -6 900 à -6 300 a dû faire face à des maladies telles que le paludisme qui était répandu dans les marais côtiers, ainsi que la tuberculose et d’autres infections qui ont été causés par la plongée dans l’eau froide, sans doute pour la pêche sous-marine. Malgré les maladies et les difficultés, une proportion importante de la population vivait jusqu’à l’âge de cinquante ans, un âge avancé en termes de sociétés qui ont vécu dans le Levant à l’époque néolithique. Il semble que l’alimentation équilibrée, fondée sur les ressources de la mer et la terre, a contribué à la santé et la longévité des anciens résidents.
‘Atlit-Yam a été découvert en 1984 lors d’une plongée de l’archéologue Ehud Galili, qui repère un tumulus en pierres brutes, qui se révèle être un puits ; celui-ci est daté au carbone 14 du -VIIè millénaire. Il est construit en pierre sèche, avec un diamètre de 1,5 mètres et une profondeur de 5,5 m. Le remplissage contenait des silex, des artefacts de pierre et d’os et des os d’animaux en deux couches séparées. La couche supérieure contient des ossements d’animaux partiellement articulés, qui ont sans doute été jetés dans le puits après la fin de son utilisation. D’autres structures rondes sur le site peuvent également être des puits. Galili estime que l’eau dans les puits a été peu à peu contaminée par l’eau de mer, ce qui a obligé les habitants à abandonner leurs maisons après 7 siècles.
Dans le centre du village se trouve l’installation rituelle de mégalithes. Une version miniature du site de Stonehenge a été découverte, plus ancienne de 4 000 ans : il s’agissait d’un demi-cercle de pierres d’environ 2,5 m de diamètre, composé de sept menhirs de 600 kg. Les pierres ont des cupules creusées et sont disposés autour d’une source d’eau douce, ce qui suggère qu’elles ont peut-être été utilisées pour un rituel de l’eau.
Proche des menhirs, à l’ouest, quelques dalles de pierre plates (0,7-1,2 m de long) ont été trouvées en position horizontale. Sur certains d’entre elles ont été taillées des cupules peu profondes.
Une autre installation est constituée de trois pierres ovales (1,6 à 1,8 m), dont deux sont gravées de rainures formant des figures anthropomorphes schématiques.
L’autel mégalithique est entouré de sépultures et desservi par un étrange couloir étroit, de 20 m de long. Pour l’archéo-astronome Clive Ruggles, ces murs parallèles menant vers l’autel sont orientés dans la direction du soleil levant au solstice d’été.
Dix sépultures où les corps étaient fléchis ont été découvertes, tant à l’intérieur des maisons que dans leur voisinage. Quelques années après l’ensevelissement du défunt, son crâne était déterré (plusieurs spécimens ont été retrouvés séparés des squelettes) : peut-être était-il ensuite exposé dans un lieu particulier du village ? Les squelettes d’une femme et de l’enfant, trouvé en 2008, ont révélé les premiers cas connus de tuberculose.
Prémices du mégalithisme au Mésolithique final (Téviec et Hoëdic, Auneau, …)
Au Mésolithique, alors que persistent des tombes individuelles (de type ciste), la formation progressive des nécropoles où les morts sont séparés des lieux de culte et des habitats (les premiers mégalithes faisant plus tard office de ces « villages aux morts ») va de pair avec la multiplication des tombes collectives, tandis qu’en Europe méditerranéenne, les morts sont enterrés sous la maison.
Les sépultures primaires dominent mais des sépultures secondaires (ex. La Chaussée-Tirancourt, Somme) ont aussi été mises en évidence et la crémation et d’autres gestes complexes existent durant tout le Mésolithique européen. La position des défunts varie et, dans plusieurs cas, de l’ocre, des parures abondantes et variées ainsi que du mobilier les accompagnent (Téviec et Hoëdic, Morbihan, et La Vergne en Charente-Maritime). Dans certains sites, les auteurs mentionnent des aménagements (fosse et/ou blocs/vestiges de faune) plus ou moins élaborés autour du ou des défunts (ex. Teviec et Hoëdic, La Vergne). La position hyperfléchie et le petit bloc sous le crâne de l’adulte de Bourg Charente rappellent ce qui a été observé à La Vergne (Charente-Maritime) dans la sépulture 7. Des sépultures individuelles, multiples ou collectives sont connues. Les dépôts isolés restent nombreux mais de véritables nécropoles s’organisent comme à Téviec, Hoëdic ou La Vergne. Elles intègrent plusieurs classes d’âge et diverses pratiques peuvent y coexister.
Au -VIIIè millénaire, l’inhumé d’Auneau dans le centre de la France, portait près de 300 kg de pierres sur le torse, selon une mise en scène que l’on retrouvera beaucoup plus tard dans la sépulture multiple en pleine terre de Poncharraud, en Auvergne, attribuée au Néolithique moyen.
Téviec fait partie des rares sites du Mésolithique subsistant en Bretagne, avec la Pointe de la Torche, Hoedic et Beg er Vil sur la presqu’île de Quiberon. Au Mésolithique, le niveau de la mer était 12 m plus bas qu’aujourd’hui. Téviec était une pointe rocheuse. Aujourd’hui, c’est une île privée dont la plage attire l’œil depuis l’isthme de Penthièvre.
Téviec était vers -5 400 une colline en bord de mer, qui dominait des marais littoraux. Les occupants du Mésolithique (-9 700 / -5300) y avaient implanté un vaste habitat en contrebas d’un promontoire granitique. Il se matérialise par un niveau de déchets alimentaires, composé notamment de coquilles marines, sur une épaisseur de 0,60 à 1 mètre, avec de nombreuses structures archéologiques (différents types de foyers et tombes). Les analyses ont notamment révélé des pratiques alimentaires basées sur l’exploitation intensive des animaux du littoral (mollusques, crabes, poissons), mais aussi des grands mammifères terrestres (cerfs, chevreuils, sangliers, aurochs). En comparaison avec d’autres sites littoraux du Mésolithique, Téviec est marqué par la chasse aux oiseaux (21 espèces, dont les canards colverts et les canards siffleurs, les macareux, les guillemots, les pygargues et les bécasses). Seul le chien était domestiqué. Malgré l’importance des aménagements de l’habitat et le nombre de restes archéologiques, l’hypothèse de populations nomades est privilégiée, dans des circuits qui comprenaient les espaces insulaires comme Groix ou Belle-Île.
La zone de 300 m2 explorée par les Péquart se situe en contrebas du sommet de l’île, face à l’ouest où se dresse la silhouette de l’île de Groix. C’est ici que vingt et un défunts, parés de milliers de coquillages multicolores, ont été découverts, parmi des kyrielles de lames de couteau en silex, des milliers de flèches, des dizaines de haches, des stylets en os, des galets outils.
Les fouilles ont permis d’exhumer 10 sépultures regroupées dans un espace restreint d’environ 50 m², creusées au cœur même des déchets alimentaires et des foyers domestiques. Les tombes les plus complexes étaient des sépultures à la fois collectives (inhumations successives) et multiples (inhumations simultanées). Toutes témoignent de rituels élaborés. Les corps parés de colliers et de résilles de coquillage étaient enduits d’ocre rouge (mais les tombes des enfants n’étaient pas ornées). Ils avaient été inhumés en position repliée dans des fosses non aménagées, les jambes en flexion forcée et la tête légèrement relevée. Couteaux en silex, percuteurs sur galets et stylets/grandes pointes façonné(e)s dans des os de mammifères (sanglier ou chien) accompagnaient la plupart des défunts. Une fosse était aménagée avec des galets, le corps du défunt était habillé de parures de coquillages extrêmement riches, ses jambes repliées. Une ou deux dalles avaient été placées sur la tombe et servaient de base à un foyer dit « rituel », allumé pour brûler des mandibules de sanglier ou de cerf. Puis un cairn de pierres, préfiguration des futures sépultures mégalithiques, était érigé, formant un dispositif de visualisation autant que de protection des corps qui dépassait parfois de la couche coquillière pour affleurer le sol. Dans deux cas, un assemblage en bois de cerf formait comme un encadrement du crâne.
Si la nature des coquilles semble un peu différente dans les parures des hommes et des femmes, les deux sexes témoignent des mêmes égards, au moins dans le domaine funéraire. La réunion des corps dans des sortes de caveaux traduit des liens forts entre certains individus, peut-être sur des bases familiales. Dans la sépulture A, les deux défunts ont été ensevelis avec beaucoup de soin dans une fosse creusée moitié dans le sous-sol et moitié dans l’amas coquillier, les corps d’une femme (de 18 à 23 ans) et d’un adolescent masculin de 15 à 19 ans, l’un contre l’autre, étant recouverts par des bois de cervidés et une dalle en granit se trouvant au sommet du comblement de la sépulture. Le mobilier funéraire comprend des silex, un stylet en os, ainsi que des parures constituées de coquilles marines percées et assemblées en colliers ou bracelets. Trois sépultures d’adultes inhumés avec un enfant ouvrent l’hypothèse d’un sacrifice à la mort d’un parent.
La sépulture K contenait six squelettes déposés successivement, mais à intervalles rapprochés. À la base de la tombe, un homme d’une vingtaine d’années a connu une fin tragique, comme en témoignent deux pointes de flèches fichées dans ses vertèbres. Sa mâchoire avait d’ailleurs été fracturée quelque temps auparavant et s’était ressoudée. Les interprétations de ces marques de violence peuvent être multiples, qu’elles interviennent dans le cadre de compétition entre groupes mésolithiques pour l’accès aux riches ressources littorales ou dans un climat tendu lié à l’arrivée de populations d’agriculteurs [le Néolithique ancien à affinités méridionales (NACA), notamment représenté à la Pointe du Groin-du-Cou (La Tranche-sur-Mer, Vendée), pourrait commencer dès la deuxième moitié du -VIe millénaire, en parallèle avec les tombes du Mésolithique final morbihannais].
A Hoedic, des fouilles archéologiques de 1933 menées par Marthe et Saint-Just Péquart ont révélé quelques foyers et 9 tombes mésolithiques sur l’île. Des amas coquilliers ont permis de conserver les ossements de 14 individus et éclairent sur le régime alimentaire de ces populations, largement basé sur les ressources halieutiques. La typologie de ces sépultures est proche de celles de Téviec. Les défunts étaient ensevelis avec des silex taillés, des pendentifs et des colliers de coquillages, des outils en os, avec des ramures de cerfs encadrant certains corps.
Parcours des Néolithiques depuis le Proche-Orient jusqu’à l’Europe occidentale
Au Liban, à la Culture de la Céramique Brûlée à Face Sombre (Dark Faced Burnished Ware), de -6 900 et -6 400, succède la « Vaisselle Blanche » du PPNB, premier précurseur de la poterie en argile.
Les premières attestations de la céramique imprimée (qui donnera les cultures Cardial et Impressa) se trouvent au Proche-Orient, notamment dans le Levant. Elle apparaît dans des sites datés de la seconde moitié du -VIIè millénaire, par exemple à Byblos et Ras Shamra au Liban. Cette céramique est présente à partir de -6 100 dans de nombreux sites du bassin égéen mais presque toujours dans des proportions marginales par rapport aux autres styles de poteries. Dans ces derniers, on ne parle donc pas d’une véritable culture à céramique imprimée. Cette définition est réservée aux sites dans lesquelles la poterie présentant un tel décor constitue la majorité ou la totalité des productions céramiques. On la retrouve dans le site de Sidari sur l’île grecque de Corfou dans la mer Ionienne vers -6 200. À partir de -6 000, elle apparaît dans des sites proches des côtes en Italie du sud et en Sicile et dans le sud de la Dalmatie, ainsi qu’en Albanie. Vers -5 800, elle est attestée dans des sites de Ligurie, du Languedoc et de Catalogne, ainsi que dans le centre-nord de la Dalmatie. Dans toutes ces régions, les formes et les décors de la céramique évoluent dans des styles régionaux, parfois très rapidement, par exemple au moins dès -5 700 en Italie du Sud.
En Grèce, le proto-Sesklo et pré-Sesklo se développent de -7 500 à -6 200 : ils montrent une agriculture avancée et une utilisation très rapide de la poterie qui rivalise avec celle du Proche-Orient. Les données disponibles indiquent également que la domestication totale du bétail a eu lieu à Argissa dès -6 300, sachant que la première occurrence signalée au Proche-Orient est à Çatalhöyük, dans la strate VI datant de -5 750, bien qu’elle ait pu être présente dans la strate XII aussi, vers -6 100.
À Nea Nikomedia, on note de -6 200 à -5 500, une phase proto-Sesklo. L’émergence de la Céramique Linéaire en Europe centrale est fixée vers -5 500. Ce complexe culturel s’est formé en contexte Starcevo dans le bassin des Carpates et représente l’aboutissement d’une évolution culturelle qui émane des groupes Starcevo (en Serbie, près de Belgrade) – Cris-Körös (en Hongrie), vers -5 800. Ce complexe carpato-pannonien est issu des groupes à Céramique Peinte responsables de la néolithisation de la péninsule balkanique, vers -6 100.
À la même époque, les Néolithiques méditerranéens sont déjà à Diaplo/Sidari, sur l’île de Corfou.
Dans le talon de la botte italienne, à Torre Sabea, la néolithisation de la Méditerranée nord-occidentale débute dès -6 000, en Italie du Sud et en Sicile, par l’implantation de populations appartenant au complexe de la ceramica impressa. L’origine même de ce complexe reste délicate à cerner et ses filiations avec l’aire égéenne ne sont pas nettes. La céramique de la phase archaïque présente une décoration imprimée très peu structurée couvrant l’ensemble du vase. L’obsidienne est fréquemment utilisée. L’industrie lithique du site de Torre Sabea, caractéristique de la phase I, tranche avec cette homogénéité puisque au contraire, on observe un indice laminaire élevé, une prédominance des grattoirs sur les burins et un nombre élevé de trapèzes attestant de l’utilisation de la technique du microburin. Ces traits pourraient suggérer l’existence d’une tradition romanellienne et castelnovienne mésolithique.
À la même époque, sur la côte adriatique opposée à Naples, Passo di Corvo est le plus grand village néolithique d’Europe, de -6 000 environ au -IVè millénaire : c’est le berceau de l’agriculture en Italie et en Europe, venue du Moyen-Orient via l’Impressa et le Cardial.
Non loin, à via Guadone, alors que la céramique de la phase archaïque présente une décoration imprimée très peu structurée couvrant l’ensemble du vase, la seconde phase, ou céramique imprimée évoluée de style Guadone, est caractérisée par une décoration plus structurée et les thèmes géométriques apparaissent (ligne brisée, triangle). D’un point de vue plus général, la seconde phase de la ceramica impressa voit l’apparition de villages ceinturés de fossés généralement circulaires. Ceux-ci suggèrent une organisation économique et sociale complexe. Ces établissements présentent une répartition plutôt côtière et une concentration dans les plaines fluviales. Cette culture se développe à partir de -5 800 et se prolonge jusque vers -5 300 ; elle apparaît donc avant la fin de la culture de la céramique imprimée dont elle est issue. Elle est attestée dans la majeure partie de l’Italie du sud, notamment dans le Tavoliere, plaine alors très fertile. On la retrouve jusqu’en Campanie. Elle est ponctuellement attestées jusque dans les régions orientales de la mer Adriatique.
Le complexe des céramiques imprimées du sud de l’Italie et de la Sicile ne trouve pas d’équivalent plus au nord. Cependant, un style céramique identifié en Ligurie pourrait présenter quelques liens avec le style de Guadone. Il s’agit de l’impressa ligurienne principalement définie à partir des niveaux de base du site des Arene Candide. La position chronologique de l’impressa ligurienne est obtenue à partir des seules dates du gisement des Arene Candide, soit entre -5 800 et -5 600. En Ligurie, le style de la Pollera succède vers -5 300 aux céramiques imprimées et précède le complexe VBQ. Ce faciès de transition a été défini à la Pollera et aux Arene Candide (C13). Ce style de la Pollera participe à la transition Néolithique ancien-Néolithique moyen de Ligurie, mais il reste à étoffer.
La néolithisation de la région tyrrhénienne se fait à partir de la culture de Stentinello, implantée en Sicile et en Calabre (colonisation rapide depuis le sud-est de l’Italie où les premières communautés agropastorales apparaissent vers -6 100). Ce courant Sud-Nord aboutirait vers -5 700 à la formation du Cardial Filiestru-Basi-Pienza en Sardaigne, en Corse et en Toscane. Le Cardial tyrrhénien, chronologiquement postérieur à l’impressa ligurienne (-5 800/-5 600), se développe dans les zones comprises entre le Latium et la Ligurie ainsi que dans les îles de Corse et de Sardaigne. Ce faciès, principalement défini par un style céramique particulier et par une colonisation insulaire importante, fut d’abord individualisé en Toscane (Pienza) et dans les îles tyrrhéniennes (Basi, Strette, Casabianda et Filitosa en Corse, Filiestru et Grotta Verde en Sardaigne). Les découvertes se multiplient actuellement en domaine continental.
Le Néolithique ancien « Cardial » appartient à une ambiance que l’on retrouve sur les côtes de la Méditerranée, de l’Italie, de la France et de la Catalogne ainsi qu’en Corse et en Sicile : on distingue les sites de Sardaigne (Filiestru), de Corse (Basi) ou de Toscane (Pienza) rassemblés sous le terme de Cardial géométrique, des sites d’Italie (du Nord, Arène Candide ; et de l’archipel toscan, Isola del Giglio) et de France (dans l’Hérault, Peiro Signado ; la région de Nice, Caucade et Magazin Giaume ; et de manière ponctuelle en Corse, Basi) rassemblés sous le terme d’Impressa géométrique.
Le Cardial tyrrhénien, faciès qui succède au complexe à céramique imprimée, se développe à partir de -5 300/-5 200 : les îles tyrrhéniennes proposent une évolution propre marquée par un renouvellement du stock céramique. La Corse et la Sardaigne présentent un style céramique caractérisé par des formes globuleuses ou à col, à fond rond. Ce style a principalement été défini sur le site de Curacchiaghiu (Corse), mais des affinités morphologiques se retrouvent à la grotta Verde, à la grotte Monte Maiore et à Filiestru en Sardaigne.
À Portiragnes, entre Béziers et le Cap d’Agde, la Roque-Haute est une des plus anciennes installations du Néolithique en France, vers -5 700, d’agriculteurs éleveurs dont l’origine semble être toscane (Tyrrhéniens cardial du centre de l’Italie). Le Néolithique ancien du sud de la France offre un caractère polymorphe. En effet, aux cotés de ce que l’on nomme couramment le Cardial franco-ibérique, plusieurs sites démontrent la présence, sur les côtes provençales ou languedociennes, de faciès anciens, situés entre -5 700 et -5 600, et dont le système technique renvoie directement aux faciès culturels de type impressa. Le Cardial est bien implanté dans les territoires littoraux mais certains indices attestent de sa pénétration précoce dans les domaines plus continentaux.
Dans la même commune, Peiro Signado marque aussi une des plus anciennes installations du Néolithique en France, mais cette fois d’agriculteurs éleveurs dont l’origine semble être du Nord de l’Italie (Ligures impressa).
Vers Tanger, au Détroit de Gibraltar, Achakar marque vers -5 700 l’arrivée du Néolithique ancien cardial. Une forte reconfiguration des entités techniques semble en œuvre dans le sud de la péninsule Ibérique dans la seconde moitié du -VIè millénaire, avec un dialogue entre communautés mésolithiques et néolithiques d’Europe mais aussi peut-être d’Afrique du Nord. L’extension plus au nord-ouest de ce premier Néolithique d’obédience cardiale ne semble pas dépasser le fleuve Mondego.
Près de Pampelune, à l’Abri d’Aizpea vers -5 700, un Néolithique ancien évolué à décors céramiques imprimés/incisés, dont la genèse est mal établie, prend le relais plus au nord, mais seulement dans la première moitié du -Vè millénaire. Pour autant, cette expansion néolithique n’atteint pas la Galice et les Asturies. Si l’on suit les rivages atlantiques, c’est au Pays-Basque espagnol et dans la haute vallée de l’Ebre (Rioja et Navarre) que l’on retrouve les traces les plus probantes de groupes néolithiques aux racines méditerranéennes, mais cette fois en lien avec la côte orientale, via la vallée de l’Ebre. Globalement, la période -5 500/-5 000 connaîtrait des contacts entre groupes du Mésolithique et du Néolithique, par exemple à Aizpea, avec le développement d’une céramique accompagnant un outillage lithique d’allure mésolithique. Mais cette céramique reste encore assez rare et peu caractéristique. L’économie semble basée de manière préférentielle sur la chasse.
Sur la côte cantabrique, les traces d’une économie de production tardent à apparaître, avec un développement de l’élevage et de l’agriculture au cours du -Vè millénaire, alors même que la collecte de coquillage continue largement. Au « Finistère » (« Fin de la Terre ») du Nord de la Péninsule ibérique, en Galice et Asturie, les éléments néolithiques pré-mégalithiques sont très rares. On citera le gisement de O Reiro qui a livré une céramique grossière, lisse ou décorée d’impressions, associée à des céréales domestiques.
Si les mécanismes de la néolithisation sont bien documentés en Catalogne et en Aragon, avec notamment des processus complexes d’interactions mésolithique-néolithique, les indices de néolithisation pré-mégalithique s’étiolent lorsque l’on approche de la façade atlantique. Les caractéristiques des systèmes techniques du Néolithique ancien portugais et le décalage chronologique de la néolithisation du nord-ouest de l’Espagne empêchent donc totalement aujourd’hui d’imaginer une néolithisation de l’ouest de la France par contournement de la péninsule Ibérique. La voie terrestre est la plus courte et les analogies stylistiques les plus évidentes se font avec le Languedoc et un peu plus tard avec le nord-est de l’Espagne. On peut retenir l’hypothèse d’une première vague de néolithisation qui atteindrait le nord-ouest de l’Espagne, sans doute via la vallée de l’Ebre, aux alentours de -5 400.
Dans le Quercy, vers -5 500, la Grotte de Roucadour, qui a été successivement une halte de chasse, un habitat permanent du Mésolithique et au Néolithique, a donné son nom à une culture du Néolithique ancien atlantique, le Roucadourien. On note un hiatus géographique qui existe en Aquitaine et en Midi-Pyrénées, le long de la Garonne. Notons également que pour avancer dans cette question, il semble à présent essentiel de reprendre la question du Péricardial (ou Roucadourien pour certains, défini par Jean Guilaine comme un faciès latéral « appauvri » correspondant à l’adoption de la technique de la poterie par des populations de l’intérieur à partir d’influences issues de zones côtières) qui pourrait jouer un rôle de jalon entre Méditerranée et Atlantique. On peut dire que les affinités méridionales sont tout à fait probantes en domaine atlantique, avec plusieurs séries d’influences dans la seconde moitié du -VIè et la première moitié du -Vè millénaire. Le terme Péricardial, que l’on pourrait également nommer « péri-épicardial » semble prendre tout son sens pour nombre de sites de Haute-Garonne, du Tarn et du Lot. On pourra peut-être distinguer deux vagues d’influx méditerranéen, l’un situé aux alentours de -5 300 liés au complexe cardial, l’autre situé aux alentours de -4 900/-4 700 plus proprement lié aux faciès épicardiaux.
Non loin, la Grotte du Cuzoul de Gramat a également livré une occupation cardiale et caractérise une industrie du Mésolithique final dans le Sud de la France (avec Gazel dans l’Aude).
Proche de Saintes en Charente-Maritime, vers -5 300, les premières céramiques retrouvées sur la façade atlantique aux Ouchettes, décorées d’impressions, se rattachent au Néolithique cardial méditerranéen. Il est probable que les débuts de la néolithisation en Poitou-Charentes (vers la fin du -VIè / début du -Vè millénaires) soient dus aux influences méditerranéennes de groupes parvenus par cabotage sur les côtes atlantiques.
Près de Montélimar, la propagation du Néolithique ancien d’obédience méridionale, le long de la vallée du Rhône, est reconnue grâce à plusieurs sites dont Lalo vers -5 600/-5 400. Il en est de même dans la plaine de Puy-en-Velay, après les reliefs ardèchois, avec le site des Brûlades.
Vers Grenoble, la Grande Rivoire a livré un vase décoré de cannelures verticales margées horizontalement typique de l’Epicardial languedocien.
Non loin du Mont Blanc, à Hubelwäng (Zermatt), des fouilles archéologiques récentes ont mis au jour des traces humaines du Mésolithique et du Néolithique (dès -9000 et entre -5500 et -2200) dans un abri sous roche de l’Alp Hermetje. Au Hubelwäng (au pied de l’Unter Gabelhorn), 5 pierres à cupules préhistoriques attestent la présence précoce de l’Homme sur une ancienne voie commerciale.
Vers Caen, l’hypothèse d’une influence culturelle des Hommes de la céramique cardiale sur le groupe de La Hoguette, impliquant une origine ouest-méditerranéenne et une pénétration précoce d’idées, de techniques ou de groupes isolés, dans la vallée du Rhône, est très plausible. Le site de La Hoguette marque d’ailleurs l’extension extrême-ouest de cette culture. Les styles céramiques La Hoguette et Limbourg se situent dans l’interface de deux grands ensembles culturels du Néolithique ancien : les Céramiques Imprimées et la Céramique Linéaire. L’origine du faciès de La Hoguette est associée aux Céramiques Imprimées (Impressa et Cardial) du Néolithique ancien méditerranéen qui se développent vers -5 900/-5 800. La diffusion de la Céramique de La Hoguette le long de l’axe rhodanien atteint le sud-ouest de l’Allemagne où elle apparaît en contexte de la phase la plus ancienne de la Céramique Linéaire, vers -5 400. Par la suite, les productions céramiques La Hoguette et Limbourg accompagnent la Céramique Linéaire lors de son extension vers l’ouest. Des processus complexes d’acculturation se déroulent entre -5 300 et -5 000 avec la diffusion d’éléments néolithiques méridionaux, qui sont répercutés au sein d’un réseau qui, parallèlement, intègre progressivement l’agropastoralisme.
Vers Besançon, on trouve vers -5 300 à la Grotte des Planches-près-Arbois, la preuve d’une rencontre entre les Néolithiques cardiaux venus de Méditerranée et les rubanés venus d’Europe centrale.
De même, vers Clermont-Ferrand, Le Brézet témoigne des contacts qui ont existé entre les deux principaux ensembles qui ont présidé à la néolithisation de la France, les Cardiaux/Impressa arrivés vers -5 800 dans le Sud par la mer et les Danubiens arrivés vers -5 300 dans l’Est en suivant le fleuve. Les Hommes ont abandonné des fragments de poterie appartenant à la culture épi-cardiale (phase récente du Néolithique ancien), sachant que les témoins de cette période sont rares en Auvergne. Les indices qui se multiplient (Veyre-Monton, Pra de Serre) montrent que l’Homme était largement présent dans le grand bassin de Clermont, dès le début du Néolithique. Ces Hommes ont donc assisté aux éruptions volcaniques les plus récentes, comme celle du Pavin, il y a 7000 ans environ.
A l’inverse du polymorphisme méditerranéen, la néolithisation de l’Europe du nord-ouest est attribuée à un complexe culturel homogène : la Céramique Linéaire (Rubané). La formation des Céramiques Linéaires occidentales a lieu dans le sud de la Transdanubie, en milieu Starcevo tardif, vers -5 600. A partir de -5 500, la phase la plus ancienne de la Céramique Linéaire s’étend avec une rapidité impressionnante depuis la Transdanubie d’abord jusqu’en Slovaquie occidentale et dans le Bassin de Vienne à Brunn am Gebirge. Par la suite, la phase la plus ancienne s’étend à la Moravie, la Bohème et l’Allemagne centrale, d’une part, et le long de l’axe danubien vers la Bavière, d’autre part, où elle est concentrée le long des affluents méridionaux du Danube. Une limite est dessinée vers l’ouest dans la région de la ville d’Ulm : elle marque la fin des importations de la radiolarite de type Szentgál et l’apparition de la Céramique de La Hoguette. Depuis cette région, la Céramique Linéaire gagne le nord du Jura Souabe et la vallée du Neckar (Rottenburg, Gerlingen, Ammerbuch-Reusten, etc.). Un changement dans les stratégies d’approvisionnement en matières premières est observé. L’exploitation s’oriente vers les sources du silex blanc de type Wittlingen dont le réseau s’étend jusqu’au sud de la confluence Main-Rhin. Après avoir atteint la limite du Rhin, une nouvelle étape prolonge l’aire de répartition vers la Hesse.
Non loin de Vienne, Schletz, tout comme le fossé charnier de Talheim, est l’un des premiers sites connus, vers environ -5 500, qui montre une preuve de massacre dans l’Europe du début du Néolithique, parmi les différentes tribus du Rubané. Les restes de 67 personnes ont été découverts (mais on estime que tout le fossé pourrait contenir jusqu’à 300 individus), tous montrant plusieurs points de traumatisme. Étant donné que les armes utilisées étaient caractéristiques des peuples Rubanés, les attaquants seraient membres d’autres tribus Rubanées. Dans des proportions similaires à celles trouvées à Talheim, moins de jeunes femmes ont été trouvées que d’hommes. En raison de cette pénurie de jeunes femmes parmi les morts, il est possible que d’autres femmes du groupe vaincu aient été enlevées par les agresseurs. Le site a été clôturé ou fortifié, preuve de conflits violents entre les tribus : les gens qui y vivaient ont construit deux fossés pour contrer la menace d’autres communautés Rubanées.
Vers Bâle, à Bottmingen vers -5 300, avec la phase ancienne de la Céramique Linéaire (Rubané ancien) la limite que constitue le Rhin est franchie. La progression du Rubané semble se faire dans un espace à la fois occupé par des groupes de chasseurs-cueilleurs mésolithiques et par des groupes liés au domaine culturel méditerranéen. Dans cet ordre d’idées, la découverte de la Céramique Linéaire en dehors de son aire de répartition primaire à Clermont-Ferrand en Auvergne ou l’importation d’un vase épicardial signalé pour le site de Westhouse en Alsace montrent que les échanges entre les deux sphères Rubané et Cardial/Epicardial fonctionnent dans les deux directions. En outre, la phase ancienne de la Céramique Linéaire marque la fin des associations avec la céramique de La Hoguette à l’est du Rhin.
La phase récente-finale de la Céramique Linéaire (Rubané récent-final), entre -5 100 et -5 000/-4 900, est caractérisée par de nouvelles extensions vers l’ouest, notamment vers le Bassin parisien. Durant cette dernière phase de la Céramique Linéaire, on note les signes de l’émergence d’une certaine territorialité soit entre groupes néolithiques soit d’avec des groupes mésolithiques. Elle est perceptible dans l’apparition de sites fortifiés (Vaihingen, Wange, etc.). La découverte de la fosse de Talheim, expression d’un conflit armé, appartient également à cette période.
Près de Karlsruhe, Herxheim était vers -5 200 un centre religieux néolithique caractérisé par un charnier renfermant les preuves de pratiques rituelles cannibales. La présence récurrente de matériel culturellement hétérogène est relativement délicate à mettre en évidence sur les caractères stylistiques d’une céramique non décorée. Ce cas de figure connaît au moins un antécédent clair, en lien avec des pratiques clairement cultuelles, dans le Rubané final d’Herxheim (Palatinat, Allemagne), où l’origine culturelle diverse du matériel céramique associé aux restes humains peut être mise en évidence à partir des techniques décoratives, et atteste de relations suivies sur le site entre des populations locales et d’autres distantes de plusieurs centaines de kilomètres. Ces pratiques ont été rattachées à la crise sociale profonde affectant le rubané le plus récent et précédant la disparition de cette culture.
Vers Reims, le site des Fontinettes possède la caractéristique de livrer quasiment toute la séquence stylistique actuellement reconnue pour le Rubané récent du Bassin parisien (RRBP), dans le cadre d’une occupation villageoise continue et très structurée : c’est le seul dans ce cas en Bassin parisien. Les cinq phases d’habitat envisagées pour cette séquence y représentent sans doute une durée d’environ 100 à 150 ans, la fin de l’occupation manifestant le début du RRBP final : un terminus peut donc être envisagé autour de -4 950.
Vers Rennes, l’habitat du Haut Mée indique une présence du Villeneuve-Saint-Germain, culture originaire du Bassin Parisien, dans le nord-est de la Bretagne, présence qui pourrait se retrouver plus au sud de l’Armorique au début du -Vè millénaire. Le plan trapézoïdal de la plupart des tertres trapézoïdaux a souvent été comparé à celui des maisons du Néolithique ancien de tradition rubanée. Une légère dissymétrie axiale du plan de la maison VSG (-5 100 / -4 700) du Haut-Mée se retrouve effectivement au Mané-Pochat, comme au Mané-ty-Ec à Carnac ou à Lannec-er-Gadouer à Erdeven.
Depuis les années 1970, la composante orientale, en particulier celle de la céramique Linéaire, dans l’origine du premier Néolithique normand n’a cessé d’être confortée. L’intrigante découverte de la fameuse céramique de la Hoguette à Fontenay-le-Marmion (Calvados) constituait un premier signal. Plus récemment, les découvertes successives ont confirmé l’existence de nombreux sites d’habitat de la culture de Blicquy/Villeneuve-Saint-Germain. Vers Caen, le Lazzaro constitue une référence pour le début du Néolithique dans l’Ouest de la France. En effet, il permet de reculer considérablement la chronologie de la « néolithisation » de la façade atlantique, tandis que les colons danubiens voient leur aire d’expansion atteindre les côtes de la Manche. La forme très ordonnée de l’habitat, représentée par un grand village très compact, suppose des groupes humains importants impliqués dans la mise en valeur du territoire colombellois, au débouché du bac de l’Orne sur la route menant à Dives (cette voie est une portion de la route principale reliant Rouen à Caen par Honfleur jusqu’au XVIIIe siècle).
Néolithique Ancien (-5 800 / -4 800) : premiers coffres/cistes des « nouveaux » arrivants néolithiques
Le vaste porche de la cavité de Baume Bourbon communique avec des salles profondes où fut découvert un ensemble de tombes du Néolithique ancien. Les sépultures de cette époque sont rares, particulièrement en Languedoc. Cette découverte fut donc importante pour les recherches sur les croyances des premiers paysans du Néolithique, vers -5 800. Les défunts ont été déposés à même le sol dans une salle profonde de la cavité. De remarquables bracelets en coquillage et en calcaire sont représentatifs de cette culture.
En Basse-Auvergne ont été réunies quelques données concernant une phase pré-mégalithique comprise entre la seconde moitié du -VIè et la première du -Vè millénaires, caractérisée par des sépultures individuelles en fosses profondes et sans mobilier. A Sainte-Madeleine (Pont-du-Château) le sujet est en decubitus dorsal, la face protégée par deux dallettes calcaires (-5580/-5430).
Près du village néolithique de Passo di Corvo, sur la côte adriatique opposée à Naples, vers -5 500, certains restes venaient d’assez loin si l’on considère qu’un voyage d’au moins 15 à 20 kilomètres constituait un petit périple il y a 7 500 ans. Il faut donc imaginer des Hommes du Néolithique faisant l’effort de sélectionner un os (ou quelques-uns) du défunt, d’en retirer minutieusement la chair qui y adhérait encore, puis de les transporter dans cette espèce de sanctuaire que semble être la grotte Scaloria.
Premiers mégalithes au Portugal et sur la façade atlantique, essentiellement en Bretagne
En 1985, R. Joussaume commençait un ouvrage traitant principalement du mégalithisme en Europe occidentale, par le monumentalisme funéraire de ses contrées continentales et septentrionales. Cet auteur posait également la question de l’existence d’un berceau du mégalithisme atlantique en France de l’Ouest.
Après avoir recherché une origine exclusive du mégalithisme atlantique dans le bassin oriental de la Méditerranée au cours des années 50-60, puis une origine locale indépendante sur différents rivages de l’Europe atlantique, depuis le sud de l’Espagne jusqu’aux pays nordiques en passant par les îles britanniques, dans les années 70-80, un équilibre peu à peu se fait jour pour admettre une circulation assez intense des produits, des idées et des Hommes qui conduit à des influences réciproques propices au développement de cultures régionales particulières dans une ambiance économique et sociale comparable d’une région à l’autre.
Les débats actuels sur l’origine du mégalithisme atlantique prennent principalement leur source dans des propositions qui furent d’abord formulées au cours des années 1930. M. et S.-J. Péquart posaient alors la question d’une filiation locale entre ce mégalithisme et les dispositifs en pierre qu’ils venaient de dégager sur les îlots de Téviec et d’Hoëdic dans le Morbihan, pour des sépultures attribuées aux derniers groupes de chasseurs-collecteurs. V.-G. Childe (1949) était plutôt frappé par la similitude de formes architecturales entre le plan des maisons des premiers colons du Rubané, et celui de quelques tumulus trapézoïdaux d’Europe septentrionale et continentale.
La plupart des auteurs s’accordent pour associer, d’une manière ou d’une autre, l’émergence du mégalithisme à la néolithisation de la façade atlantique de l’Europe. De ce point de vue, l’ouest de la France présente une situation singulière. Ici s’est opérée la rencontre entre courants rubanés et méridionaux, face à un substrat mésolithique qu’il serait tout aussi absurde de considérer comme uniforme.
Les différentes formes du mégalithisme atlantique se développent d’abord, et principalement, sur les marges occidentales et septentrionales de l’Europe, du Danemark au Portugal, là où longtemps subsistent quelques groupes de chasseurs-collecteurs mésolithiques.Certains d’entre eux furent contemporains des premiers éleveurs et agriculteurs néolithiques de l’Europe continentale ou méditerranéenne. L’idée que les plus anciens monuments funéraires de ce continent puissent dériver d’une fusion de traditions propres aux uns et aux autres, voire d’une réaction des premiers face aux innovations apportées par les seconds, semble découler assez clairement de cette seule constatation. En ce sens, le mégalithisme pourrait être perçu comme l’une des ultimes manifestations de la néolithisation de l’Europe. Toutefois, les derniers chasseurs-collecteurs du Danemark ou du Portugal n’ont pas grand-chose en commun, en dehors d’une certaine réticence à adopter de nouveaux modes de vie. Les uns seront confrontés à une colonisation d’origine centre-européenne alors que les autres devront faire face à de nouveaux venus porteurs de traditions propres aux premiers éleveurs et agriculteurs du bassin occidental de la Méditerranée. Les processus qui présideront peu à peu à la généralisation de ces nouvelles économies comme des organisations sociales et des idéologies qui les sous-tendent, semblent également très variés suivant les régions. La situation est encore plus complexe dans l’ouest de la France, car il s’agit de l’une des rares régions d’Europe où les traditions issues de ces différents courants de néolithisation se sont directement rencontrées et influencées mutuellement.
En Bretagne, des menhirs ont été érigés au moins jusqu’au début de l’Âge du Bronze. Quelques autres sont positionnés très bas sur l’estran, voire largement sous le niveau des mers actuelles, et parfois organisés en files légèrement divergentes comme à Kerdruelan. Est-ce ici la preuve que l’on ait commencé à dresser ces pierres dès la fin du -VIè millénaire, comme on le suspecte pour la péninsule ibérique ? Les courbes de remontées des niveaux marins présentent une marge d’erreur beaucoup trop importante pour autoriser une telle affirmation sur ces seules bases.
Vingt ans plus tard, à l’occasion de la publication des actes du colloque de Bougon en 2006, R. Joussaume prend acte des dates très anciennes désormais proposées pour certains mégalithismes de la péninsule ibérique, dans la seconde moitié du -VIe millénaire.
Dans la caractérisation géographique de la péninsule ibérique on appelle Meseta au relief plat la zone centrale formée par les terres des bassins moyens du Tage et du Douro. Elles appartiennent donc aux bassins les plus importants de la Péninsule, avec la facilité de connexion que cet emplacement suppose en vue d’explications de type culturel. La Meseta se dessine, du point de vue géographique, comme une enclave privilégiée où se concentrent d’importantes voies de passage entre l’Occident et la Méditerranée, parmi lesquelles la connexion du Douro et du Tage avec l’Ebre constituerait, à l’évidence, et d’après les gisements de Soria, l’une des plus fréquentées. La Meseta serait donc l’actrice principale de ses propres faits culturels et la promotrice de formes autochtones.
Dans le bassin intérieur du Tage, la richesse démographique se traduit par l’occupation de territoires depuis des époques anciennes du Néolithique. Les mégalithes s’inscriraient dans cette dynamique démographique néolithique, où les aires d’habitation et les aires funéraires gardent une forte contiguïté.
Le cromlech des Almendres (cromeleque dos Almendres) est un site mégalithique situé sur une colline, à 12 km à l’ouest d’Évora. C’est le plus important complexe mégalithique de toute la péninsule Ibérique, non seulement en raison de sa taille, mais aussi pour son état de conservation.
La construction de ce cromlech s’étend de la fin du -VIè au -IIIè millénaires. Au Néolithique ancien moyen, vers -5 200, est érigé un ensemble de monolithes regroupés en trois cercles concentriques. Les monolithes, dont certains atteignent trois mètres de haut, ont été placés dans des cavités préalablement aménagées.
Le Menir da Meada, d’environ 7,15 mètres de haut et environ 1,25 m de travers (3,90 m de périmètre à la base), est en granit porphyritique à grain grossier, extrait des affleurements rocheux à proximité. Il a une configuration phallique et près du sommet présente un grand gland. Il présente également des gravures avec des motifs serpentiformes. Il pourrait remonter jusqu’au début du -Vè millénaire, datations de -5019/-4800
Mathieu Amigalithe
L’auteur, Mathieu Amigalithe, n’est pas archéologue … ni même scientifique, mais il se cultive à base de Persée.fr, Academia.edu et autres sources sérieuses ! Communicant très tôt attiré par les vieilles grosses pierres, il se définit depuis quelques années comme un valorisateur numérique du Patrimoine Mégalithique : après avoir créé un site dédié au grand néolithicien Jean Arnal dans le cadre d’une exposition qui lui était consacrée, il a donc mis en place un site / centre de ressources documentaires consacré à ces phénomènes mondiaux ainsi qu’une carte des mégalithes du monde organisés par époque (https://drive.google.com/open?id=1KaV195j0kPMHJfm2Qa9U5a461eA ; carte en cours de remplissage et d’amélioration visuelle). Même sans avoir de compte sur cette plateforme, voyez ses pages Facebook, la principale à échelle mondiale (https://www.facebook.com/Megalithesdumonde) et l’autre focalisée sur Carnac et ses environs (en somme la zone du dossier Unesco : https://www.facebook.com/PrehistoireCarnacLeRouzic)