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Il y a 78 000 ans, au Kenya.. perles, outils, os gravés…
Il y a 78 000 ans, au Kenya. Les fouilles dans la grotte de Panga ya Saidi, située sur les côtes kenyanes, ont permis de reconstruire une stratigraphie démarrant il y a 78 000 ans ! |
Une équipe internationale de scientifiques a terminé une campagne de fouilles sur le site de Panga ya Saidi. Cette grotte, située à 15 kilomètres de la côte sud-est du Kénya, au nord de Mombasa, est située dans les collines de Dzitsoni. Les excavations ont permis de remonter 78 000 ans en arrière et de mettre au jour des outils, des éléments de parure et des morceaux d’ocre. Par ailleurs, la présence des hominidés sur le site est attestée sur une très longue période. Cela vient compléter les recherches sur les peuplements et les environnements de l’Afrique qui étaient jusqu’à présent plus centrées sur la Vallée du Rift et l’Afrique du sud. L’étude « 78,000-year-old record of Middle and Later stone age innovation in an East African tropical forest” a été publiée dans la revue Nature sous la direction de Ceri Shipton, Patrick Roberts et Nicola Boivin. Le projet a été financé par le Max Planck Institute for the Science of Human History.
Les découvertes
Les fouilles sur 3 mètres de profondeur permettent donc de remonter dans le temps jusqu’à – 78 000 ans. La stratigraphie est échelonnée sur 19 couches archéologiques. Une série de 20 datations radiocarbone et par luminescence optique (OSL) a permis de confirmer les dates d’occupations presque continues sur le gisement.
Toutefois, les couches les plus anciennes (19, 18 et partiellement 17) sont celles qui présentent le moins de traces de l’occupation humaine. C’est à partir de la couche 16 que les indices d’humanité se multiplient.
En 2021 les chercheurs ont publié dans la revue Nature la découverte d’une sépulture volontaire d’enfant sur le site de Panga ya Saidi.
Si dans les plus anciens dépôts (-78 000 ans) ce sont des outils en pierre qui ont été trouvés, à partir de – 67 000 ans les outils ont tendance à être plus petits. De nombreux artefacts ont été exhumés : 8 ossements travaillés, 17 fragments d’ocre, 27 coquillages marins percés, 88 cercles de coquilles d’autruches, 5 éléments venant d’une autre région. Au total ce sont plus de 30 000 artéfacts qui ont été référencés dans la cavité.
Certainement utilisées comme ornements, les chercheurs ont trouvé des sortes de perles taillées dans des coquillages marins ou des coquilles d’autruche. L’orifice servait à enfiler les perles ou à les faire tenir sur un « vêtement ». La plus ancienne perle travaillée au monde est donc maintenant kényane et datée de 65000 ans !
Des crayons d’ocre démontrent que ces premiers homme utilisaient la couleur pour orner des objets (ossements, bois, plante, parois…) ou pour se badigeonner le corps. Ils apparaissent dans la stratigraphie entre -48 000 ans et -25 000 ans. Et c’est dans cette même couche qu’ont été mis au jour de l’os et une défense sculptés, un tube osseux gravé et une petite pointe fabriquée dans le l’os.
Un environnement stable
L’étude des restes de faune et de flore dans les sédiments indique que la région était recouverte d’une
végétation à la jonction entre forêt tropicale et savane sans changement majeur brutal. Les populations humaines avaient manifestement trouvé un lieu accueillant et stable auquel elles étaient très bien adaptées. En particulier, preuve de cette constance de l’environnement, la diversité des espèces de mollusques terrestres, continuellement relevée dans toutes les strates. Ce type d’espèce ayant besoin pour se développer de conditions humides et ombragées.
« Il est assez rare de trouver un site où les premiers Homo sapiens vivaient dans une forêt tropicale« , a déclaré le Dr Shipton.
« Les premiers humains préféraient les prairies ouvertes où il y a beaucoup de gros mammifères pour la chasse. La population de Panga ya Saidi vivait dans la forêt tropicale en chassant des animaux beaucoup plus petits, comme les singes ou des petits cerfs. Des animaux qui nécessitent la maîtrise d’une technologie plus sophistiquée pour être chassés et attrapés ».
Par ailleurs, si les hommes utilisaient des coquilles pour les tailler, rien n’indique qu’ils pratiquaient une exploitation régulière des ressources marines pour s’alimenter.
De plus, aucune rupture notable de l’occupation humaine ne survient lors de l’éruption volcanique du Toba il y a 74 000 ans, ce qui prouve que l’hiver volcanique n’a pas entraîné la quasi-extinction des populations humaines.
Le Dr. Patrick Roberts indique que “l’occupation dans un environnement mixant forêt tropicale et savane enrichit nos connaissances sur l’adaptation de notre espèce à différents types d’habitats en Afrique».
« Les découvertes de Panga ya Saidi invalident les hypothèses sur l’utilisation des côtes comme une sorte de ‘super autoroute’ qui aurait canalisé les migrations humaines hors d’Afrique, et autour de l’océan Indien« , observe le professeur Michael Petraglia.
C.R
Sources :
ScienceDaily,
78,000-year-old record of Middle and Later stone age innovation in an East African tropical forest.
Ceri Shipton, Patrick Roberts, Will Archer, Simon J. Armitage, Caesar Bita, James Blinkhorn, Colin Courtney-Mustaphi, Alison Crowther, Richard Curtis, Francesco d’ Errico, Katerina Douka, Patrick Faulkner, Huw S. Groucutt, Richard Helm, Andy I. R Herries, Severinus Jembe, Nikos Kourampas, Julia Lee-Thorp, Rob Marchant, Julio Mercader, Africa Pitarch Marti, Mary E. Prendergast, Ben Rowson, Amini Tengeza, Ruth Tibesasa, Tom S. White, Michael D. Petraglia, Nicole Boivin
Nature
Max Planck Institut