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Homo faber
Homo faber
2 millions d’années d’histoire de la pierre taillée, de l’Afrique aux portes de l’Europe.
Exposition temporaire du 10 juillet au 29 novembre 2021
Musée national de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac.
Par Pedro Lima, journaliste scientifique
Jeune conservatrice du patrimoine au Musée national de préhistoire (MNP) des Eyzies, Pauline Rolland se souviendra longtemps de la soirée du 8 juillet 2021, lorsqu’elle a eu le redoutable honneur, doublé d’une grande responsabilité, de retirer de sa valise de transport le crâne et la mandibule de l’individu juvénile appartenant à l’espèce Homo erectus ergaster georgicus, vieux de 1,77 millions d’années et arrivé par avion, ce jour-là, depuis son site d’origine de Dmanissi, en Géorgie. Près de six heures de délicates manipulations plus tard, réalisées en compagnie de la directrice du MNP Nathalie Fourment et des paléoanthropologues Bruno Maureille et Ana Mgeladze, le précieux vestige humain se trouvait en place dans la vitrine du musée où il séjournera jusqu’à la fin du mois de novembre.
Dans le cadre de la remarquable exposition Homo Faber, le public peut ainsi admirer, pour la première fois hors de son pays d’origine, cet inestimable fossile de la lignée humaine. Tout aussi exceptionnelle est la présence dans les vitrines qui l’environnent de dizaines d’outils en pierre originaux, en provenance de Géorgie, du Kenya et d’Éthiopie, qui racontent plus de trois millions d’années d’évolution humaine. Et qui, tout comme le crâne fossile, quittent pour la première fois leurs pays d’origine pour être présentés au public français et européen. L’émotion est donc grande de pouvoir observer et admirer, à portée de regard, des outils d’une valeur scientifique inestimable, généralement connus par des photographies ou des moulages, très longtemps après qu’ils aient été pris en main, façonnés, manipulés et utilisés par des hominines qui vivaient en Afrique et en Eurasie il y a des millions d’années. Cette exposition d’importance, organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand-Palais et le Musée national de Préhistoire (Les Eyzies-de-Tayac) traite en effet des prémisses qui, des premiers pas aux premiers gestes, caractérisent l’histoire de notre lignée. Les premiers outils en pierre, présents aux Eyzies, apparaissent en effet vers 3,3 Ma au Kenya, puis les sites se multiplient à partir de 2,6 Ma en Afrique de l’Est et du Sud… Sans que leurs auteurs, australopithèques, paranthropes ou représentants du genre Homo, soient toujours clairement identifiés. Outil après outil, vitrine après vitrine, on suit ainsi « en direct » l’évolution des techniques qui s’étale sur des périodes très longues. Pendant près de 2 millions d’années, la technologie mise en œuvre pour la fabrication des outils de pierre se diversifie en Afrique autour de l’aménagement ou du débitage de formes simples, galets taillés et éclats tranchants. Le façonnage de la pierre se manifeste plus tardivement, vers 1,7 millions d’années avec les premiers objets bifaciaux, réalisés par la suite avec une maîtrise technique et cognitive toujours grandissante, voire une recherche de symétrie et d’esthétisme qui porte peut-être en germe les balbutiements de l’art, beaucoup plus tardifs. C’est de cette période, autour de -1,8 million d’années, que date la première preuve de la sortie du berceau africain de l’humanité, qui est le fait d’un humain parfaitement bipède, Homo ergaster, pourvu d’un équipement technique qualifié d’oldowayen. Aux portes de l’Europe, le site géorgien de Dmanissi réunit spectaculairement restes de faune témoignant d’une grande biodiveristé environnementale, vestiges anthropologiques et outils taillés dans des roches volcaniques. Il témoigne de l’histoire de l’évolution humaine et de son expansion précoce vers l’Eurasie, l’Espagne et l’archipel Indonésien.
Des premières tentatives jusqu’aux bifaces les plus aboutis de l’Acheuléen, les objets présentés au musée des Eyzies illustrent le contournement de certains obstacles techniques par les premiers tailleurs. Accompagnés de fossiles de faunes associées aux différents outils et issus de sites aussi emblématiques, outre Dmanissi, que Lomekwi, Lokalalei ou Kokiselei (Ouest Turkana, Kenya), les pièces savamment présentées dans les vitrines correspondent aux grandes étapes qui ont conduit à des innovations technologiques majeures : sélection et transport de certaines matières premières lithiques, appréhension des volumes, variété des percussions (lancées ou sur enclume), utilisation de percuteurs durs à plus tendre (bois)… Chaque pierre taillée porte une partie de la réponse à la lancinante question, toujours en partie ouverte : comment et pourquoi, à un certain stade de l’évolution des hominidés, certains d’entre eux ont réalisé la rupture radicale les conduisant à transformer de la matière prélevée dans l’environnement avec une finalité utilitaire. « Homo faber » était alors né, et avec lui l’outil dont les perfectionnements et les complexifications, toujours en cours, ne devaient plus cesser jusqu’à aujourd’hui.
Visite de l’exposition Homo faber
Exposition « Homo faber » en pratique
Exposition « Homo faber » en pratique
du 10 juillet au 29 novembre 2021
Horaires
Juillet et août : de 9h30 à 18h30, ouvert tous les jours.
Septembre : de 9h30 à 18h, fermé le mardi.
Octobre à mai : de 9h30 à 12h30 et de 14h à 17h30, fermé le mardi.
Dernière entrée 45 minutes avant chaque horaire de fermeture
Accès libre à l’exposition temporaire après acquittement du droit d’entrée aux collections permanentes du Musée.
Tarifs
Visite du Musée National de Préhistoire des Eyzies de Tayac:
Plein tarif : 8 € ; tarif réduit : 6,50 € Gratuit pour les moins de 26 ans (ressortissants de l’UE ou en long séjour dans l’UE) et pour tous les publics le premier dimanche du mois. |
Lieu de l’exposition :
Musée National de Préhistoire des Eyzies
1, rue du Musée
24620 Les Eyzies de Tayac
Tél : 05 53 06 45 65
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand-Palais et le Musée national de Préhistoire (Les Eyzies-de-Tayac).
Commissariat :
Jean-Jacques Cleyet-Merle, conservateur général honoraire
Commissariat scientifique :
Jean-Philip Brugal, directeur de recherche au CNRS-INEE, UMR 7269 Laboratoire méditerranéen de Préhistoire,Europe-Afrique (LAMPEA) CNRS,
Ana Mgeladze, chargée de recherche au Muséum national de Géorgie, Professeur Free University of Tbilisi (Georgie)
Pierre-Jean Texier, Directeur de recherche émérite du CNRS, UMR 7269 Laboratoire méditerranéen de Préhistoire,Europe-Afrique (LAMPEA)
Scénographie : Alain Dalis, Atelier Arc&Os
Graphisme : Valérie Feruglio
Institutions prêteuses :
– Musée national de Géorgie, Tbilissi
– Musée national du Kenya, Nairobi
– UMR 5199 PACEA, Université de Bordeaux
Sauf indication contraire, les photos sont copyright Musée national de préhistoire