Pêche à la Préhistoire
On imagine plus souvent une scène de chasse que de pêche à la préhistoire… Or, pour se nourrir, au Paléolithique, l’homme préhistorique devait chasser, cueillir, charogner, ramasser, déterrer et… pêcher. Utilisant l’ensemble des possibilités de son territoire, le paléolithique devait même plus souvent consommer du poisson que du mammouth ou du renne ! Moins dangereuse et plus sûre que la chasse au Paléolithique, la pêche a dû dans certains cas, être même une ressource majeure pour l’homme préhistorique.
La pêche restait donc une vraie source de protéines, aussi qualitative que la faune terrestre et moins compliquée à obtenir, alors, pourquoi s’en priver ?
A droite. Relevé du poisson gravé sur une mandibule de renne – Abri de Laugerie-Basse.
Comment savoir si l’homme pêchait et consommait du poisson ?
La situation des campements et gisements préhistoriques à proximité des rivières et des fleuves démontre l’intérêt du paléolithique pour les ressources d’eau douce. Poissons, crustacés, et coquillages étaient autant d’aliments à disposition, et presque à profusion tout au long de l’année.
L’étude biochimique des restes osseux et dentaires d’un individu permet d’évaluer ses habitudes alimentaires et la proportion de produits d’eau douce (poissons, coquillages, crustacés…) par une analyse isotopique. Pour Olivier Le Gall, « globalement, les résultats obtenus indiquent que la consommation de poissons devient significatives à partir de la seconde moitié du Paléolithique supérieur » (Richard et al., 2001) 1.
« La pêche a permis la survie, l’organisation puis la cohésion sociale. En un mot, si elle a été pour tous une activité de subsistance, elle a surtout représenté un formidable moteur pour le développement de l’intelligence humaine » (Cleyet-Merle, 1990).
Les preuves directes d’une pêche au Paléolithique
Autant le dire tout de suite, les preuves d’utilisation de matériel de pêche ne sont pas très fréquentes : les filets, les lignes et les nasses ne peuvent se conserver plusieurs milliers d’années que dans des conditions extrêmement rares. En revanche, les archéologues ont mis à jours du « petit matériel » en matériaux durs qui a résisté au temps : hameçons, pointes barbelées, foënes… Quelques éléments sont plus difficilement interprétables, comme certains harpons assez épais et qui ne pouvaient pas s’enfoncer dans le corps mou des poissons.
De nombreux sites d’habitat ont délivré des restes de poissons, principalement des vertèbres fossilisées, montrant que l’homme préhistorique consommait régulièrement du poisson, même si le gisement était à plusieurs centaines de mètres de toute rivière. Inexistants au Paléolithique inférieur, des sites avec une ichtyofaune apparaissent au Paléolithique moyen, comme aux Fieux ou à Vaufrey. C’est véritablement au Paléolithique supérieur que les sites et les traces de poissons se multiplient.
Méthodes de pêche à la Préhistoire
Parmi les méthodes recensées pour attraper du poisson, la première devait être manuelle : en glissant simplement sa main sous les rochers et les galets, certains poissons pouvaient être saisis et éjectés sur la berge où ils s’asphyxiaient.
Dans des portions de rivière, l’homme préhistorique pouvait également aménager le cours d’eau avec de simples branchages pour piéger des poissons qui remontaient le courant.
Ces deux première méthodes ne nécessitaient pas de matériel particulier et n’ont, du coup, pas laissé pas de traces.
Le principe de pêche à la nasse ou au filet recquiert quant à lui un certain savoir-faire en terme de tissage. Nul ne doute que nos ancêtres avaient ces capacités, mais malheureusement il n’existe pas de restes de ces fibres naturelles tissées.
Enfin, de la pêche à la ligne on n’a retrouvé que les hameçons dans la stratigraphie de nombreux sites magdaléniens datant de -18 000 ans.
Les harpons ou les foënes attachées au bout d’une lance devaient nécessiter une grande agilité et rapidité pour surprendre et attraper les poissons.
Les harpons de taille importante ont-ils pu servir pour la pêche à la préhistoire ? "... Il en va autrement avec le poisson. D'abord parce qu'il faut percer cette sorte de bouclier que constituent les écailles. Ensuite, parce que dans l'eau, un corps, à moins d'être assez gros, n'oppose pas une masse suffisante pour accuser le coup. Les harpons ne feraient que pousser le poisson plutôt que le percer..." Extrait de Réflexions sur de présumés modes de pêche préhistorique, de René Parent.
Les poissons pêchés et ce qu’ils nous apprennent
Sur l’ensemble des sites étudiés, le poisson le plus fréquemment rencontré est le saumon. Les archéologues indiquent que cela est peut-être tout simplement dû au fait que ce poisson a des os plus épais que les autres espèces. Ceci permettrait une plus grande facilité pour repérer ces ossements dans un gisement, mais aussi leur meilleure conservation. Pour les préhistoriens Brigitte et Gilles Delluc, c’est peut-être également préférentiellement la forte teneur en graisse du saumon qui a attiré les pêcheurs préhistoriques.
Toutefois d’autres espèces ont été mises à jour, parmi lesquelles on peut citer l’ombre, la truite, la vandoise, l’anguille, le brochet, les cyprinidés, les daurades… L’étude des restes (vertèbres, écailles, arêtes…) peuvent également renseigner sur le mode de vie des pêcheurs : la saison pendant laquelle le poisson a été pêché, son âge (micro-chronologie), etc.
Une fois attrapé, il est probable que le poisson était séché ou fumé pour faciliter sa conservation, toutefois les indices de ces procédés restent ténues et non vérifiables.
Les poissons dans l’art préhistorique
Dans l’ensemble de l’art pariétal, la faune terrestre est beaucoup plus souvent représentée que les animaux aquatiques. Mais à l’inverse des mammifères, les poissons peints ou gravés sont ceux qui étaient réellement pêchés et consommés.
L’abri du poisson a failli perdre son superbe brochet gravé quand un antiquaire suisse a cherché à le détacher de la paroi.
Dans la grotte de Niaux, une truite a été gravée et modelée dans l’argile… Fragile, elle a traversé le temps et est arrivée à notre époque en parfait état.
A Pech Merle, un brochet est représenté au-dessus de l’un des chevaux ponctués. Il a été réalisé avant la fresque équine et il n’y a pas eu de tentative d’effacement : il s’est intégré dans le décor…
Le préhistorien Jean-Jacques Cleyet Merle estime à une centaine le nombre de pièces d’art mobilier figurant un ou plusieurs poissons.
Parmi les plus célèbres on peut citer les objets découverts à Lortet : un contour découpé de poisson et une gravure de saumons sur bois de renne. Le site de Laugerie-Basse a également permis de découvrir des œuvres majeures, comme celle intitulées « Les pêcheurs » dont l’interprétation reste toutefois controversée. A Lespugue, dans la Grotte des bœufs, un magnifique contour découpé en forme de sole a été identifié.
Le galet gravé de la Baume Bonne est souvent cité comme preuve de pêche mais les figures qui le composent sont très difficiles à interpréter.
« Les préhistoriques, qui ignoraient certainement toute contrainte en cette matière, étaient surtout des piégeurs et des chasseurs de poissons, plutôt que des pêcheurs. » Réflexions sur de présumés modes de pêche préhistorique, par René Parent.
http://geoltheque.obs-mip.fr/arretsortie/le-panneau-des-chevaux-ponctues/ – Grotte du Pech-Merle
Sources :
Archéo-ichtyologie et pêches préhistoriques, Le Gal CNRS.
Réflexions sur de présumés modes de pêche préhistoriques, René Parent
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/08/65/67/PDF/CostaLarou2004.pdf
Bertrand Roussel