Le propulseur
Une invention humaine qui va révolutionner les pratiques de chasse au Paléolithique. Le propulseur de la préhistoire est une arme de jet redoutable permettant de chasser à distance de l’animal.
La chasse à distance
Une invention humaine très complexe qui va totalement changer les pratiques de chasse. Avec le propulseur, l’homme va pouvoir se tenir à distance de sa proie, tout en gardant une force de projection et une précision comparable à celles obtenues à seulement 2 ou 3 mètres de l’animal. De plus, avec un propulseur, la vitesse du projectile est multipliée par 3 par rapport à un lancer à la main.
Le propulseur était utilisé avec un projectile long, composé d’une sagaie (de minimum 1 mètre) qui pouvait être prolongée d’une pointe en silex. Aucune sagaie n’ayant été retrouvée complète, les archéologues ont seulement pu reconstituer l’objet à partir de restes épars et de l’utilisation actuelle des propulseurs.
Description du propulseur
Le propulseur est donc une véritable arme de jet permettant de projeter à de longues distances des lances ou des sagaies.
De manière globale, le propulseur est une baguette de 30 à 50 cm. On peut distinguer 3 parties principales :
– la partie distale, qui correspond à l’extrémité munie d’un système d’accroche (crochet, gouttière…). Cette partie maîtresse était réalisée en bois de renne (ramure) et souvent richement sculptée. C’est généralement cette partie, facile à identifier, qui a été retrouvée.
– la partie proximale, à l’autre extrémité, qui sert à tenir le propulseur lors du tir, était parfois munie d’un trou.
– la partie médiale, qui relie les précédentes, était parfois gravée, parfois vierge de toute inscription.
Les parties proximales et médiales, qui formaient le manche du propulseur, devaient être réalisées en bois végétal, car elles n’ont pas été retrouvée. Seuls les propulseurs entièrement réalisés en bois de renne (rarement en ivoire ou en os) ont pu être retrouvés complets (voir le propulseur de Gourdan).
On suppose que les paléolithiques fabriquaient des propulseurs entièrement en bois végétal mais ces derniers n’ont laissé aucune trace.
Utilisation du propulseur
Le chasseur positionne son projectile sur le propulseur en le calant sur le dispositif d’accroche. Il positionne en arrière le bras qui tient le dispositif.
Il projette ensuite son bras en lâchant à mi-course le projectile.
Le propulseur agit comme un bras de levier : il prolonge artificiellement le bras du chasseur. La force est donc appliquée à l’extrémité de la sagaie et non au milieu, ce qui évite les frottements (ralentisseurs) et accélère par 3 la vitesse imprimée au projectile.
De manière globale, l’utilisation d’un propulseur permet d’améliorer la puissance d’impact et la pénétration dans le corps de la proie, mais elle est également une source de meilleure précision au tir. Si le propulseur permet de projeter une sagaie à plus de 90 mètres, la distance pour garder une bonne précision est de 20 à 30 mètres maximum.
Différents types de propulseurs
Selon la partie du propulseur qui accroche le projectile (distale) les chercheurs ont déterminé plusieurs types (classification de G. Montandon adoptée par P. Cattelain).
– le propulseur mâle présente un appendice en forme de crochet qui va s’encastrer dans le talon du projectile (sagaie, flèche…). C’est le cas le plus fréquent.
– le propulseur femelle montre une longue excavation en forme de gouttière qui sert de guide pour maintenir le projectile,
– le propulseur dit androgyne est une solution qui double le dispositif de type mâle par une gouttière de type femelle. Seuls quelques exemplaires ont été retrouvés (Laugerie-Basse).
On a également découvert (Grotte du placard par exemple) des propulseurs trop petits (et non cassés !) pour pouvoir être utilisés tels quels. Ces « crochets de propulseurs » devaient être « rallongés » pour obtenir un effet de levier. Des stries, ou une base biseautée, indiquent que ces crochets étaient emmanchés sur un autre support.
Le propulseur, objet d’art mobilier
En dehors des caractéristiques techniques des propulseurs il faut noter la grande diversité qui existe selon le degré de sculpture (en ronde bosse, bas-relief) ou de gravure effectuée sur l’arme. On va ainsi du simple propulseur pas du tout décoré à de véritables petits chefs-d’œuvre artistiques (le faon), en passant par les objets décorés uniquement sur le corps de l’arme.
On peut supposer que les propulseurs peu ou pas décorés étaient des instruments utilisés régulièrement, alors que les propulseurs très travaillés servaient plus d’apparat. Sur ce dernier point, tous les spécialistes ne sont pas d’accord.
Les propulseurs les plus décorés ont, au niveau du crochet, une véritable sculpture en ronde-bosse dont la forme a été déterminée par le support d’origine.
Pour Marylène Patou-Mathis et Patrick Paillet « Sur les 120 propulseurs identifiés, quarante-deux de type mâle sont ornées d’une tête ou d’un avant-train d’animal dont la figuration s’intègre à la forme générale de l’objet. Le décor animal est généralement sculptée en bas-relief (oreille et cornes détachées en leger relief exhaussé) et parfois complété par un décor non figuratif gravé (croisillons, points, traits)… Cinquante-deux propulseurs mâles présentent une ornementation sculptée en ronde bosse (Mas d’Azil, Enlène, Saint-Michel, Isturtiz…).
Une production limitée dans le temps et géographiquement
On a retrouvé un peu plus de cent propulseurs dans les gisements préhistoriques. C’est à la fois beaucoup et peu par rapport aux autres armes retrouvées (les pointes par exemples).
La majorité se trouve en France, dans la région des Pyrénées et en Périgord.
Quelques rares exemplaires proviennent de sites suisses (grotte de Kesslerloch), allemands (Teufelsbücke) et espagnols (El Castillo).
Le plus ancien propulseur
Si la majorité des propulseurs sont datés du Magdalénien moyen (jusqu’à – 12 500 ans BP) on suppose que cette nouvelle technologie a pu apparaître au Solutréen supérieur (il y a – 17 500 ans).
Le plus ancien propulseur est actuellement ceui qui a été découvert à Combe-Saunière par Jean-Michel Geneste, en 1986. Il était dans une couche archéologique datée entre – 17 et – 19 000 ans BP. Les propulseurs trouvés en 1878 dans le gisement du Placard par A. de Maret ne peuvent pas être datés avec certitude, mais ils font certainement partie des propulseurs les plus vieux.
Le propulseur aujourd’hui
De nos jours le propulseur, ou son principe, est encore utilisé par des chasseur australiens et dans quelques populations d’Amérique du Sud. En Europe, on assiste à un regain d’intérêt pour ce type d’activité qui est considéré comme un sport par des mordus du propulseur.
Des championnats de tir au propulseur sont organisés en France et en Europe sur plusieurs sites préhistoriques. Les joueurs, passionnés, ont généralement fabriqué leur propre propulseur et, lors des rencontres estivales, ils peuvent se mesurer entre eux. Sans être compliqué à utiliser il est évident qu’un apprentissage est nécessaire pour arriver à toucher le centre de la cible.
CR
Sources principales du dossier
La préhistoire – Histoire et dictionnaire – Denis Vialou
Art et civilisations des chasseurs de la préhistoire
Outils préhistoriques – Jean-Luc Piel-Desruisseaux
Propulseurs magdaléniens : marqueurs culturels régionaux – Pierre Cattelain
Bertrand Roussel