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En Indonésie, une peinture de sanglier a été datée de 45 500 ans !
En Indonésie, une peinture de sanglier a été datée de 45 500 ans !
Selon cette datation cela ferait de ce sanglier des Célèbes la plus ancienne peinture pariétale dans le monde.
Les découvertes et datations dans la grotte de Leang Tedongnge, à Sulawesi, s’enchaînent depuis 2014. Cette île indonésienne a déjà délivré des peintures dont une exceptionnelle scène de chasse préhistorique présentant des anthropomorphes encerclant une sorte de buffle nain (anos). Cette peinture a été datée de – 40 000 ans.
Au total, plus de 242 grottes ont été dénombrées dans la région de Maros. Les artistes ont été prolixes et certaines peintures sont connues depuis 1906 dans les grottes et abris sous roche. Les animaux représentés sont pour la plupart endémiques et peuvent valider l’ancienneté et la véracité des peintures. Cette faune présente des babiroussas (sortes de cochons sauvages), des anos (bovidés nains), et maintenant des sangliers des Célèbes (Sus celebensis).
La nouvelle étude a été présentée par une équipe internationale d’archéologues dont Adam Brumm (Centre de recherche Australien de l’Evolution Humaine de l’Université Griffith.). Elle a été publiée le 13 janvier dans la revue Science Advances.
Sur l’ile de Sulawasi, le sanglier des Célèbes est une proie…
C’est en décembre 2017 que Brumm et ses collègues ont découvert plusieurs peintures de sangliers dans la grotte de Leang Tedongnge. L’espèce à laquelle ils appartenaient a pu être identifiée grâce à leurs excroissances faciales ainsi qu’à la crête de poils située sur la tête de l’animal : ce sont des sangliers des Célèbes (Sus celebensis) encore présents sur l’île, ou du moins ses descendants ! La bête est sauvage mais elle a été domestiquée dans le passé. Elle pouvait mesurer jusqu’à 1,10 mètre de long et peser jusqu’à 85 kilogrammes.
Parmi les représentations de sangliers, la peinture la mieux conservée est la plus ancienne. C’est un gros suidé – mesurant environ 1,36 mètre de longueur sur 54 centimètres de hauteur. Au-dessus de sa croupe, deux mains négatives ont été réalisées « au pochoir ». En face de lui d’autres petits suidés sont positionnés mais malheureusement moins bien conservés. Il y avait probablement une interaction entre ces animaux dont le sens nous échappe actuellement.
« Les humains ont chassé les porcs verruqueux de Sulawesi pendant des dizaines de milliers d’années« , a déclaré le Doctorant Basran Burhan (étudiant au Centre de recherche Australien de l’Evolution Humaine de l’Université Griffith).
Il rajoute « Ces sangliers sont les animaux les plus souvent représentés dans l’art pariétal de l’ère glaciaire de l’île. Cela suggère qu’ils ont longtemps été appréciés à la fois comme nourriture et comme un centre de pensée créative et d’expression artistique. »
Le sanglier des Célèbes représente à lui seul plus de 80% du bestiaire des représentations sur l’île de Sulawesi.
Selon les chercheurs, les chasseurs étaient probablement des Homo sapiens. Mais sans éléments tangibles, et avec l’aide de la paléogénétique, ils vont tenter de retrouver de l’ADN dans les crachats de pigments autour des mains négatives. Si cet ADN s’est bien conservé il sera possible d’identifier l’espèce qui a réalisé les peintures : Homo sapiens, Dénisoviens ou… nouvelle espèce ?
Des datations Uranium-Thorium souvent contestées
Pour dater ces représentations pariétales, l’équipe a échantillonné quelques fragments de la calcite qui s’est déposée au fil du temps sur les représentations de sangliers. La méthode de datation Uranium-Thorium mesure la désintégration radioactive de l’Uranium en Thorium. En comparant le rapport entre les deux éléments on peut déterminer depuis quand la calcite s’est déposée.
Cette technique a révélé que le suidé au plafond de Leang Balangajia 1 datait d’au moins 32 000 ans alors que le sanglier verruqueux de Leang Tedongnge avait au moins 45 500 ans. C’est donc ce dernier qui devient la plus ancienne représentation animale de l’art pariétal.
Pour Adam Brumm, cette datation apporte des preuves de l’antériorité de l’art pariétal indonésien. Il indique même que « les premières traditions d’art pariétal ne sont probablement pas apparues pendant l’ère glaciaire en Europe comme on l’a longtemps supposé ».
Cette affirmation a généré plusieurs commentaires, comme ceux du professeur David Pearce (Université du Witwatersrand Afrique du Sud). Il indique que les chercheurs ont eu un certain nombre de difficultés techniques avec la datation Uranium-Thorium, qu’ils reconnaissent par ailleurs, et qu’ils ont fait des estimations approximatives des dates. Il rajoute : « Il est important de se rappeler que ce sont des âges relatifs … et non des datations directes sur les peintures elles-mêmes« .
Les problèmes de datation ont également été reportés par le professeur João Zilhão (ICREA, Université de Barcelone), qui n’a pas participé à l’étude. Mais «ce que cet article fait, c’est de corroborer les découvertes précédentes selon laquelle des peintures rupestres étaient réalisées en Indonésie il y a plus de 43 900 ans».
Cette nouvelle polémique, bien dans l’air du temps, n’est pas sans rappeler la datation des peintures des grottes espagnoles en 2018 qui, utilisant les mêmes méthodes de datation Uranium-Thorium ont été estimées à – 65 000 ans.
C.R.
Sources :
Oldest cave art found in Sulawesi
SciencesAdvances
France 24
LiveScience
Geo
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