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Grotte de la Baume Bonne
Grotte de la Baume Bonne
Quinson
Grotte des faux-monnayeurs
Situation
Située sur la commune de Quinson, à environ une heure de marche du Musée de Préhistoire des gorges du Verdon, la grotte de la Baume Bonne est une des nombreuses cavités qui s’ouvrent dans les basses gorges du Verdon. C’est donc un parcours sinueux et escarpé qui mène le randonneur vers cette cavité. Exposée plein sud (pour bénéficier de la chaleur naturelle dans un climat à la limite entre types alpin et méditerranéen), à proximité de la rivière (source d’eau et de matières premières), à l’abri des vents, dominant la plaine toute proche (bonne visibilité du terrain de chasse) la Baume Bonne présentait une situation idéale pour les campements des groupes humains du Paléolithique. Ceux-ci ont commencé à occuper le site il y a environ 400 000 ans, d’après les fouilles archéologiques.
Description
La Baume Bonne se trouve à une altitude de 410 mètres au-dessus du niveau de la mer et à 50 mètres au-dessus du lit naturel du Verdon. Depuis la construction du barrage de Quinson, le site n’est qu’à une dizaine de mètres au dessus du niveau de l’eau. La cavité est composée de trois parties. C’est d’abord un vaste abri sous roche de 15 mètres de long, largement ouvert vers le sud, qui s’offre aux yeux du promeneur. Cet abri se prolonge, dans la même direction est-ouest, par un large couloir de près de 20 mètres de long, qui aboutit à la grotte proprement dite ; l’axe de l’abri et celui de la grotte font un angle d’environ 60°. Cette grotte elle-même comprend un couloir comparable au précédent se terminant par une grande salle en forme de cloche, dont le plafond culmine à une hauteur de plus de 20 mètres.
Fouilles
Les découvertes réalisées dans la grotte démontrent que depuis les temps paléolithiques jusqu’à la période historique la grotte de la Baume Bonne a été utilisée régulièrement ou de manière sporadique y compris au Néolithique et durant la Protohistoire. En 1885, par exemple, elle était déjà connue des ouvriers, qui construisaient le tout premier barrage à proximité, sous le nom de grotte des faux-monnayeurs. Elle a fait l’objet des premiers travaux scientifiques en 1946.
– De 1946 à 1956 les premières fouilles sont réalisées par Bernard et Bertrand Bottet. Les deux chercheurs publient les premières descriptions de la stratigraphie et des industries lithiques (Bottet 1946, 1956 ; Bottet et Bottet 1947).
– De 1957 à 1967, les fouilles prennent une nouvelle dimension sous la direction du professeur Henry de Lumley. Profitant de techniques plus récentes, les objets archéologiques sont coordonnés systématiquement, la stratigraphie et les séquences culturelles sont totalement revues et améliorées (Lumley-Woodyear 1969, Miskovsky 1974).
– De 1988 à 1998, de nouvelles campagnes de fouilles sont organisées sous la direction de Jean Gagnepain et Claire Gaillard, avec l’objectif de mettre à jour les connaissances sur le gisement : problématiques stratigraphiques, fouilles de coupes témoins, prélèvements géologiques et enfin, datations radiométriques. (Gagnepain et Gaillard 1996, 1997, 2005).
De manière simultanée, la chronologie culturelle du site a été complètement réexaminée (Bouajaja 1992, Hong 1993, Meckuria 2003, Zhang 2001, Gagnepain et Gaillard 2005, Notter 2007).
La stratigraphie
Le gisement est remarquable par la longue séquence stratigraphique, découpée en 8 ensembles, qui comprend principalement l’évolution du Paléolithique moyen ancien (ou Acheuléen à rare biface), mais également du Moustérien, du Paléolithique supérieur (Gravettien et épi-gravettien ?), du Néolithique ancien (Cardial) ; les occupations postérieures sont remaniées. Le site est à lui seul un véritable livre ouvert sur 400 000 ans de préhistoire !
Dans les niveaux inférieurs (les plus anciens) on peut noter une absence presque totale de restes de faune. C’est l’une des particularités de la grotte de la Baume Bonne : les ossements et les éléments carbonatés ont été dissous sous l’action de l’eau et peut-être aussi du guano des chauves-souris présentes dans la grotte. Cette dissolution a libéré de grandes quantités de phosphates qui ont donné des couleurs variées aux sédiments…
Ensemble I (fin du Tertiaire)
Ces niveaux se situent dans un puits naturel à l’ouest de l’abri-sous-roche, c’est la partie la plus ancienne, ils sont estimés à plus de 5 millions d’années (Miocène final), bien avant l’apparition de l’Homme. A cette époque la rivière était au même niveau que la grotte. Elle y a déposé du sable où l’on retrouve principalement des restes de faune tels qu’amphibiens, reptiles, poissons…
Ensemble II et III (stades isotopiques 10 à 8)
Il y a environ 400 000 ans, des Homo erectus de type européen (Homo heidelbergensis) s’installent dans la grotte et y abandonnent des outils en pierre, dont quelques galets aménagés et bifaces ; ce sont les principales preuves de leur passage.
A partir de – 350 000 ans, les traces de combustion mises en évidence par les chercheurs (charbons de bois, silex brûlés) indiquent que les hominidés ont acquis la maîtrise du feu. Parmi leurs outils en pierre, les bifaces sont moins rares et accompagnés de racloirs, denticulés, encoches, de quelques pointes de Quinson, etc. Les restes de repas sont représentés par les rares ossements qui ont échappé à la dissolution : os et dents de cheval, bouquetin et bovidé. Ces premiers hommes ont aménagé les lieux en étalant des galets sur le sol pour se protéger de l’humidité…
50 000 ans plus tard, les occupants de la grotte commencent à tailler les éclats qui leur servent d’outils selon la méthode de débitage Levallois.
Ensemble IV (stades isotopiques 7 et 6)
La stratigraphie, entre 200 000 et 150 000 ans, livre des outils un peu plus standardisés, taillés selon diverses méthodes dont la méthode Levallois et la méthode discoïde. On retrouve encore quelques pointes de Quinson ainsi que les derniers bifaces dans la partie la plus ancienne. Côté faune les ossements correspondent aux mêmes espèces (cheval, bouquetins, boeuf) auxquelles se rajoutent le cerf et le chamois.
Ensemble V (stade isotopique 5e)
Il y a 128 000 ans, un plancher stalagmitique a recouvert et scellé une partie de la stratigraphie qui se trouve en dessous. Il a été partiellement érodé par d’importants ruissellements qui ont également emportés une partie des sédiments anciens.
Couche M (stade isotopique 4)
On y trouve des outils typiquement moustériens, comme des pointes moustériennes, et une production d’éclats issus du débitage Levallois. Ce matériel est certainement l’œuvre de l’Homme de Néandertal (Homo neandertalensis) même si aucun ossement humain n’a été retrouvé pour en attester. La faune est particulièrement intéressante en raison de restes d’ours des cavernes (un vieil individu sans doute mort en hibernation), à côté de chevaux, de cerfs ou encore de bouquetins. Cette couche est couverte de blocs et de pierres inclus dans des limons, indiquant que la cavité a dû subir des éboulements et qu’elle a été ravinée par des écoulements d’eau. Les sédiments se sont accumulés dans une période comprise entre 60 et 70 000 ans.
Couche L (stade isotopique 2 et 1)
Cette partie a été fortement remaniée et les dépôts ne sont plus en place. C’est dans cette partie que l’on a retrouvé des outils du Paléolithique supérieur, attribués à l’homme de Cro-Magnon (Homo sapiens).
Couche 1 (stade isotopique 1)
Le dernier niveau en place correspond à la période ancienne du Néolithique où des populations humaines ont occupé la cavité il y a environ 8 000 ans.
Les découvertes dans la grotte de la Baume Bonne
Sur l’ensemble du gisement les chercheurs ont extrait plus de 64 000 pièces d’industrie lithique. Les 3/4 des pièces sont réalisées en silex et 1/4 en chaille ; la plupart de ces roches sont présentes dans les alluvions du Verdon. Les outils les plus caractéristiques de ce site sont quelques choppers, dans les strates les plus anciennes, et de rares bifaces à côté de nombreux racloirs. Les méthodes de débitage sont surtout opportunistes dans les niveaux inférieurs ; le débitage discoïde se développe progressivement ; le débitage Levallois reste très discret jusqu’à la couche M où il est prédominant.
145 pointes de Quinson
Pourquoi cet outil devait être identifié à part ?
Jusqu’en 1960 la pointe de Quinson ne correspondait à aucun type d’outil en pierre déjà décrit par les préhistoriens. Par ailleurs le nombre important de Pointes de Quinson sur le site de la Baume Bonne ainsi que leur localisation dans des strates bien spécifiques justifiait que cet outil particulier soit répertorié spécifiquement. Pour les spécialistes de la taille, cet outil est décrit comme une « pointe triédrique à retouches unifaces bilatérales ».
Photo à droite Les pointes de Quinson ont été retrouvées dans les Ensembles stratigraphiques II-III et IV-inférieur, soit sur une période de 350 à 180 000 ans.
Des humanités…
Même si la grotte de la Baume Bonne n’a pas fourni d’ossement humain, les traces laissées par les occupants de la grotte et la chronologie proposée grâce aux datations radiométriques permettent d’établir la liste des types humains qui se sont succédé sur le site. Les plus anciens sont les anténéandertaliens (Homo erectus européen, Homo ergaster ou Homo heidelbergensis) qui avaient pavé leur sol de pierres de grès et des galets pour « aménager » leur habitat. Ce sont eux également qui ont laissé des charbons de bois, preuve probable de l’existence de foyers…
Silex taillés du Moustérien et ossements d’animaux chassés montrent le passage de l’Homme de Néandertal à la Baume Bonne comme dans d’autres sites de la région (Grotte de Sainte Maxime, Abri Breuil, Grotte Murée…).
Pour finir, l’Homme de Cro-Magnon a abandonné des lamelles et des pointes de sagaie, preuves de l’installation de campements sur le site.
C.R.
Photos : Hors images avec auteur mentionné sur la page, les photos sont copyright Neekoo et Kroko pour Hominides.com.
Sources
Exposition : La pointe de Quinson – Un outil préhistorique d’ici et d’ailleurs, Musée de Préhistoire des gorges du Verdon, du 2 février au 3 mai 2015
Catalogue de l’exposition : Notter O., Gaillard C. et al. (2015). La pointe de Quinson, un outil préhistorique d’ici et d’ailleurs. Quinson, Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon ; Conseil Général des Alpes de Haute-Provence. 100 p
Type | Techniques employées | Périodes | Occupations | Restes Humains |
Grotte calcaire | Levallois Moustéreien | Pléistocène moyen et supérieur ; Holocène | Multiples et successives de – 400 000 à la période historique | Rares ossements remaniés d’Hommes modernes |
Dimensions | Nombre de représentations | (voûte et blocs gravés) | Outils / Artefacts | |
32 x 25 mètres | non | 64 000 objets taillés 85 Bifaces 145 Pointes de Quinson | ||
Localisation | Accessibilité | Date découverte | Particularités | |
Quinson, Alpes de Haute-Provence, France | Pour tous mais chemin de randonnée escarpé | 1946 | Dallage de galets Apparition du feu Apparition du débitage Levallois |
Hominides.com remercie Olivier Notter et Claire Gaillard qui ont bien voulu revoir et corriger cette page et Isabelle Dubset (Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon) pour les documents et illustrations fournis.