Accueil / Accueil – articles / Chasseurs-pêcheurs, il y a 12 000 ans, en Californie
Chasseurs-pêcheurs, il y a 12 000 ans, en Californie
Les restes d’animaux associés aux armes montrent la grande diversité de proies chassées, à la préhistoire : phoque, oies, coquillages, cormorans…
Relatée dans la revue Science, la découverte, dans les îles Chanel, au large de la Californie, d’armes de chasse vieilles d’environ 12 000 ans accompagnées de restes d’animaux marins, atteste de la présence, au Paléolithique supérieur, d’une population côtière très spécialisée.
La découverte
Une équipe de 15 membres dirigée par Jon Erlandson, professeur d’anthropologie à l’Université de l’Oregon et Torben C. Rick, archéologue à la Smithsonian Institution, vient de découvrir, sur trois sites des Channel Islands (ou îles du Détroit), en Californie, des pointes de projectiles emmanchées, des outils de silex et des restes d’animaux marins datant de 12 200 à 11 400 BP. Au total, des milliers d’objets.
Des artefacts étonnants
« Les pointes que nous avons là sont extraordinaires, la finition en est incroyable. Elles sont ultra minces, dentelées et ont des barbelures incroyables. C’est une technologie de taille de la pierre très sophistiquée », dit le Pr Erlandson. À propos de « croissants » de pierre figurant au nombre des vestiges, il explique : « Nous pensons que ces croissants étaient utilisés comme pointes de projectiles ‘transversales’, sans doute pour chasser les oiseaux en vol. Fixé à une hampe, ce large embout de pierre devait être le ‘fusil de chasse’ de l’âge de pierre ». En termes de dimensions, les armes trouvées vont de la plus petite à la plus grande, indices d’une chasse visant une grande variété d’animaux.
Une économie maritime diversifiée
Les artéfacts sont associés à des restes de coquillages, de phoques, d’oies, de cormorans et de poissons. Certains des projectiles sont si délicats qu’ils n’ont probablement pu servir qu’à chasser sur l’eau. Les trois sites d’où ils proviennent se trouvent sur les îles Santa Rosa et San Miguel qui, à la fin du Pléistocène, n’en formaient qu’une. Depuis, la mer, ayant monté de 50 à 60 m, a inondé les rives et les plaines côtières – masquant peut-être des traces d’occupation plus anciennes encore. L’équipe a donc dû orienter ses recherches sur les sites attractifs des hautes terres : grottes et affleurements de silex.
« Certaines des implications paléo-écologiques sont également très importantes. Ces sites montrent des stratégies distinctes très précoces de subsistance côtière et insulaire, y compris la collecte d’ormeaux rouges, d’autres coquillages et de poissons, inféodés aux forêts de kelp (plantes marines), mais aussi l’exploitation des grands pinnipèdes (phoques) et des oiseaux aquatiques », précise Torben Rick.
« Ce sont parmi les plus anciennes preuves d’une adaptation à une vie maritime dans les Amériques. C’est une autre extension de la diversité des économies des paléo-indiens », résume Erlandson.
Une identité floue ?
Ces armes sont très différentes des pointes cannelées caractéristiques de la culture paléo-américaine de Clovis (faites pour chasser le gros gibier sur la terre ferme), et se rapprochent d’avantage d’artéfacts trouvés dans les niveaux pré-Clovis des grottes de Paisley, dans l’est de l’Oregon. En revanche, elles sont largement similaires aux pointes emmanchées trouvées sur des sites de la région Pacifique, du Japon à l’Amérique du Sud, évoquant « l’autoroute du kelp » proposée par le Pr Erlandson il y a quelques années : une théorie selon laquelle, au Pléistocène supérieur, des populations migrantes auraient pu emprunter un itinéraire passant par le Japon, le Kamtchatka, la côte sud de la Béringie et de l’Alaska, puis, vers le sud, jusqu’à la côte nord-ouest de la Californie, suivant les forêts de kelp riches en phoques, poissons et crustacés.
Un recul dans le temps
« Des centaines de ce genre d’artéfacts ont été trouvés sur ces îles au fil des ans, mais rarement dans un contexte stratifié. Ils sont souvent considérés comme ayant entre 8 000 et 10 000 ans, en Californie, mais nous avons maintenant ces outils de 11 000 à 12 000 ans », dit Erlandson.
Le prochain défi, selon les auteurs, sera de trouver des sites archéologiques encore plus anciens sur les Chanel Islands, susceptibles de confirmer une migration ayant contribué au peuplement initial des Amériques, 2 à 3 000 ans plus tôt encore, comme on le pense aujourd’hui.
C.R.
Sources :
Smithsonian Science,
Science Daily
Autres articles sur la chasse préhistorique
La chasse à la préhistoire
La pêche à la préhistoire
2011 Les premiers hameçons de haute mer il y a 42 000 ans au Timor oriental
2011 Chasseurs-cueilleurs il y a 12 000 ans en Californie
2012 Des pointes de lances anciennes de 500 000 ans en Afrique du Sud
2012 Schöningen, le site aux javelots vieux de 300 000 ans
2015 Pêche au saumon en Alaska il y a 11 500 ans
2020 Un baton de chasse daté de 300 000 ans à Schöningen
2020 Des flèches au Sri Lanka il y a 48 000 ans
Des articles sur le peuplement des Amériques
Colonisation du continent américain, un déploiement en deux temps (2005)
Homme de Denisova, un nouvel hominidé en Sibérie il y a 40 000 ans ? (2010)
Inuk, un groënlandais qui appartenait aux premières tribus qui ont conquis les Amériques (2010)
Des chasseurs pêcheurs il y a 12 000 ans en Californie (2011)
Présence humaine au Texas il y a 15 000 ans (2011)