La musique dans la préhistoire
Les origines de la musique préhistorique, premiers instruments de musique
Musique et instruments de la Préhistoire
Comme les premières manifestations artistiques de l’art pariétal la musique dans la Préhistoire est un type d’expression qui nous interpelle. Nous y voyons les premiers êtres humains s’exprimer de manière gratuite et sans obligation, de manière « culturelle ». Contrairement à la fabrication d’outils ou d’habitats nécessaires à la survie, l’art sous toutes ses formes est en effet un comportement, une culture, qui rend ces hominidés plus proches de nous, plus humains…
Les origines de la musique
La musique comme la mélodie ne laissent pas de trace… c’est une évidence ! Au mieux ce sont les instruments ayant produit des sons qui peuvent nous parvenir. La majorité des rares études sur le sujet imaginent, en se basant sur l’activité de peuples encore isolés, que les premières « mélodies » ont été produites tout simplement par la voix mais également avec le corps. Un rythme peut en effet être simplement mis en place en tapant dans ses mains ou sur une autre partie du corps. De façon un peu plus élaborée l’homme peut également utiliser son environnement, comme par exemple en tapant des objets les uns contre les autres (bois, pierre, tronc d’arbre, parois de grotte…). De surcroît, il peut aussi construire ou modifier un élément naturel dans le but de produire des sons et donc de la musique. Au final, seuls ces derniers objets, véritablement façonnés, peuvent nous fournir des renseignements.
« Il faut bien considérer que n’ont subsisté que les témoins résistant archéologiquement, ce qui donne nécessairement une image restreinte de ce type d’objet et élimine des instruments qui normalement devaient accompagner ceux reconnus, comme par exemple les percussions utilisant la peau tendue, le cor fait d’une corne d’auroch, de bison, de bouquetin, trompette d’écorce de bouleau, etc.. » Extrait de Homo musicus palaeolithicus et Palaeoacustica de Michel Dauvois (Institut de Paléontologie Humaine, Instituto Italiano di Paleontologia Umana, Roma.)
A droite, flûte de Divje Babe en Slovénie
Le plus vieil instrument de musique identifié…
En septembre 2008, dans la grotte de Hohle Fels (dans le jura Souabe en Allemagne) ont été découverts les fragments d’une flûte en os de vautour. Elle mesure 22 cm et comporte cinq trous. Elle est datée (par la méthode du Carbone 14) de plus de 35 000 ans !
« C’est sans ambigüité le plus vieil instrument de musique dans le monde ! » a déclaré l’archéologue Nicholas Conard lors de la publication de la découverte dans la revue Nature (en juin 2009).
Trois flûtes ont en fait été mises à jour par les chercheurs. La seconde est en ivoire de mammouth et la dernière en os de cygne.
Les instruments de musique dans la Préhistoire
Devant une découverte archéologique de ce type il n’est pas forcément simple de déterminer l’utilisation musicale d’origine. Si la manipulation d’une flûte reste assez compréhensible, l’utilisation d’une rhombe, par exemple, peut paraître étonnante. Et pourtant, dans ce dernier cas, c’est l’usage d’objets identiques par des tribus aborigènes actuelles qui a permis d’en comprendre le maniement.
Par ailleurs il paraît important d’essayer de comprendre si l’objet a été modifié par l’homme, ou bien si ce dernier a simplement utilisé un élément naturel pour produire des sons… Pour certains artéfacts comme les sifflets le débat n’est toujours pas clos.
En 2021 un coquillage trouvé en 1931 dans la grotte de Marsoulas a bénéficié d’une nouvelle étude qui a permis d’identifier un instrument de musique à vent : une conque musicale. Il est probable que les magdaléniens soufflaient dans l’orifice pour produire des sons. La conque musicale de Marsoulas, il y a 18 000 ans.
Les rhombes
Le rhombe est une pièce d’os ou de bois ovaloïde allongée qui présente un trou à l’une de ses extrémités. Cet orifice permet de passer un lien. Pour l’utiliser (en se basant sur les pratiques actuelles), on fait tournoyer l’objet comme une fronde au bout d’une corde. Il s’en dégage un sifflement (ou vrombissement) assez mélodieux.
Les flûtes
Les flûtes sont généralement réalisées avec un morceau d’os creux dans lequel plusieurs orifices ont été percés. En soufflant dans l’un des bouts et en obturant successivement les petits orifices on obtient des sons comparables à nos flûtes actuelles. C’est le seul « instrument » qui permet de jouer plusieurs notes.
La « flûte » de Divje Babe fait l’objet de nombreuses discussions et études. Si pour son inventeur Ivan Turk les orifices ont été façonnés par un humain, d’autres chercheurs comme Francesco d’Errico pensent que c’est un carnivore qui a croqué dans l’os. La présence et la régularité de 4 trous (2 entiers et 2 partiels) « en ligne » est un argument de poids pour la version de façonnage humain.
Les sifflets ou phalanges sifflantes
Les sifflets que l’on présente comme des instruments de musique n’en sont pas à proprement parler. Ces os troués ont surtout dû être des outils de chasse, soit pour communiquer entre les membres d’un clan, soit comme appeaux. Le son produit par ce type de sifflet étant aigü et assez puissant, rien ne peut prouver son utilisation pour produire une mélodie.
Plusieurs phalanges de rennes perforées ont été retrouvées.
Les racleurs
Les racleurs sont des artefacts de différentes formes, mais ils ont pour points communs d’être taillés dans l’os ou le bois de cervidés et d’avoir le bord crantés régulièrement.
Le son est produit par friction en frottant le bord du racleur avec une baguette de bois ou un os léger.
Des traces visuelles de la musique ?
L’art pariétal nous a laissé quelques peintures ou gravures de personnages qui peuvent évoquer la musique ou la danse. Ces représentations sont, comme toutes les figures humaines, les moins faciles à décrypter. Les avis des préhistoriens ne concordent pas et c’est souvent une interprétation libre plus qu’une certitude.
Le petit sorcier de la Grotte des Trois-Frères
La représentation d’un anthropomorphe appelée le petit sorcier à l’arc musical est l’une des figures le plus souvent citées pour « montrer » la musique à la Préhistoire. Le « sorcier » dans une posture dansante est relié à un objet présenté comme un arc musical ou une sorte de flûte à nez…
Une étude contradictoire montre que ce sorcier dansant et musical ressemble plus à un chasseur marchant à quatre pattes qu’à un « danseur ». Dans cette autre interprétation la posture à l’horizontal donne beaucoup plus de logique à certains éléments de la gravure, notamment à l’orientation de la queue appartenant à la peau de bête qui le recouvre.
« Une nouvelle approche de la gravure du « petit sorcier à l’arc musical » de la grotte des Trois Frères » de Frédéric Demouche, Ludovic Slimak, Daniel Deflandre LAPMO – CNRS – Université de Provence.
La musique et la danse sont des formes d’art éphémères difficiles à appréhender. L’existence de la musique au Paléolithique est attestée par la découverte de plusieurs types d’instruments : flûtes, sifflets, rhombes et racleurs. Les tambours existaient probablement au Paléolithique mais ces instruments faits de bois et de peau ne se sont pas conservés. Cependant, dans certaines grottes, des nappes de calcite montrant des traces de percussion témoignent des talents rythmiques des musiciens préhistoriques. Musée d’Archéologie Nationale.
C.R.
Sources
– La préhistoire, Antoine Balzeau et Sophie A. de Beaune
– Homo musicus palaeolithicus et Palaeoacustica, Michel Dauvois (Institut de Paléontologie Humaine, Instituto Italiano di Paleontologia Umana, Roma.
– Une nouvelle approche de la gravure du « petit sorcier à l’arc musical de la Grotte des Trois Frères« , de Frédéric Demouche, Ludovic Slimak, Daniel Deflandre LAPMO – CNRS – Université de Provence.
Bertrand Roussel