La femme dans la Préhistoire
La femme préhistorique, c’est 50% de l’humanité !
Avant les années 2000, la femme du Paléolithique n’avait pas forcément un traitement spécifique dans les livres de préhistoire. Tout au plus, reflet de la société, les femmes étaient cantonnées dans un rôle unique de procréation. Les clichés ayant la vie dure, la femme préhistorique allait de maternité en maternité, attendant tranquillement son compagnon qui était parti à la chasse… Sans vouloir tomber dans une vision trop Rousseauiste de la vie à la Préhistoire, il apparaît que, pour subsister, il devait y avoir une certaine harmonie dans les clans préhistoriques et que chacun devait apporter sa contribution sans qu’une hiérarchie des tâches soit faite.
Homme ou femme préhistorique, n’essayons pas d’opposer les sexes, car si nous sommes ici pour en parler c’est bien que ces deux faces d’une même humanité se sont souvent rencontrées (et plus si affinité !).
Une vision de la femme préhistorique, de la soumission à la libération…
Dès les prémices de la science préhistorique, on a vu dans nos ancêtres des hommes violents, hirsutes, qui revenaient ou partaient à la chasse. A l’opposé, la femme de la Préhistoire apparaissait faible, presque craintive et semblait n’avoir que deux occupations : faire et élever des enfants. Toutes les illustrations du 19ème siècle mettent en image un homme viril, musclé et dominateur, chasseur de bêtes féroces avec, à ses côtés, une femme soumise souvent accompagnée d’enfants.
Au début du 20ème siècle, c’est toujours le même type de rapport qui est présenté, avec une nouveauté : l’homme préhistorique maltraite sa femme et la tire désormais par les cheveux… Hormis ce trait qui se voulait à priori drôle, le statut de la femme préhistorique n’évolue pas énormément jusque dans les années 60.
Les mouvements de libération de la femme progressent et les mentalités changent. Au cinéma, on voit apparaître une nouvelle image de la femme, plus proche de l’amazone, et avec un coté assez revendicatif. Dans le film « Un million d’années avant Jésus-Christ » (1966) apparaît une armada féminine avec Raquel Welch comme figure de proue. Vêtue d’un bikini en peau de bête, la belle semble n’avoir manifestement pas besoin de l’homme pour survivre….
Comment reconnaître une femme préhistorique ?
Devant un squelette fossilisé, comment déterminer si l’on est face à un représentant de la gente masculine ou féminine ? Une grande partie de l’identification sexuelle se fait par comparaison avec les autres fossiles de la même espèce. Plus on remonte dans le temps, plus cette différenciation est difficile à faire du fait de la rareté des spécimens et du manque de complétude des squelettes. Même si le dimorphisme sexuel n’est pas aussi prononcé que chez d’autres primates, les anthropologues peuvent généralement déterminer le sexe d’un fossile à partir de deux éléments principaux : l’aspect plus gracile du squelette (plus petite stature, os plus fins..) et, s’il est retrouvé, la structure du bassin prévue pour un enfantement.
Pour Claudine Cohen : « Deux critères sont essentiels pour reconnaître le sexe. Le premier est la gracilité. Le second critère tient à la structure du bassin : celui d’une femme qui a déjà enfanté doit s’écarter suffisamment pour laisser passer la tête de l’enfant. »
Pour la paléoanthropologue Evelyne Peyre « il est impossible d’estimer le sexe de plus de la moitié de la population. Seulement 30% des squelettes sont réellement identifiables.
La forme du crâne (chez Homo sapiens) !
Une étude du crâne peut également donner des indications sur le sexe de l’individu : taille et forme de la protubérance occipitale externe, de la glabella, du bord supérieur de l’orbite et de plusieurs autres caractéristiques qui nécessitent toutefois d’avoir à disposition plusieurs individus (crânes) provenant de la même région afin d’établir des comparaisons les moins subjectives possibles…
Protocole Janssens & Perrot (1975)
La forme de la cochlée
La cochlée est l’organe de l’audition logé dans l’oreille interne. Sa morphologie en torsion est différente entre les hommes et les femmes et ce, dès la naissance. L’organe imprime sa forme dans le rocher, l’os qui l’entoure à l’intérieur du crâne. Le paléoanthropologue José Braga et ses collègues ont mis en évidence que la forme de la cochlée, plus précisément la torsion de sa spirale, diffère significativement selon le sexe.
Cette différence peut devenir un nouvel outil pour déterminer le sexe d’un individu si l’on peut passer son crâne à la tomographie par rayons X.
Schéma ci-contre : homme à gauche et Femme à droite
Avec un peu d’ADN
Quand cela est possible, on peut imaginer de réaliser une analyse de l’ADN nucléaire. La détermination du sexe n’est pas l’objectif principal de telles études (coûteuses) mais c’est une caractéristique qui peut-être déterminée. La principale limite des études génétiques tient au fossile en lui-même qui n’est pas forcément aussi bien conservé qu’on pourrait le souhaiter. De plus, tous les restes humains ne sont pas aussi « parlants » : il n’est pas fréquent de trouver de l’ADN ancien utilisable.
Schéma ci-contre : cariotype de l’espèce humaine. Femme à gauche et Homme à droite
Le rôle de la femme… et celui de l’homme à la Préhistoire
Depuis une quarantaine d’années, des études d’ethnologie et de préhistoire ont rééstimé les rapports hommes femmes dans les sociétés préhistoriques.
Sans que cela ne devienne le seul critère, il faut rappeler que la femme, de par son investissement naturel dans la reproduction (grossesse, accouchement puis allaitement), est moins mobile que l’homme. Elle a donc des possibilités d’actions plus réduites pendant un certain laps de temps. Les analyses isotopiques de dents d’enfant du Paléolithique indiquent que la période d’allaitement durait plusieurs années, ce qui est une caractéristique particulière de l’humain. Tant qu’il n’est pas sevré l’enfant reste « accroché » à sa mère, limitant ainsi ses possibilités de déplacement. Par ailleurs, il est probable que l’éducation et la surveillance des enfants devait également échoir à la femme.
Depuis une quarantaine d’années, des études d’ethnologie et de préhistoire ont rééstimé les rapports hommes femmes dans les sociétés préhistoriques.
Sans que cela ne devienne le seul critère, il faut rappeler que la femme, de par son investissement naturel dans la reproduction (grossesse, accouchement puis allaitement), est moins mobile que l’homme. Elle a donc des possibilités d’actions plus réduites pendant un certain laps de temps. Les analyses isotopiques de dents d’enfant du Paléolithique indiquent que la période d’allaitement durait plusieurs années, ce qui est une caractéristique particulière de l’humain. Tant qu’il n’est pas sevré l’enfant reste « accroché » à sa mère, limitant ainsi ses possibilités de déplacement. Par ailleurs, il est probable que l’éducation et la surveillance des enfants devait également échoir à la femme.
Une division du travail spatialisée
L’étude des campements paléolithiques indique clairement qu’il existait des zones de travail bien différenciées : boucherie, taille de silex, foyer, aiguilles… Quant à savoir qui réalisait quoi, c’est presque impossible. Il a longtemps été convenu qu’on pouvait attribuer la zone de taille de silex à un homme et celle de la fabrication d’une aiguille à une femme. Mais absolument rien ne peut véritablement prouver que ces ateliers étaient repartis en fonction du sexe. On peut également imaginer d’autres types de division du travail en fonction des aptitudes, ou de l’âge par exemple.
Toutefois, une étude des dents fossiles retrouvées sur plusieurs sites néandertaliens (Spy, Hortus et El Sidron) montre que les hommes et les femmes de Néandertal n’avaient pas les mêmes activités. Les 99 dents étudiées montrent que :
– tous les Néandertaliens utilisaient leur bouche (et la mâchoire) comme une troisième main,
– les dents des femmes présentent des rayures plus longues que celles des hommes,
– des entailles sont plus présentes chez l’homme dans la partie supérieure de la dentine.
Même si l’on ne sait pas à quelles tâches correspondent ces marques, elles démontrent que certaines activités étaient sexuellement réparties.
Une approche égalitaire
Pour une majorité de chercheurs il existait au Paléolithique une division du travail basée sur le sexe et l’âge des individus : les hommes chassaient le gros gibier, les femmes et les plus vieux attrapaient les petits animaux, entretenaient le feu, cueillaient des baies… Pour Claudine Cohen : « …à l’homme chasseur s’ajoute donc la femme collectrice… » Rien ne peut étayer cette vision des sociétés préhistoriques qui est surtout une vision basée sur l’étude ethnologique des populations actuelles de chasseurs-cueilleurs.
Sophie Archambault de Beaune indique que ces reconstitutions ne sont pas évidentes car elles présupposent que tous les chasseurs-cueilleurs ont le même comportement où qu’ils soient sur la planète, ce qui n’est pas le cas… et également qu’il existe des activités prédestinées aux femmes ou aux hommes, ce qui n’est pas démontré non plus !
L’étude des « sites de chasse » montre qu’il s’agissait le plus souvent de site de charognage. La chasse au gros gibier n’est apparue qu’au Paléolithique supérieur : la majorité des apports alimentaires était issue de la cueillette et des collectes diverses. Les baies, les fruits, les tubercules, les insectes, les larves, les petits gibiers étaient probablement plus souvent au menu que le mammouth. Ces activités pouvaient aussi bien être réalisées par des femmes que par des hommes.
Une vision du travail en collectif
On pourrait également penser que certaines activités étaient faites avec l’ensemble des hommes et des femmes, comme devaient le faire les Néandertaliens pour attraper du très gros gibier : dans ce cas, toutes les forces du clan devaient être mobilisées, femmes, hommes et enfants compris.
Il est possible également que les activités étaient distribuées naturellement selon les aptitudes de chacun, un homme n’étant pas génétiquement programmé pour tailler un silex et une femme pour déterrer un tubercule. Selon le moment et les aptitudes naturelles de chaque individu, l’entretien du feu ou la cueillette de baies pouvait être réalisés par un membre du clan, puis par un autre, sans répartition sexuelle…
Dans le tableau de Zdenek Burian représentant un retour de chasse chez Néandertal, on peux voir la présence d’au moins une femme…
On pourrait également penser que certaines activités étaient faites avec l’ensemble des hommes et des femmes, comme devaient le faire les Néandertaliens pour attraper du très gros gibier : dans ce cas, toutes les forces du clan devaient être mobilisées, femmes, hommes et enfants compris.
Il est possible également que les activités étaient distribuées naturellement selon les aptitudes de chacun, un homme n’étant pas génétiquement programmé pour tailler un silex et une femme pour déterrer un tubercule. Selon le moment et les aptitudes naturelles de chaque individu, l’entretien du feu ou la cueillette de baies pouvait être réalisés par un membre du clan, puis par un autre, sans répartition sexuelle…
Dans le tableau de Zdenek Burian représentant une chasse au mammouth, comme dans la majeure partie de son oeuvre, il ne figure aucune femme…
La femme dans l’art préhistorique
Dans l’art préhistorique, les représentations humaines ne sont pas nombreuses, mais parmi elles, celles des femmes, entières ou partielles, sont les plus fréquentes.
Sur les parois des grottes, la femme est surtout représentée « en morceaux » et plus rarement complète. Des sexes triangulaires, des vulves et des corps sans tête constituent le corpus principal des représentations féminines dans l’art pariétal.
Dans l’art mobilier, la majorité des femmes sont représentées avec des caractères sexuels prononcés : forte poitrine, ventre et hanches proéminentes. Parfois également le sexe est surligné, comme pour le mettre en valeur. Face à une interprétation très sexuelle de ces représentations, Claudine Cohen avance une autre hypothèse : ces « Vénus » pourraient être des femmes âgées ayant eu plusieurs maternités, ce qui expliquerait la poitrine tombante et le ventre distendu.
Ci-dessous, statuette féminine brisée dite La Poire. Cette vénus a été retrouvée en 1892 à Brassempouy.
La femme à l’origine des peintures préhistoriques ?
Si jusqu’à présent c’était toujours un homme qui était censé être l’auteur des peintures ou gravures pariétales, il apparaît aujourd’hui que ce rôle est peut-être usurpé. Les réalisations artistiques de la Préhistoire ont autant de chance d’être féminines que masculines. L’étude des mains négatives dans l’art pariétal montre qu’une grande partie serait tout simplement féminines. Selon l’étude de l’archéologue Dean Snow dans pas moins de huit grottes gravetiennes (Gargas, El Castillo, Pech Merle… ) ce sont des femmes qui ont laissé des empreintes pariétales dans 75% des cas (Etude par l’indice de Manning, selon lequel l’annulaire masculin est plus long que son index, tandis que ces deux doigts sont à peu près de la même longueur chez la femme).
Les femmes préhistoriques fossiles
Au cours du temps, les études de fossiles permettent parfois d’attribuer le squelette à une femme ou à un homme. Parfois c’est uniquement l’inventeur qui détermine le sexe, sur des critères plus « marketing » que scientifiques : une femme peut paraître plus commerciale. Parfois le sexe est revu et corrigé après que des études plus approfondies ont été réalisées ! Petite sélection, non exhaustive, de ces fossiles « féminins » qui ont fait la Préhistoire :
La Dame du Cavillon
Découvert en 1872 dans la grotte du Cavillon (Balzi Rossi), l’Homme de Menton était un fossile d’Homo sapiens de – 24 000 ans. Avec son crâne recouvert de coquillages et d’ocre, il semblait appartenir à un individu de sexe masculin. C’est une étude approfondie de son bassin qui a permis de réattribuer le squelette à une femme et modifier ainsi L’Homme de Menton en Dame du Cavillon !
Image Crâne Cavillon – Musée de l’Homme, Paris – Neekoo pour Hominides.com
Pierrette la Néandertalienne…
Pierrette a été découverte en 1979 au lieu-dit la Roche à Pierrot, à Saint-Césaire. C’est le premier fossile français qui démontrait que les Néandertaliens étaient toujours présents (-36 000 ans) quand Homo sapiens s’est répandu dans nos contrées… Quant à savoir si c’est Pierrot ou Pierrette rien ne permet de l’affirmer !
Image Pierette – Paléosite, St Cesaire, Kroko pour Hominides.com
Madame Pataud
Sous l’abri Pataud (les Eyzies-de-Tayac), 250 restes humains ont été découverts en 1958. La position des corps montre que ce sont des sépultures intentionnelles datant du Gravettien il y a 22 000 ans. Après étude et reconstitution, les ossements appartiennent à 6 Homo sapiens dont 2 femmes adultes. Le crâne de l’une d’elle était très bien conservé. Des perles d’ivoire ont été mises au jour dans la même couche stratigraphique que les ossements.
Madame Pataud, Exposition temporaire PIP Eyzies – Ktoko pour Hominides.com
La Dame de Florès
Beaucoup de bruit médiatique lors de la découverte des squelettes sur l’île de Flores. Ces petits hommes de 1,10 m vivaient il y a 50 000 ans et donc au même moment que les premiers Homo sapiens européens et les derniers Néandertaliens. Cette nouvelle espèce a été baptisée Homo floresiensis. Le squelette le plus complet, d’après son pelvis, appartenait probablement à une femelle.
Lucy l’Australopithèque
C’est en Ethiopie que le petit fossile de 1 mètre a été mis au jour en 1974. Très complet, avec un beau morceau du bassin tourné vers l’avant et en forme de U, les inventeurs ont déterminé que c’était une femelle. Depuis, des controverses apparaissent régulièrement et remettent en cause sa féminité. Ce n’est pas facile d’avoir été surnommée (à tort) la « grand-mère de l’humanité » !
Image Lucy au MEH de Burgos, Neekoo pour Hominides.com
Sources
Cochlear shape reveals that the https://www.nature.com/articles/s41598-019-47433-9human organ of hearing is sex-typed from birth
C.R.