Secret partagé d’adolescents un soir d’été 1940, Lascaux est aujourd’hui partie intégrante de notre panthéon national. Un monument que les plus anciens d’entre nous, privilégiés, s’enorgueillissent d’avoir vécu en version originale. Oubliant, parfois, que l’exploitation intense de ce premier tourisme de masse faillit faire disparaître ce joyau préhistorique.
Mais qu’est-ce que Lascaux en réalité ? Un beau décor ? Une cathédrale ? Un sanctuaire ? Un vestige sacré pour les archéologues ? Aujourd’hui, grâce à la révolution numérique, les peintures et gravures de Lascaux sont mieux connues. Parallèlement, les recherches sur les techniques et les gestes des artistes progressent. Les chronologies s’affinent, et se discutent.
Dans cet ouvrage abondamment illustré, Romain Pigeaud, préhistorien, présente tout ce qu’il faut savoir sur la grotte ornée la plus célèbre du monde, les salles et les scènes figurées. Faisant le point sur les discussions parfois byzantines des spécialistes, il retrace aussi l’histoire de ce lieu unique depuis sa découverte par quatre jeunes gens, son sauvetage par quelques héros et son étude par les préhistoriens, André Glory et Norbert Aujoulat en particulier.

Un extrait de Lascaux - Histoire et Archéologie d'un joyau préhistorique

Introduction Lascaux - Histoire et archéologie d’un joyau préhistorique

La maladie noire menace. Lascaux se meurt, mais Lascaux n’est pas morte. A chaque assaut, l’émotion resurgit et saisit le monde, ce qui prouve combien les peintures et gravures de Lascaux restent encore chères à nos cœurs. Peu de monuments, peu de sites archéologiques peuvent se vanter de susciter autant d’intérêt que de sympathie. Pourtant, qu’avons-nous de commun avec les artistes préhistoriques ? A peu près rien, sinon que nous sommes comme eux des Homo sapiens. Les grands taureaux n’ont pas été dessinés pour nous et, pourtant, ils nous émeuvent. Le présent livre ne prétend pas résoudre l’énigme, mais souhaite donner les clés du problème et approcher, au plus près, cet « esprit de Lascaux », qui a capté l’attention des poètes (Georges Bataille et René Char) et excité « la vanité des bavards », aurait dit Flaubert1.
Beaucoup a été écrit à son sujet et beaucoup le sera encore. Les progrès de la recherche scientifique permettent de mieux connaitre les œuvres pariétales, jusque dans l’intimité´ de leurs atomes. L’incroyable complexité du travail des artistes, qui ont peint, repeint, corrigé, effacé à une cadence qui reste inconnue, force le respect. Lascaux fut probablement leur chef-d’œuvre et ils l’entretinrent comme nous aujourd’hui sommes chargés de le faire.
Sur Lascaux plane aussi l’esprit de deux grands chercheurs : André Glory et Norbert Aujoulat. Ils ont consacré leur vie à cette grotte, l’ont mieux connue que la plupart des préhistoriens.

Rien ne remplace le terrain. Parmi tous les spécialistes de l’art paléolithique, reconnus ou autoproclamés, certains ont « les mains sales ».  Pour eux, les peintures et gravures sont plus que des reproductions ou des images. Ils y sont allés et ont ressenti. Ils ont vécu, non pas une pseudo expérience mystique ou chamanique, mais l’émotion de première main, presque indescriptible, qu’il faut apprendre à dominer pour devenir un véritable scientifique. Une lueur s’allume dans leur regard, la même que dans celui de Norbert Aujoulat lorsqu’il examinait la paroi de la grotte.
Elle trahit l’émotion, la tendresse. Dans l’obscurité, le chercheur écarquille les yeux pour produire un document objectif. A  la lumière du jour, certains disserteront, déroulant en de longues phrases l’esthétique de ce qu’ils n’ont pas vu. Avec, finalement, cette constatation très simple : « C’est beau.» Que de salive perdue, que d’encre gâchée pour en arriver là ! Qu’est-ce que Lascaux ? Est-elle ce secret que se partagèrent des adolescents un soir d’été´ ? Un beau décor ? Une cathédrale ? Un sanctuaire ? Un vestige sacré pour les archéologues ? Sans doute tout cela à la fois.