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Les techniques utilisées dans l’art pariétal préhistorique
Les grottes ornées du Paléolithique sont étonnantes du fait que nos ancêtres ont utilisé plusieurs techniques pour recouvrir les parois. Si la peinture vient immédiatement à l’esprit, la gravure et la sculpture font également partie des moyens d’expression utilisés pleinement par les préhistoriques. Il arrivait même que l’artiste utilisait deux techniques sur la même entité graphique, le coup de peinture étant alors surligné par un trait de gravure.
Ces différentes techniques sont toutes utilisées depuis les débuts de l’att pariétal. Les préhistoriques semblent avoir investi tous les domaines d’expression possibles.
Marc Azèma résume le savoir-faire de l’art des cavernes : « Pour représenter un motif, figuratif ou abstrait, les artistes paléolithiques ont employé la gravure, la peinture ou la sculpture – et dans bien des cas combiné les trois – et profité des possibilités offertes par la texture et la forme des parois et des sols.«
Un art très technique, tout sauf improvisé !
Dans le documentaire Homo sapiens, on voit un homme préhistorique prendre un morceau de charbon de bois et dessiner, sur la roche, les contours d’un animal, presque par hasard…
Dans la réalité, on peut supposer que tout acte artistique devait nécessiter une certaine préparation :
– chercher le minéral avec la bonne couleur (manganèse, limonite…) parfois sur plusieurs kilomètres
– le broyer et le mélanger (eau, salive…) dans un godet ensuite pour obtenir une matière « étalable »
– fabriquer éventuellement une sorte de pinceau ou de tampon pour appliquer la peinture
– choisir et tailler la bonne pierre pour graver la roche,
– préparer son éclairage portatif (lampe à graisse, torche…) afin de pouvoir progresser dans les cavités.
Bref , un vrai « travail » réfléchi, pensé et organisé… qui n’est pas forcément l’oeuvre d’un homme mais peut également a voir été réalisé par une femme… Pour la préhistorienne Marylène Patou-Mathis il n’existe « aucune preuve que les femmes n’aient pas peint la grotte de Lascaux ! »
La gravure
Pour graver, les hominidés utilisaient une pierre, du bois dur, un morceau d’os…
La gravure, très répandue, va de la trace fine laissée par la pointe d’un burin de silex, à des incisions plus profondes dessinant vigoureusement les contours. Dans certains sites, des enlèvements de matière importants font apparaître de véritables bas-reliefs. La multiplication des incisions fines donne des contours plus flous mais plus vivants. Des raclages faisant apparaître une teinte plus claire sous la surface de la roche sont employés pour produire, en réserve, des effets de couleur et de volume. Le trait gravé, même simple et fin, est surtout perceptible par la différence de couleur qu’il produit, différence qui devait être encore plus vive au Paléolithique. De ce fait, la trace gravée est, en quelque sorte, une trace colorée. Enfin, il n’est pas rare de voir gravures et peintures associées dans une même figure. Le piquetage, fréquent dans l’art rupestre néolithique, est rare au Paléolithique.
En 2000 ,une nouvelle grotte ornée fut découverte dans le Périgord : la grotte de Cussac. Exceptionnelle, elle est constituée à plus de 90% de gravures, et fait rarissime des sépultures y ont également été trouvées.
Néandertal auteur de gravures ?
En 2014, des traits gravés ont été découverts dans la grotte de Gorham (Gibraltar). Ils sont datés de – 39 000 ans et attribués aux Néandertaliens. En 2023 c’est dans la grotte de la Roche-Cotard que des néandertaliens ont effectués des tracés sur les parois il y a plus de 57 000 ans .
Egalement en Espagne : la grotte Font-Major a délivré de nombreuses gravures qui ont fait l’objet d’une publication en 2020.
La sculpture
Des entailles profondes dans la roche
Comme sortant de la paroi, certaines représentations sont tellement en relief que l’on peut presque parler de sculpture. A force d’enlever des fragments de roches, le sujet, physiquement détouré, apparaît en relief. Cette technique est employée pour des frises de plusieurs mètres comme celle, monumentale, de l’Abri du Cap Blanc où les chevaux et les bisons sont de grande taille. Au Roc-de-Sers, la paroi présentait une frise de chevaux, bouquetins et bisons, qui s’est malheureusement effondrée et brisée en plusieurs morceaux. A Angles-sur-Anglin, Randall White indique, en parlant du site du Roc-aux-Sorciers, « la paroi présentait une dizaine de sculptures en bas-relief et des gravures réparties en plusieurs frises disctintes... »
Le modelage : une technique rarissime…
Le modelage était aussi un procédé connu. Malheureusement, les œuvres modelées en argile crue sont très fragiles. Une seule d’entre elles nous est parvenue en bon état de conservation : les bisons du Tuc d’Audoubert.
On peut également évoquer, dans la grotte de Montespan, un avant-train animal non identifié ainsi que la silhouette massive d’un ours.
Dans de rares grottes, comme à Niaux ou Bedeilhac, des figures ont été dessinées dans l’argile, au sol, et modelées/effacées par le temps.
La peinture
Le mode d’expression le plus connu du grand public
La peinture fait appel à deux pigments : noir et ocre. Le noir est constitué soit par du charbon de bois (genévrier ou pin) ou plus rarement d’os, soit par de l’oxyde de manganèse (Grotte de Lascaux). Les ocres sont des argiles dont la teinte naturelle varie du rouge au brun-jaune en fonction de leur teneur en oxyde de fer (hématite, limonite) mais peut également être modifiée par chauffage. Le bleu et le vert ne sont pas encore connus. Les teintes de base, mariées avec la couleur du support, sont employées seules ou sont associées (polychromie).
Marc Groenen indique « Les couleurs utilisées pour l’art pariétal comprennent pour l’essentiel le rouge et le noir. On relève toutefois plus exceptionnellement du jaune et du violet, en particulier dans les sites de la corniche Cantabrique, ainsi que du blanc et du bistre.«
L’application se faisait avec des sortes de crayons d’ocre dont plusieurs exemplaires ont été retrouvés, mais aussi avec des morceaux de charbon de bois. L’application à l’aide d’un pinceau végétal est probable ou possible mais n’est pas attestée. La main trempée dans la préparation pigmentée permettait de réaliser des empreintes, comme les mains positives (Grotte de Gargas), ou de gros points, comme dans la grotte Chauvet.
Deux modes d’application sont assez particuliers au Paléolithique : de gros points juxtaposés forment parfois un contour ou, mieux encore, une silhouette complète. Plus originale est la technique du soufflé. L’ocre préalablement mâchonnée est soufflée avec la bouche directement sur la paroi. Ce procédé, décrit par le préhistorien Michel Lorblanchet, permet de peindre sur des supports irréguliers, d’obtenir des tons dégradés et même des contours nets lorsqu’il est combiné avec la technique du pochoir. Les mains négatives sont réalisées par ce procédé, tout comme les chevaux pommelés de Pech Merle.
Les figures ainsi produites sont parfois limitées à de simples silhouettes mais assez souvent l’aplat est entièrement coloré en estompage.
Qu’il s’agisse de gravure ou de peinture, un procédé assez spécifique à l’art paléolithique reste employé de façon tout à fait courante : l’utilisation des reliefs naturels. Un élément naturel, fissure ou mouvement de la roche, est intégré à la figure lui donnant plus de relief ou de présence .
Une source de lumière
L’éclairage : un outil nécéssaire pour l’artiste des cavernes
Pour réaliser les gravures, les sculptures ou les peintures au fond des cavernes, loin de la lumière naturelle, les artistes devaient apporter des sources de lumière. Ces éclairages pouvaient être de deux sortes, soit une torche enflammée, fabriquée avec un morceau de bois enduit de cire ou de graisse, soit une lampe à graisse formée d’une pierre creusée qui contenait le combustible.
Les torches sont une hypothèse probable dont on n’a retrouvé des traces de mouchage sur les parois, mais pas de restes à proprement parler: les torches en bois consummées ont peu de chance de résister au temps !
Plusieurs lampes en revanche ont été découvertes dans des abris sous roches, des gisements de plein air et des grottes. Elles étaient très probablement utilisées dans la vie quotidienne et pas seulement pour pénétrer dans les cavités. Paul G. Bahn précise « Il existe un petit nombre de lampes magnifiquement faconnées, et certaines portent même des gravures, comme celles de La Mouthe ou de Lascaux. Nombre d’entre elles sont en grès rouge de Corrèze, qui semble donc avoir été un centre de production« . Des études ont indiqué que des acides gras d’origine animale servaient de combustible.