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Un bipède en Crète il y a près de 6 millions d’années…
Un bipède en Crète il y a près de 6 millions d’années…
Datation de la couche stratigraphique où figurent des d’empreintes de pas datées de 5,7 millions d’années
Découverte
En 2002 des empreintes de pas ont été découvertes dans la région de Trachilos, près de la ville de Kissamos, à l’ouest de l’île. C’est le paléontologue polonais Gerard Gierlinski qui avait fortuitement identifié ces traces de pas de mammifères lors de ses vacances dans l’île ! En 2010, accompagné d’un autre paléontologue, Grzegorz Niedzwiedzki, il retourne sur le site pour poursuivre ses investigations.
Deux surfaces d’empreintes (A et B2) ont été identifiées sur un affleurement naturel. Les chercheurs ont dénombré 29 traces au total. Elles mesurent entre 9,9 et 22,3 cm de longueur. Le séquencement et l’écartement des traces de pas indiquent qu’elles sont l’oeuvre d’un ou plusieurs bipèdes.
La forme du pied semble être nettement plus proche d’un humain que d’un autre animal. La forme de notre pied est très spécifique dans le genre animal : nous combinons un pied long avec 5 orteils courts dont le gros orteil (hallux) est plus grand et aligné sur les autres. Autres caractéristiques du pied humain, le calcaneum forme une boule au niveau du talon et nous ne possédons pas de griffes.
Pour l’équipe de chercheurs, « les nouvelles empreintes de Trachilos ont une forme indubitablement humaine ». C’est particulièrement vrai pour les orteils. Le gros orteil est semblable à celui du pied humain en terme de forme, de taille et de position ; il est également « associé à une protubérance distincte au niveau du talon (calcaneum), qui n’est jamais présente chez les autres primates ». La nature sablonneuse du sol au moment où les empreintes on été faites n’a malheureusement pas permis de laisser des empreintes aussi précises que les scientifiques auraient souhaité !
La datation des empreintes
Les empreintes ont été datées en étudiant les micro-organismes marins fossilisés et piégés dans la même couche que celles-ci. Les scientifiques ont identifié des foraminifères dont la particularité est d’avoir évolué continuellement dans le temps. Une fois identifié le stade de leur évolution, les chercheurs ont pu préciser que leur âge était compris entre 8,5 Ma et 3,5 Ma.
Les strates sédimentaires environnantes ont également permis de donner cette datation. En effet, il y a environ 5,6 millions d’années, à la fin du Miocène, un événement remarquable est arrivé : toute la Méditerranée s’est desséchée pendant un certain laps de temps. Cet assèchement s’est matérialisé par une couche plus claire, facilement identifiable, dans la stratigraphie. Les traces de pas de Trachilos étant juste en-dessous, il a été logique de les dater à environ – 5,7 millions d’années.
Une nouvelle donne dans la distribution géographique des espèces ?
Au moment où les traces de Trachilos ont été faites, le désert du Sahara n’existait pas. Des environnements semblables à ceux de la savane s’étendaient de l’Afrique du Nord vers la Méditerranée orientale. En outre, la Crète n’était pas une île et ne s’était pas encore « détachée » de ce qui allait devenir la Grèce. Il était alors tout à fait possible de venir « à pied sec » dans cette région. Pour les chercheurs cela implique donc qu’un homininé a marché à cette époque dans le sud de l’Eurasie il y a 3,7 Ma. Jusqu’à présent tous les hominidés plus anciens que 2 Ma étaient situés en Afrique : Sahelanthropus tchadensis (7,5 Ma), Orrorin (6 Ma), Ardipithecus et tous les australopithèques Les premiers « européens », les Homo georgicus, datés de 1,8 Ma ont été retrouvés en Ukraine à Dmanisi.
Pour les auteurs de l’étude, avec la découverte de ces empreintes de pas, il semblerait que des hominidés se sont déployés très tôt autour du bassin méditerranéen en continuant de se développer et d’évoluer sur le continent africain. Ils associent aux traces de pas la précédente publication d’une étude concernant Graecopithecus, une mâchoire de primate trouvée en Grèce (et une dent en Bulgarie) dont la classification comme homininé est fortement remise en question par la communauté scientifique.
Ce type d’étude va probablement déclencher quelques réactions
Conscient que cette étude bouscule quelque peu le scénario de l’évolution de l’homme, Per Ahlberg, l’un des auteurs de l’étude, déclare « La question est de savoir si la communauté de recherche sur les origines de l’homme accepte des empreintes fossiles comme une preuve concluante de la présence d’homininés en Crète au Miocène ».
Pour le professeur Zach Throckmorton (Universitée du Michigan) : « Pour moi, vu sa position, ce gros orteil est un orteil de singe et non d’humain. Ou alors, celui qui a laissé l’empreinte souffrait du plus énorme hallux valgus (appelé vulgairement un « oignon ») qu’il m’a été donné de voir ! «
Per Erik Ahlberg précise qu’il ne faut pas confondre l’évolution des hominidés et l’évolution de l’homme moderne… Un grand nombre de découvertes d’hominidés ne correspondent pas forcément à des ancêtres directs comme Homo floresiensis, Homo naledi, Homo georgicus…
Il ajoute, « Il est clair que les hommes modernes ont évolué en Afrique ».
« L’interprétation de ces empreintes est potentiellement un sujet de controverses » ont déjà indiqué les auteurs de l’étude .
Sources
Possible hominin footprints from the late Miocene (c. 5.7 Ma) of Crete?
Gerard D. Gierliński, Grzegorz Niedźwiedzki, Martin G. Lockley, Athanassios Athanassiou, Charalampos Fassoulas, Zofia Dubicka, Andrzej Boczarowski, Matthew R. Bennett, Per Erik Ahlberg,
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